“Ce n’est pas sans émotion que je remettrai les pieds sur les terrains de concours en France”, Éric Navet

Le 9 mai, Éric Navet a fêté ses soixante et un ans confiné et entouré de sa famille, à Rancho Santa Fé, à quelques encablures de San Diego, en Californie. Fin 2020, son second contrat quadriennal d’entraîneur privé et exclusif du cavalier américain Karl Cook arrivera à échéance. Restera-t-il sur la côte Ouest, où il mène une vie paisible et heureuse? S’installera-t-il sur la côte Est, où sont établis la plupart des meilleurs cavaliers américains? Rentrera-t-il en France, où il a conservé ses écuries et tant d’amis qui lui manquent? Ou bien embrassera-t-il une vie de nomade, au risque de passer sa vie dans les avions? Relancera-t-il sa carrière de cavalier? Le Normand assure ne pas avoir encore fait son choix. Quoi qu’il en soit, s’entretenir avec le triple champion du monde procure un immense plaisir tant il s’exprime avec générosité, clarté et sincérité, tant il a à transmettre, et tant il semble apprécier cet exercice qui lui était si difficile dans sa jeunesse.



La première partie de cet entretien est parue hier.

Aux États-Unis, beaucoup de choses ont été dites et écrites, du pire au meilleur, à propos de George Morris, banni à vie du monde équestre pour méconduite sexuelle présumée sur deux mineurs de quinze ans entre 1968 et 1972. Avez-vous nourri votre propre opinion sur la question ?

Sincèrement, non. Je ressens une très grande admiration pour George Morris, qui fait partie des grands maîtres de l’équitation. Je l’ai connu en tant que cavalier, lorsqu’il a repris sa carrière pendant quelques années. J’ai d’ailleurs eu la chance de le voir gagner le Grand Prix du Masters de Calgary en 1998 avec un cheval qui s’appelait Rio - il avait raccroché dans la foulée. C’était un cavalier extraordinaire et un entraîneur de génie, qui a formé un nombre incroyable de grands cavaliers et d’entraîneurs qui transmettent son savoir aux États-Unis et dans le monde entier. Son empreinte sera indélébile. Sur ce qu’on lui reproche, je suis mal placé pour juger. Ce devrait être le rôle des tribunaux (les faits présumés sont toutefois prescrits depuis longtemps, ndlr). Or il a été banni par un organe non gouvernemental (Safe Sport, ndlr). D’une manière générale, il ne me semble pas normal d’être présumé coupable et non innocent… 

Quels entraîneurs vous ont vous-même marqué durant vos jeunes années ? 

Le premier - et pour ainsi dire le seul - a été mon père (Alain Navet, décédé en octobre 2014, ndlr). C’est lui qui m’a mis à cheval et tout appris. Il était non seulement agriculteur et éleveur, mais aussi cavalier de haut niveau, notamment avec des chevaux issus de son élevage. Il avait gagné de beaux Grands Prix internationaux, dont ceux de Rome, Bruxelles et Londres, et avait même été sélectionné pour les Jeux olympiques de Mexico, en 1968. Hélas, il avait dû déclarer forfait après avoir reçu un coup de sabot d’un poulain sur une cheville. Il m’a inculqué les bases et m’a amené jusqu’à un très bon niveau, puisque j’ai été sacré deux fois champion de France Juniors ainsi que champion d’Europe (en 1977 à La Tour-de-Peilz, en Suisse) avec Brooklyn, un cheval de son élevage, qui a été vendu sur place juste après la finale individuelle ! Ce jour-là, j’ai appris mon métier… Du coup, j’ai connu un trou d’air, parce que la marche vers le haut niveau en Seniors était un peu haute et que je n’avais pas de cheval suffisamment talentueux. Quand on élève, on prend ce que la nature nous donne. Marcel Rozier, alors sélectionneur national, m’a donné un vrai coup de pouce en me sélectionnant pour le CSIO de France, qui se déroulait à cette époque à l’hippodrome de Longchamp, avec un cheval de l’écurie fédérale de Fontainebleau, dont il s’occupait. Il m’a confié Colback (SF, Taquin x Rantzau, Ps), qui avait été sacré champion de France avec Christophe Cuyer en 1976. J’étais très impressionné à l’idée de me produire dans une telle compétition avec un cheval que je ne connaissais pas. Marcel m’a invité à venir régulièrement le monter à Fontainebleau, où Colback était stationné. À Longchamp, j’ai gagné une épreuve : pas le Grand Prix, mais une épreuve moyenne, ce qui était déjà très bien et m’a fait un peu connaître du public. En 1984, l’histoire s’est un peu répétée avec J’T’Adore (SF, Brilloso x Tigre Rouge), qui m’a été confié par son propriétaire quelques mois avant les Jeux olympiques de Los Angeles avec la bénédiction d’Hervé Godignon, son cavalier, qui ne pouvait plus prétendre à une sélection aux JO, alors réservés aux cavaliers amateurs. Je n’ai jamais eu d’entraîneur par la suite, en dehors des sélectionneurs nationaux. Quand mon père a considéré qu’il m’avait transmis tout ce qu’il pouvait, il m’a encouragé à voler de mes propres ailes. Je me suis installé à mon compte à vingt et un ans, je me suis débrouillé seul et j’ai continué à progresser tout au long de ma carrière en observant les autres cavaliers travailler sur le plat, à la détente et en piste, ce qui est extrêmement instructif. D’ailleurs, je garde toujours la même envie de progresser. 

Vous dites souvent que vous n’avez pas de méthode avec les chevaux, mais vous êtes tout sauf un instinctif. Quand on se rappelle notamment l’anecdote des repères sur les rênes de Dollar de Mûrier (SF, Jalisco B x Uriel), que vous deviez toujours piloter au millimètre, on vous imagine plutôt sensible au moindre détail. S’agit-il donc d’abord d’observer et de s’adapter au mieux à chaque cheval ? 

Je n’ai pas de méthode, mais je suis méthodique, et pas qu’un peu ! Pour autant, chaque cheval est différent en fonction de son physique, son équilibre, sa locomotion et son mental. Il y a des fondamentaux, qui s’appliquent à tous, mais la méthode doit être adaptée à chacun, ce qui peut me conduire à travailler de façon presque opposée d’un cheval à l’autre. D’ailleurs, je m’ennuierais si tous les chevaux se ressemblaient. Si je devais écrire un bouquin, il ferait mille pages et serait trop indigeste. C’est pourquoi je préfère laisser ce travail à ceux qui sont plus doués que moi pour cela. Je les lis d’ailleurs, parce que savoir comment traduire en mots ce qu’on peut ressentir à cheval m’intéresse beaucoup, en français comme en anglais.

Quel cheval vous a le plus appris sur vous-même ? 

Dollar du Mûrier a été le plus compliqué que j’aie eu à monter au cours de ma carrière. Jean-Maurice Bonneau pourrait raconter un paquet d’anecdotes sur notre couple et mes petits ajustements qui ne cessaient jamais ! Nous avons mis beaucoup de temps à nous comprendre. Je l’ai récupéré à six ans et il m’a fallu cinq saisons pour le mettre au point. Avec lui, c’était l’école de la patience et de la tolérance. Il m’a appris à composer au lieu d’imposer, et a été un très bon professeur pour moi. Je pense qu’il est arrivé au bon moment dans ma carrière, et cette expérience m’a servi par la suite. Je pense qu’il m’a autant appris que ce que je lui ai enseigné. 

Lequel de vos chevaux fut le meilleur, considérant qu’au début de votre carrière, les cracks sautaient championnats, Grands Prix, Derbies et parfois même Puissances ? 

Le plus qualiteux n’est pas forcément celui qui gagne le plus, et le meilleur cheval de championnats n’est pas forcément le plus à l’aise en Grands Prix, donc c’est une question compliquée. Quito de Baussy (SF, Jalisco B x Prince du Cy) a été mon meilleur cheval de championnats, mais nous avons gagné très peu de Grands Prix ensemble. De tous ceux que j’ai montés, Dollar du Mûrier était intrinsèquement le meilleur. Il avait le talent, la force et des moyens illimités. Dans ses bons jours, il pouvait sauter n’importe quel parcours. En revanche, quand il était contrarié pour une raison ou une autre, ce qui lui arrivait assez souvent (rires), cela pouvait être le parcours du combattant pour moi ! 

Je citerais aussi J’T’Adore, qui était extrêmement talentueux. Avant les JO, nous n’avions disputé que cinq concours ensemble en trois mois, ce qui est assez fou. Je me souviens encore de notre premier concours ensemble, le CSIO de France, qui s’était déroulé sur l’hippodrome d’Auteuil. Nous avions terminé deuxièmes du Grand Prix, ce qui nous avait permis d’enchaîner les CSIO de Barcelone, Aix-la-Chapelle et Hickstead. En Grande-Bretagne nous avons signé un double sans-faute dans la Coupe des nations puis un triple sans-faute dans le Grand Prix. Rien ne pouvait nous arrêter et j’étais gonflé à bloc ! Cela avait été moins brillant à Aix-la-Chapelle, où J’T’adore, qui se montrait parfois rétif, s’était planté, debout sur ses postérieurs, au milieu du grand terrain… Alors que nous n’avions pas pu finir nos deux premiers parcours, Marcel Rozier avait quand même décidé de nous sélectionner pour la Coupe des nations, en guise de dernière chance. Je me suis alors battu comme un lion : j’ai monté J’T’Adore comme un cheval de quatre ans qui sautait son premier parcours, et nous sommes sortis de chaque manche avec une faute. Du coup, notre préparation a pu continuer. En quelques mois seulement, j’ai donc pu accéder aux JO alors que je n’avais que vingt-cinq ans.



“D’ailleurs, si je revenais en France, je découvrirais plein de nouvelles têtes !”

N'avez-vous jamais regretté d’avoir quitté la France, il y a sept ans ?

Absolument pas. Je ne dirais pas que je tournais en rond, mais cette opportunité de partir aux États-Unis m’a semblé captivante. J’avais envie de voir et découvrir autre chose. Cette expérience a été très enrichissante car tout est différent ici. Au moment où j’ai quitté la France, je n’avais plus de chevaux de haut niveau, ni de propriétaires pour me soutenir dans cette quête, ce qui a évidemment beaucoup compté. Si j’avais encore pu défendre les couleurs de l’équipe de France, je ne serais pas parti. Je commençais à prendre de l’âge, et de plus jeunes cavaliers comme Kevin Staut, Pénélope Leprevost, Simon Delestre et Olivier Guillon tenaient le haut du pavé. D’ailleurs, les sélectionneurs successifs ont eu bien raison de laisser leur chance aux nouvelles générations, surtout que les cavaliers plus expérimentés n’avaient plus de très bons chevaux. D’ailleurs, si je revenais en France, je découvrirais plein de nouvelles têtes ! Je remarque souvent les mêmes noms dans les feuilles de résultats, mais je ne peux pas toujours mettre de visages dessus. En ce qui me concerne, je ne regrette absolument rien. Cette expérience américaine a été enrichissante pour toute ma famille. J’ai découvert beaucoup de choses et fait de belles rencontres.

Quand on présente à la fois un tel palmarès et une solide expérience d’entraîneur, on pense forcément à vous pour le poste de sélectionneur national. Dans l’absolu, cela pourrait-il vous tenter un jour ? 

Il est clair que c’est un travail fabuleux. Les victoires collectives doivent être incroyables à vivre en tant que chef d’équipe. J’ai eu la chance d’en vivre quelques-unes et de les partager avec les sélectionneurs successifs, qui montaient toujours sur le podium avec nous. Pour ramener des médailles, cavaliers et chef d’équipe doivent se battre ensemble et être sur un pied d’égalité. Je dirais même que l’entraîneur a autant, voire plus de responsabilités que les cavaliers. Pour autant, ce travail est encore plus maudit que fabuleux ! (Rires) Le problème, c’est que cela se termine toujours mal. Et je déteste les histoires qui finissent mal… Si l’on m’offrait l’opportunité d’aider l’équipe de France, je préférerais rester dans l’ombre, en tant qu’entraîneur plutôt qu’être sur le devant de la scène, ce qui correspond davantage à mon caractère. Je me suis exposé toute ma vie en piste, mais je n’aime pas le faire en dehors. Je ne serais pas à l’aise… Et je ne suis pas un très bon négociateur, alors devoir sans cesse parlementer avec la Fédération, les médias, les propriétaires… 

Qu’est-ce qui vous manque le plus en France ? 

Mes amis sans doute, et notamment ceux du milieu équestre. J’aimerais les revoir et passer du temps avec eux. Nous formons une grande famille, que j’ai parfois l’impression d’avoir un peu abandonnée. Ce n’est pas sans émotion que je remettrai les pieds sur les terrains de concours en France ! 

Qu’est-ce qui vous a le moins manqué ? 

Sûrement le climat ! (Rires) Le climat météorologique comme le climat social d’ailleurs… Si vous rentrez plus souvent en France, vous pourrez passer plus de temps avec vos trois filles. Chacune à leur manière, elles doivent vous rendre fier ! Deux de mes filles, Élodie et Laurène, nous ont suivis en Californie (Élodie, sa fille aînée, travaille également en tant que chargée de communication événementielle et de promotion du club de football du Stade Malherbe de Caen, ndlr). Quand nous sommes arrivés ici, elles avaient treize et seize ans. Elles ont été très courageuses parce qu’il n’est jamais facile de débarquer dans un pays dont on ne parle pas bien la langue. Au départ, cette barrière a été difficile pour elles, mais elles ont énormément travaillé et ont réussi à obtenir l’équivalent du baccalauréat. Je suis très fier d’elles parce qu’elles se sont accrochées. Même si elles poursuivent leurs études universitaires en ligne, elles sont déterminées à tenter leur chance en tant que cavalières, car elles sont vraiment passionnées de cheval et de sport. Ursula et moi les avons poussées à s’orienter vers une voie plus classique leur permettant de pratiquer l’équitation comme un loisir, mais cela n’a pas l’air d’avoir marché ! 

Quel genre de père êtes-vous ? 

Lorsque vous passiez votre vie sur les terrains de concours, cela ne devait pas être simple tous les jours… Il est vrai que je n’ai pas forcément eu le temps de voir mes filles grandir. La difficulté, voire l’absence de vie de famille, est l’un des plus gros inconvénients de ce métier. Nous évoluons dans un cercle vicieux car nous devons constamment être sur tous les fronts pour progresser ou maintenir notre classement mondial, vendre des chevaux, etc. Les règles du classement encouragent les cavaliers à enchaîner les concours à un rythme effréné, car seuls les meilleurs peuvent accéder aux CSI 5*. 

Estelle, la benjamine de vos filles, travaille aujourd’hui chez Kevin Staut. Kevin est-il un cavalier en qui vous vous reconnaissez ? 

Elle me dit souvent que Kevin et moi avons plein de points communs, notamment notre méticulosité. Le confinement est finalement plutôt bien tombé pour elle car Kevin passe davantage de temps aux écuries, ce qui lui donne plus d’occasions de travailler à ses côtés. Kevin est un énorme et infatigable bosseur. Il a beau concourir presque tous les week-ends, il arrive toujours aux écuries très tôt le lundi matin. Estelle profite beaucoup de cette expérience.



Comme quelques autres, Kevin, président du Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles (IRC), défend les Coupes des nations, les concours de tradition et la Coupe du monde, et il pourfend les choix de la FEI quant à la formule sportive des Jeux olympiques et la trop grande mainmise de l’argent dans certains circuits privés. Où vous situez-vous à titre personnel ? 

Je suis sur la même longueur d’onde que ces cavaliers. Beaucoup de choses sont à revoir dans notre système. Sur la nouvelle formule des Jeux olympiques, on nous a beaucoup répété que si nous ne passions pas à trois cavaliers par équipe, l’équitation pouvait être exclue du programme olympique. Était-ce vrai ou la FEI a-t-elle utilisé cet argument pour faire passer une nouvelle formule dont les cavaliers ne veulent pas ? Il est sûrement plus difficile pour Ingmar de Vos (président de la FEI depuis décembre 2014, ndlr) de tenir tête au CIO que pour les têtes couronnées qui présidaient précédemment la FEI. Avec cette nouvelle formule, on intègre des nations qui ne sont pas au niveau olympique, alors que de très bons cavaliers et très bonnes équipes devront rester à la maison, ce qui est inacceptable. Par exemple, les Italiens auraient amplement mérité d’aller à Tokyo ! De la même manière, je n’accepte pas que des cavaliers très moyens foulent les pistes des CSI 5* alors que de grands champions les regardent parfois en tribunes. Ils ont beau avoir de l’argent, ils n’ont pas le niveau donc n’ont rien à y faire. D’ailleurs, ce problème de pay-cards ou pay-tables ne date pas d’hier. J’ai souffert de cela en mon temps. On ne devrait pas avoir besoin d’acheter une table pour pratiquer notre sport ! Autrefois, c’est le sélectionneur national qui validait la participation des cavaliers dans tous les CSI. Ce sujet me hérisse le poil rien que d’en parler ! Je ne sais pas si tout le monde est satisfait du nouveau système d’invitations que la FEI tente de mettre en place, mais je perçois comme un bon signe qu’elle essaie de trouver une solution, même si elle n’est pas parfaite. 

Continuez-vous à suivre l’actualité française ? Depuis votre départ se sont succédé deux présidents de la République, des attentats sanglants et de graves crises, à l’image de celle des Gilets jaunes ou de celle liée à la réforme des retraites… 

Je ne me suis jamais coupé de l’actualité française, je regarder France Info tous les soirs. À l’étranger, cette crise des Gilets jaunes fait honte. Je me fais constamment charrier à ce sujet. Quand on vit ailleurs, on se rend compte qu’on est privilégié d’avoir de tels acquis sociaux en France. Honnêtement, je n’en avais pas conscience quand je vivais en France. Aux États-Unis, il n’y a rien de similaire, et la crise sanitaire actuelle le démontre bien ! C’est la loi du chacun pour soi. Nous n’avons pas de sécurité sociale et les assurances privées coûtent extrêmement cher. Beaucoup de gens ne peuvent pas se soigner, ce qui est incroyable et gravissime ! Je connais plein de cavaliers américains qui ne sont pas assurés alors qu’ils prennent des risques tous les jours dans leur métier. Pour ma part, mon assurance santé me coûte 2 800 dollars par mois et cela augmente tous les ans… Mais c’est indispensable. Il y a quelque temps, j’ai passé trois heures dans un hôpital du Colorado après une mauvaise chute, et j’ai dû payer 15 000 dollars. Il y a deux ans, je me suis cassé deux métatarsiens et l’opération a coûté 60 000 dollars. Pour vivre ici, mieux vaut être riche et en bonne santé ! 

On oppose souvent les systèmes économiques et sociaux d’Europe continentale d’un côté et du monde anglo-saxon de l’autre. Même si vous vivez dans une sorte de cocon entre les écuries de la famille Cook et votre maison, avez-vous ressenti l’ampleur et parfois la violence des inégalités ? 

Honnêtement, nous ne ressentons pas tellement les inégalités où nous vivons, car la Californie est l’état le plus riche du pays et que nous résidons dans une région qui attire beaucoup de personnes fortunées. En revanche, à Los Angeles, le nombre de sans-abri est épouvantable… En revanche, la Californie est l’un des États d’Amérique les plus en pointe en termes de protection de l’environnement. 

Comment cela se matérialise-t-il au quotidien ? Ce long bail a-t-il fait de vous un écolo ? 

Écolo, ce serait beaucoup dire ! En tout cas, l’administration californienne met beaucoup de bonne volonté. Nous avons beaucoup de contraintes environnementales, notamment pour limiter les risques d’incendies, qui sont un vrai fléau. Les feux qui ont ravagé les forêts l’an dernier étaient terribles. Depuis le début de l’année 2020, il y a déjà eu 1 100 départs de feux en Californie. Et je touche du bois pour ne pas connaître de tremblement de terre ! L’usage de l’eau est également réduit en été. Nous ne pouvons pas trop arroser les pelouses et il faut faire très attention, ce que je comprends parfaitement car elle est rare ici. Il y a aussi une volonté publique de démocratiser le tri sélectif, qui est loin d’être naturel dans les mentalités américaines. Nous-mêmes le faisons, car nous le faisions déjà en France depuis longtemps, mais une majorité de gens jettent encore tout dans la même poubelle… Cela me choque. À mes amis qui ne font pas attention, j’essaie d’expliquer les choses gentiment, mais ils raisonnent souvent individuellement.

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX du mois de mai.