“On a mis la planète à l’arrêt pour des raisons sanitaires alors qu’on tire la sonnette d’alarme pour l’écologie depuis des années”, Virginie Coupérie-Eiffel

Éternelle optimiste, Virginie Coupérie-Eiffel avait espoir que son cher Longines Paris Eiffel Jumping (LPEJ) ait bien lieu en 2020. Après avoir pris la décision de le décaler fin août dans un premier temps, la présidente du concours installé sur le Champ de Mars a finalement dû se résoudre à annuler son évènement, le circuit du Longines Global Champions Tour dont il fait partie n’ayant pas lieu cette saison en raison de la pandémie de Covid-19. Toujours aussi motivée malgré tout, Virginie Coupérie-Eiffel prend les choses avec philosophie et a déjà hâte de se remettre en selle pour l’édition 2021 de son concours. Le tout, sans oublier les valeurs qui lui sont chères, dont la préservation de l’environnement.    



Comment avez-vous vécu votre confinement ? 

J’ai pu passer le confinement chez moi, à château Bacon (à Saint-Vincent-de-Paul, à trente minutes au Nord de Bordeaux, ndlr), et cela a vraiment été le rêve car j’ai pu m’occuper des chevaux et de l’équipe, le tout, dans la nature. À la campagne, on ne s’embête jamais et j’en ai profité pour refaire les barrières, entretenir les arbres et les prairies, faire les foins, organiser mes équipes… Tout ce que je n’ai pas le temps de faire quand le Longines Paris Eiffel Jumping (LPEJ, ndlr) approche ! J’ai revécu la vie que j’avais avant car j’ai été élevée à la campagne et que je passais beaucoup de temps sur un tracteur à labourer. Ces quelques semaines, j’ai pu assister à tous les poulinages et monter. Tout ce que je ne voyais plus, car comme tout le monde, j’ai été happée par toutes mes activités. En temps normal, je me consacre au LPEJ à partir du début d’année, ce qui fait que je suis beaucoup moins chez moi. Ces trois derniers mois, je n’ai pas bougé, ce qui ne m’était pas arrivé depuis mes dix-huit ans. Je dois dire que c’était beaucoup mieux. On reprend goût aux voyages, on se rend compte que l’on peut assurer la majorité des rendez-vous par téléphone et que nous n’avons pas besoin de prendre un train. Il n’y avait presque plus d’avions dans le ciel, c’était si beau. J’espère qu’il y en aura moins qu’avant désormais, car on fait trop de voyages pour rien. Vous savez, je suis de plus en plus écoresponsable et marquée par cette volonté de vivre et consommer autrement. Il s’agit d’ailleurs d’une valeur essentielle de mon évènement. J’espère que cette crise va réveiller les consciences car ce confinement a prouvé que l’on pouvait se passer de beaucoup de choses et éviter la consommation à outrance en essence, vêtements, transports etc. Il faut revenir à des choses saines plutôt que de privilégier la quantité et les grandes surfaces. Protéger la nature est indispensable et nous étions de toute évidence allés trop loin. Je crois toutefois en l’humain. On a accepté de mettre la planète à l’arrêt pour des raisons sanitaires alors que tout le monde tire la sonnette d’alarme pour l’écologie depuis des années mais que peu de gens réagissent. On nous dit “la décroissance, ça ne fonctionne pas” et nous continuons à empoisonner la mère nourricière. Pourtant, on l’a fait de façon drastique pour un virus. Pourquoi ne pas adapter cela d’une façon économiquement viable ? Je suis très engagée dans ce combat, qui est finalement celui de la raison. L’humain doit se remettre en question pour les générations futures. 

Certains craignent que les mauvaises habitudes ne reprennent le dessus désormais. Êtes-vous optimiste pour le “monde d’après” ?

En réalité, je ne suis pas complètement optimiste. La planète nous offre une opportunité de changer nos comportements. J’ai foi en l’humain, mais je sais que les habitudes reviennent à toute vitesse et j’ai peur que tout recommence comme avant. Nous avons tous un rôle à jouer, j’en suis convaincue. Un changement de mentalité est nécessaire mais cela prend du temps. Chacun a sa part de responsabilité, on peut tous faire quelque chose grâce à des gestes très simples. On voit par ailleurs que les grandes entreprises cherchent progressivement à s’adapter aux clients. Si la demande change fondamentalement, les entrepreneurs vont ensuite devoir adapter leur offre. Peu à peu, on voit émerger une démarche écoresponsable dans la plupart des grands groupes. 



Le 25 mai, le report à 2021 du Longines Global Champions Tour (LGCT) et de sa League (GCL) ont été annoncés, entrainant l’annulation du Longines Paris Eiffel Jumping (LPEJ), dont vous êtes la présidente. Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?   

Je suis une entrepreneuse et non pas une contemplative. Je voulais absolument que cet évènement ait lieu, mes équipes et moi nous sommes battus. Nous avions d’abord pris la décision de reporter l’évènement fin août, ce que la Fédération équestre internationale (FEI), la Fédération française d’équitation (FFE), le circuit et la Mairie de Paris avaient accepté. Tout le monde nous soutenait, jusqu’à la décision du circuit. Je ne pouvais pas aller contre car mon concours est une étape du Global et que je dois me plier à leur volonté d’exister ou pas. J’étais prête à organiser l’évènement de manière indépendante mais cela représentait un énorme risque financier. Il y a beaucoup d’annulations d’évènements car les compétitions sportives ont été interdites, et le sont encore à ce jour. La ministre des Sports (Roxana Maracineanu, ndlr) a été très claire là-dessus. Ce sont des décisions radicales, mais la période est tellement flexible que tout change de jour en jour. Nous avions payé les équipes depuis le début de l’année, signé les contrats et versé les acomptes pour la construction de l’évènement. Le budget de montage est absolument énorme pour cet évènement, car nous devons installer les structures au-dessus des fontaines, en pleine ville. Nous avons beaucoup de complications pour essayer de ne pas être trop invasif, autant pour les habitants que pour la protection des espaces naturels. Il s’agit d’un concours très complexe et long à monter. Face aux interdictions et au manque de visibilité, nous avons dû nous résoudre à l’annuler. Il en a été de même pour les autres pays, on a par exemple vu le CHIO d’Aix-la-Chapelle annulé alors qu’il devait initialement être décalé à l’automne… Je comprends parfaitement que le circuit du Global devait prendre une décision, et je crois qu’elle a été la plus sage. Il s’agit d’une question de survie économique face à cette fracture sanitaire, sociale et désormais justement économique. L’avantage de faire partie d’un circuit est de pouvoir bénéficier de cette protection et d’une visibilité internationale. Le désavantage se situe dans le manque d’indépendance lors de la prise de décision comme celle-ci. J’ai été obligée de la suivre car je suis solidaire. Je crois profondément que seul on n’est pas grand-chose, et qu’ensemble, on est plus fort. Le concours a été reporté mais nous reviendrons plus inventifs en développant tous les grands axes qui nous sont chers, comme notamment l’écologie. Cela était déjà prévu pour cette édition, qui devait être dédiée à la biodiversité avec différents ateliers car les évènements ont à charge de relayer des convictions citoyennes. 

Cette année, quelques partenaires nous avaient déjà annoncé qu’ils ne pourraient pas nous accompagner pour l’édition 2020. Cela s’annonçait difficile, mais 2021 risque de l’être encore davantage et nous devrons peut-être réduire un peu la voilure. Les dates ont par ailleurs été modifiée et l’évènement se tiendra du 25 au 27 juin. Je pense que le circuit va par ailleurs harmoniser son calendrier pour évitement la multiplication des déplacements. Pourquoi ne pas regrouper les compétitions par pays ou régions ?   

Cette démarche écologique, vous l’aviez déjà insufflée depuis plusieurs années dans le Longines Paris Eiffel Jumping (LPEJ)… Comment cela était-il reçu ?   

Tout à fait, progressivement on voyait que les concours commençaient à se mettre au vert. Par exemple, plutôt que de mettre en place des services de navettes avec des berlines comme dans n’importe quelle compétition, je poussais les cavaliers à prendre le métro, j’avais mis en place un roulement de voitures électriques… Il faut prendre le temps d’expliquer aux gens et de l’engagement pour les convaincre, mais je suis certaine qu’un évènement doit servir à cela. L’ADN du LPEJ est un évènement sportif, culturel et urbain avec le côté social et accessible que cela implique, et une démarche écoresponsable. Je pense que désormais, l’intérêt pour la biodiversité va s’accroître. Je crois qu’il y aura à l’avenir moins de concours, que les cavaliers vont arrêter d’être tous les jours dans des avions et que leurs déplacements auront une autre saveur, que les enjeux seront différents. Les chevaux dureront plus longtemps et se blesseront peut-être moins, ils seront sûrement plus heureux d’aller concourir… Par exemple, après les trois mois de pause, mes chevaux étaient super excités de concourir à nouveau, ils étaient fiers de repartir. Je crois fondamentalement que si l’humain arrive à être moins dans la course effrénée, il pourra alors atteindre une sorte de plénitude, d’équilibre et d’harmonie.