Un pas vers un consensus pour les épreuves Pro 1?

Après les vives protestations suscitées par la mise au programme de certains concours à huis clos d’épreuves Pro 1 à engagements et dotations variables, une réunion s’est tenue le 15 juin à Bordeaux à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine. Elle a réuni représentants de la Fédération française d’équitation, organisateurs et cavaliers avec pour but commun de tenter de trouver la meilleure solution pour maintenir ces épreuves, structurellement déficitaires aujourd’hui dans la plupart des régions.



Initiée par une cellule de discussion composée de Philippe Rossi, responsable du Pôle européen du cheval d’Yvré-l’Évêque, Xavier Trouilhet, responsable du pôle hippique de Lou Chibaou, à Barbaste, et président de la commission de saut d’obstacles de Nouvelle-Aquitaine, et Frédéric Morand, vice-président de la Fédération française d’équitation (FFE), le concept d’épreuve à engagements et dotations variables était destiné à permettre de partager entre organisateurs et cavaliers les frais d’organisation d’épreuves de qualité servant de tremplin vers le haut niveau… Le principe? Rendre dotation et le montant de l’engagement proportionnels au nombre d’engagés. Plus il y a de partants, plus les frais et la dotation sont élevés. Le tableau récapitulatif publié sur les réseaux sociaux par Xavier Trouilhet a suscité de nombreuses et virulentes protestations de la part des cavaliers. Déçus de ne pas avoir été concertés en amont, ces derniers ont presque unanimement reconnu l’intention louable de l’initiative, mais se sont insurgés contre le prix des engagements qu’ils ont jugé prohibitifs, et contre le fait que cela revenait selon eux à devoir prendre totalement en charge le coût des épreuves.

“Ce document a été publié à un moment délicat, en phase de déconfinement, avec un manque d’explications et de précisions et surtout un plancher trop bas et un plafond trop haut. Dans le monde du vin, les grands crus ouvrent actuellement leurs portes gratuitement et proposent leurs bouteilles entre 15 et 20% moins cher que d’habitude, car ils sont conscients qu’il faut relancer l’économie. Là, on a fait le contraire. Ça n’est pas passé. Toutefois, j’ai trouvé les réactions démesurées. C’est le danger des réseaux sociaux: les manifestations de mécontentement ont certes répondu à une proposition pas suffisamment préparée, mais elles ont été excessives, et Xavier Trouilhet ne méritait absolument pas le tollé qu’a reçu sa publication”, analyse Sébastien Carralot, responsable de l’écurie des Châteaux et vice-président du comité régional d’équitation de Nouvelle-Aquitaine.

C’est pour dissiper ce différend qu’une réunion s’est tenue lundi à Bordeaux. “Vingt et un des vingt-quatre cavaliers de la région concourant en Pro 1 étaient présents. Cela montre bien l’intérêt et l’inquiétude des cavaliers pour l’avenir de ces épreuves à en Nouvelle-Aquitaine. La réunion s’est déroulée dans une ambiance très agréable et sympathique. Le point de départ en était le problème créé par l’instauration des épreuves à dotations variables: en parler tous ensemble a permis de clarifier le malentendu et d’amorcer de nouvelles réflexions. Tout le monde est d’accord pour dire que l’idée peut être bonne à condition que le plancher et le plafond des dotations soient plus réalistes et donc abordables. Il n’en demeure pas moins qu’il faut trouver une solution, car les organisateurs perdent trop d’argent. Et si l’on augmente le montant des engagements, ce sont les cavaliers qui ne pourront plus suivre”, résume Sébastien Carralot. “À l’échelle de la France, les organisateurs perdent en moyenne 3.000 euros sur une épreuve à 1,40m. Nous devons réduire ces pertes qui se cumulent avec celles des autres épreuves Pro. L’organisateur peut en prendre une partie à sa charge. Pour le reste, on peut baisser les dotations qui sont parfois démesurées en raison de la concurrence entre différents concours. En tout cas, une solution urgente s’impose”, appuie Jacques Couderc, organisateur des concours de Royan.

La part fédérale, c’est-à-dire le montant que la FFE prélève sur chaque engagement, a bien entendu été évoquée. “Certes le service rendu est parfait, mais je fais partie des ceux qui trouvent la part fédérale trop élevée. Selon moi, la FFE doit refondre son business plan dans un nouveau projet pour les dix prochaines années”, avance Jacques Couderc. “À une certaine période, ont été menés de grands chantiers, à l’instar de celui de Lamotte-Beuvron, qui ont généré des dépenses importantes qu’il a bien fallu financer… Et comme le dit Frédéric Morand, si l’on ne prend par l’argent là, il faudra le prendre ailleurs! Mais justement, après avoir tant œuvré pour les clubs, et à raison car ils sont le vivier des cavaliers de demain, je pense que la FFE doit désormais envisager de moins ponctionner ceux qui font vivre le circuit de compétition, à savoir les organisateurs et les cavaliers professionnels qui, en plus de courir de belles épreuves, remplissent le camion de leurs clients amateurs.” “Un part fédérale à 4,80 euros sur un engagement à 20 euros c’est probablement trop, et au contraire pas assez sur un engagement à 250 euros. Et à ce jour, elle est identique qu’un acteur organise un ou vingt concours par an. Il faut en effet vraiment mener une réflexion sur ce sujet”, ajoute Sébastien Carralot.



Les solutions envisagées

De nombreuses propositions sont ressorties du débat, offrant de belles perspectives de refonte du circuit Pro 1. “C’était vraiment super de nous retrouver tous ensemble. J’ai d’ailleurs émis l’idée que, pour élargir la discussion, le comité de direction du CRE soit composé de membres de bords différents, et pas seulement d’organisateurs de concours. Il faudrait aussi des coaches, des cavaliers professionnels, etc.”, énonce Loïc Durain, cavalier professionnel installé à Saint-Caprais-de-Bordeaux, en Gironde. “Nous, cavaliers, sommes d’accord pour réduire les dotations. Nous avons parlé de l’idée de limiter le nombre d’épreuves à 1,40m à l’échelle régionale. Comme il n’y a pas énormément de couples capables de les courir, mieux vaut remplir complètement une seule épreuve que deux à moitié. Nous avons également sollicité le CRE pour qu’il puisse aider financièrement les organisateurs proposant des 1,40m à perte. On pourrait aussi créer un circuit adapté aux chevaux moins expérimentés, par exemple, avec des épreuves préparatoires ou hors concours aux cotes pendant le Grand Prix.”

Sébastien Carralot corrobore ces propos: “Nous voulons proposer un circuit avec des dotations compensatoires qui permettraient aux organisateur de financer une partie des pertes générées par l’organisation d’épreuves Pro 1. De plus, il y aurait une dimension pédagogique car nous en profiterions pour parfaire la formation de jeunes officiels. Nous avons aussi envisagé de nous calquer sur les modèles allemand, belge, néerlandais et américain, où des engagements d’un montant différent sont proposés pour de telles épreuves, selon qu’on les coure en mode préparatoire ou pour un classement. Cela permettrait à certains de concourir sans trop de casse financière, et de remplir les épreuves qui plafonnent souvent à trente partants. Tout le monde serait alors gagnant! Ce système, qui a d’ailleurs déjà été testé chez nos voisins toulousains, me paraît intéressant. Il ne faut pas non plus oublier les jeunes cavaliers, qui sont les talents de demain. Dans ce format, il serait plus facile de les attirer pour se lancer, de les encourager et de les détecter.”

Rien n’a été décidé lundi, mais des discussions concrètes et constructives ont été amorcées entre tous les acteurs concernés. “Ce tableau à dotations variables a permis de mobiliser du monde mais tout reste à faire. À ce niveau, le système sportif est à revoir en profondeur dans l’intérêt de tous: organisateurs, cavaliers, propriétaires et éleveurs. Afin de continuer à avancer, le CRE organisera une nouvelle réunion dans un mois et demi à Angoulême. Il s’agira d’élargir la réflexion aux autres catégories Pro et aux Amateur. Peut-être que des cavaliers et coaches viendront accompagnés d’un de leurs clients compétiteurs amateurs. Il sera difficile d’inviter tout le monde, mais le plus important est que chaque catégorie soit représentée afin de recueillir un maximum d’avis. Des réunions similaires ont été initiées dans d’autres régions avant une prise de décision au niveau fédéral. Nous envisageons de mettre en place le nouveau circuit Pro 1 en 2021, mais le remaniement du système, s’il doit intervenir, demandera plus de temps”, prévient Sébastien Carralot.