Dana Blue, la tempétueuse mais brillante alliée de Maikel van der Vleuten

Depuis 2014, Maikel van der Vleuten évolue sur la scène internationale aux côtés de la bondissante Dana Blue, jument grise que le Néerlandais a accompagnée depuis ses débuts en CSI 1* jusqu’à certains des Grands Prix CSI 5* les plus cotés. GRANDPRIX s’est penché sur le passé et les origines de cette KWPN de douze ans, lauréate des deux premiers Grands Prix (CSI 4*) de l’Hubside Jumping de Grimaud.



Un caractère de feu et une générosité à toute épreuve

À droite, Dana Blue à un an chez ses éleveurs Paul et Jenny Bocken.

À droite, Dana Blue à un an chez ses éleveurs Paul et Jenny Bocken.

© Collection privée

En piste, Dana Blue s’illustre par sa force, l’amplitude de son action et sa volonté. “C’est une jument particulièrement adepte de la compétition. Elle se bat toujours, pour son cavalier mais aussi pour elle-même. Elle a vraiment la gagne, elle adore ça!”, a déclaré Maikel van der Vleuten dimanche dernier à l’issue de leur victoire dans le CSI 4* du deuxième week-end de l’Hubside Jumping de Grimaud. La gagne, c’est en effet ce qui caractérise cette grise qui a effectué un retour à la compétition remarquable à l’écurie du Golfe de Saint-Tropez après trois mois d’interruption imposés par la pandémie de Covid-19, en remportant deux dimanches de suite l’épreuve reine du CSI 4*. “Je savais qu’elle serait performante dès la reprise. Déjà à la maison, je sentais qu’elle était dans de bonnes conditions pour retrouver les terrains de concours. Ce n’est pas une jument qui a besoin de beaucoup sauter pour être au meilleur de sa forme. Elle cherche toujours à donner le maximum en piste et c’est ce qui fait qu’elle saute aussi bien”, analyse son cavalier.

Cette qualité, son éleveuse et toute première cavalière, Jenny Bocken, établie aux Pays-Bas, à Weert, tout près d’Eindhoven et des frontières belge et allemande, l’a remarquée très tôt. “Très jeune, elle montrait déjà de belles aptitudes et beaucoup de respect à l’obstacle. Je l’ai montée jusqu’à ses cinq ans et elle séduisait déjà de nombreux cavaliers à cette époque.” Exemplaire en concours, elle l’était un peu moins à l’écurie. “Elle était très particulière et difficile à gérer. Nous ne pouvions même pas l’attraper dans son box et il était difficile de monter dessus”, se souvient sa naisseuse. “Une fois en piste, elle montrait toujours l’étendue de son talent mais elle était très compliquée pour tout le reste, comme pour monter dans le camion, par exemple. Parce qu’elle était si délicate, nous avons décidé de la faire essayer à Maikel van der Vleuten, que nous admirions en tant que cavalier et qui a cette faculté à canaliser des chevaux très compliqués. Le couple a tout de suite bien fonctionné, l’alchimie était parfaite.

Dana Blue a alors pris ses quartiers chez les van der Vleuten et a été montée la première année par Eric Jr., le frère de Maikel, avec qui elle a participé à des concours nationaux. En 2015, à sept ans, elle est passée sous la selle du vice-champion olympique par équipes, en 2012 à Londres, champion du monde par équipes, en 2014 à Caen, et champion d’Europe par équipes, en 2015 à Aix-la-Chapelle. “Je n’avais pas d’attentes particulières vis-à-vis de cette jument, mais elle m’a tout de suite plu. Au départ, certaines personnes doutaient d’elle parce qu’elle a tendance à sauter toujours trop haut et à être excessivement allante en piste. Cela peut la pousser à la faute dans les petites épreuves, mais contribue également à en faire une compétitrice redoutable dans les grandes épreuves. J’ai toujours eu un bon sentiment avec elle et depuis le jour où les Bocken l’ont amenée chez nous, elle ne m’a jamais déçu. Dana Blue a bien sur conservé son caractère délicat. C’est une jument nerveuse et sensible mais c’est quelque chose qu’il faut accepter chez elle et auquel il faut s’adapter en veillant à toujours rester calme à ses côtés. Elle s’impatiente parfois lorsqu’elle entre en piste, ce qui peut la rendre difficile à gérer, mais dès qu’elle commence à sauter, elle se concentre à 100% sur le parcours. Ce n’est pas une monture pour n’importe quel cavalier. Certains aiment les chevaux plutôt froids, mais personnellement, je les aime avec beaucoup de sang et c’est sûrement pour cela que nous nous entendons si bien. On a vite fait de se laisser déborder avec elle, mais si l’on sait comment la gérer, elle peut faire canaliser toute cette énergie de la meilleure des manières”, détaille son cavalier. 

Sous la selle du Néerlandais, Dana Blue a foulé les plus prestigieuses pistes, dont celles d’Aix-la-Chapelle, de Rotterdam, Helsinki, Oslo ou encore de Lausanne. En 2019, la fille de Mr Blue s’est fait remarquer en s’imposant dans le Grand Prix du CSIO 5* de Geesteren, devant son public, avant de s’imposer dans la Longines Global Champions Tour de Valkenswaard, toujours chez elle. Fin août, le couple a logiquement pris part aux championnats d’Europe Longines de Rotterdam, à domicile. Hélas, le Néerlandais et sa grise ont complètement manqué leur entrée en matière, avant d’écoper de douze points en première manche de l’épreuve par équipes, puis de réussir un sans-faute dans la seconde. “Ces championnats n’ont pas été notre meilleure performance. Pendant toute la durée de l’événement, je ne la sentais pas sereine. Sa nervosité a pris le dessus et il n’est pas facile de ménager émotionnellement un cheval aussi caractériel. Cette semaine-là, j’ai eu du mal à la calmer. C’est notamment pourquoi nous avons commis quelques fautes dans la Chasse. Pour autant, cela a tout de même contribué à lui faire acquérir de l’expérience et cela nous servira pour l’avenir”, confie le cavalier.

Maikel van der Vleuten aux championnats d'Europe de Rotterdam en octobre 2019.

Maikel van der Vleuten aux championnats d'Europe de Rotterdam en octobre 2019.

© Sportfot



Digne héritière de l'excellent Mr Blue

En 1997, M.Blue et Bert Romp ont terminé 2e du Grand Prix de Maastricht derrière John Whitaker et Grannusch.

En 1997, M.Blue et Bert Romp ont terminé 2e du Grand Prix de Maastricht derrière John Whitaker et Grannusch.

© stalromp.nl

Mr Blue, le père de Dana Blue, était un étalon KWPN par Couperus et Arcala (KWPN, Oldenburg), elle-même issue de l’étalon qui a donné naissance à Zurcarlos (KWPN, Casco), la monture du Canadien Jay Hayes lors de Jeux olympiques de Barcelone en 1992. Lorsqu’il a été présenté pour la première fois aux tests de performance de la commission des étalons KWPN, Mr Blue n’a pas été admis, probablement en raison d'une opération du système respiratoire subie à deux ans, rendant son souffle trop bruyant. Ce n’est que lorsqu’il a commencé à s’illustrer en Grand Prix internationaux qu’il a obtenu un agrément. 

Poulain, Mr Blue a attiré l'attention de l’éleveur néerlandais Philip Wagelaar qui achetait chaque année quelques jeunes chevaux pour préparer la sélection des étalons. Lorsqu’il a eu cinq ans, Bert Romp, tout juste médaillé olympique l'année précédente à Barcelone avec l’équipe néerlandaise, a pris les rênes de Mr Blue et en a acheté 50% de l’étalon, avec lequel il s’est classé deuxième de la Coupe des nations de Rotterdam en 1996. L’année suivante, l’éleveur Sjors Burg a à son tour acheté une part du cheval à Bert Romp, et le gris s’est rapidement imposé comme l’un des meilleurs sauteurs de sa génération. En 1997, le couple a notamment terminé deuxième des championnats d'Europe de Mannheim et a remporté les Grands Prix de Berlin et Aix-la-Chapelle. Cette même année, le stud-book KWPN a approuvé Mr Blue en tant qu’étalon, mais ses copropriétaires, guère intéressés par ses aptitudes de reproducteur, l’ont vendu aux États-Unis en 1998, où il a de nouveau concouru avec brio, d’abord avec la jeune Elisa Hass, puis avec l’expérimentée Katie Monahan-Prudent, à qui il a offert la Coupe des nations de Rome en 2002. 

Mr Blue a pris sa retraite en 2003 et a été vendu au Groupe France Élevage (GFE) afin d’être consacré à la reproduction. Parmi ses nombreux produits, on compte Plot Blue (KWPN, issu d’une mère par Pilot) qui a notamment mené Marcus Ehning jusqu’à la victoire en finale de la Coupe du monde, en 2010 à Genève, ou encore Simon (KWPN, mère par Polydox), vainqueur du Grand Prix CSIO 5* de Calgary et troisième de la finale de la Coupe du monde en 2011 aux avec le Néerlandais Jeroen Dubbeldam, puis vainqueur de cette même finale en 2013 à Göteborg avec l’Américaine Beezie Madden, qui a continué à gagner avec lui jusqu’en 2017. Les filles de Mr Blue ont également brillé lors des inspections de juments aux Pays-Bas. Trente-sept ont été primées par le stud-book, et plus de la moitié d’entre elles bénéficie d’un prédicat de conformation.