“Au sujet des changements apportés aux conditions de qualification, la FEI en a trop fait d'un coup”, Roman Lafaure
Avec de nombreux classements en CEI 2* et 3*, une victoire par équipes aux championnats du monde Jeunes Cavaliers de Tarbes en 2013, ainsi qu’une huitième place individuelle et l'argent par équipes aux championnats d’Europe de Euston Park l’année dernière, Roman Lafaure est l’un des atouts de l’endurance française. Cavalier passionné et investi, le Périgourdin évolue depuis de nombreuses années au plus haut niveau avec les chevaux de l’élevage familial à l'affixe Cabirat. À la suite des quelques évènements qui ont agité le monde de l’endurance dernièrement, à commencer par les modifications apportées au règlement par la FEI, il a fait part de ses impressions à GRANDPRIX.
Comment l’entrainement des chevaux d’endurance a-t-il été assuré pendant le confinement, période pendant laquelle l’accès à l’extérieur a été très restreint, voire interdit?
Pour notre part, il n’y a pas eu d’entraînement pendant cette période. Quasiment tous les chevaux sont allés au pré. Nous avons repris le travail il y a à peine un mois car de toute façon, nous n’avons pas de course en perspective et il est difficile de s’entrainer sans objectif. Nous reprenons avec des séances d’entrainement classiques. Vu qu’il s’agit d’entrainements longs, nous repartons petit à petit, comme en début d’année. C’est finalement un deuxième début d’année pour nous.
Pensez-vous que le report des championnats du monde de Pise à 2021 ait un impact sur le calendrier de l’année prochaine, notamment par rapport aux championnats d’Europe d’Ermelo qui doivent se tenir en septembre?
Non, nous allons avoir deux championnats la même année. Le championnat du monde en début d’année à Pise et les championnats d’Europe avec le championnat Jeunes à Ermelo. Nous espérons que ce sera une année Cocorico ! (rires)
La FEI a récemment pris la décision de durcir les conditions de qualification pour les compétitions internationales. Quel est votre point de vue au sujet de la nouvelle règlementation de la FEI?
Pour moi, cela ne change pas grand-chose. Cette décision a dû être prise pour qu’il y ait plus de monde dans les courses mais je pense que nous sommes tous capables de dire qu’il n'est pas forcément nécessaire de prendre part à deux courses de 120km avant une 160km, par exemple. Cette décision peut avoir du bon, mais c’est contraignant.
Cela ne servira-t-il pas à éviter que des cavaliers venant d’acheter un bon cheval puissent directement prendre le départ de courses de niveau élevé?
C’est de toute façon le problème de l'endurance, mais nous ne pourrons jamais pallier cela. C’est aussi une discipline plus accessible que d’autres à haut niveau.
La FEI a récemment pris une décision historique en suspendant vingt ans un cavalier émirati pour maltraitance ayant entrainé la mort de son cheval. Cette décision a suscité de nombreuses réactions, notamment de personnes qui déplorent le fait que seul le cavalier ait été condamné, et non son entourage et son entraineur. Quel regard portez-vous sur les décisions prises par la FEI au sujet du bien-être animal?
Une seule personne a été suspendue vingt ans, alors que n’importe quel autre sportif contrôlé positif n’a jamais pris plus de deux ans. Je pense qu'il serait judicieux de prendre en compte plus de cas, quitte à ce que la sanction soit moins lourde, plutôt que de ne suspendre qu’une seule personne en provoquant un buzz autour de cela. En ce qui concerne les changements apportés aux conditions de qualification qui en ont découlé, je pense que la FEI en a trop fait d’un coup, ce qui a pour conséquence de contraindre les cavaliers des pays du Golfe, qui, du coup, ne participent plus qu’à des courses nationales puisqu’il leur importe peu d’être présent sur le circuit international. En revanche, cela nous pénalise plutôt nous, cavaliers européens. À mon sens, il serait plus utile d’y aller progressivement. La sanction appliquée est bien sûr amplement méritée, mais le cavalier qui, à lui seul, a écopé des vingt ans de suspension est juste venu courir à Fontainebleau en ayant à peine vu le cheval avant. Ce n’est pas lui qui l’a entrainé...
Justement, l'éleveur Jérôme Bianconi a dénoncé les “cavaliers de dernière minute”, qui ne sont pas les cavaliers d’entrainement de leurs chevaux mais les montent au pied levé lors des courses. Est-ce de plus en plus fréquent en endurance?
Oui, mais ce n’est pas forcément dérangeant du moment que l’on connait son cheval et que l’on sait y faire attention. Cela se fait aussi dans d’autres disciplines telles que le saut d’obstacles, mais tout dépend du cavalier en lui-même. S’il ne connait pas son cheval, il doit faire deux fois plus attention.
Les poids minimaux ont également été revus et le sujet a fait débat. Le poids minimum pour participer à un CEI2* reste à 70kg, et il en va de même pour les CEI 1*, alors qu’ils pouvaient se courir en poids libre jusqu’en 2019. Le poids minimum autorisé dans les CEI 3* reste à 75kg. Considérez-vous qu’il d’agit d’une décision juste?
Pour moi, ces poids minimaux sont très bons. Heureusement qu’il y a également maintenant une limite de poids pour les Jeunes parce qu’avant, cela donnait l’impression que l’on cherchait plutôt des jockeys que des cavaliers, et à mon sens, certains Jeunes montent de moins en moins bien. D’ailleurs, nous ne les revoyions plus au bout d’un certain temps. Ils couraient plusieurs courses jusqu’à ce qu’il faille passer à un poids de 70kg, et à ce moment là ils arrêtaient. Désormais, le poids minimum requis pour les Jeunes Cavaliers est de 60kg et je pense que c’est très bien. Je me souviens avoir fait les championnats de France en pesant soixante kilos avec la selle, et me battre contre des cavaliers qui pesaient quarante. Au moins, cette nouvelle règle permet d'équilibrer cela un minimum.