Dieter Kröhnert, le maréchal aux sept olympiades

Derrière chaque grand cavalier se cache un maréchal-ferrant. Œuvrant en coulisses, cet artisan a la lourde responsabilité de veiller à ce que les chevaux se sentent bien dans leurs sabots. Une erreur de sa part peut coûter une médaille, quelle que soit la discipline concernée ! Portrait de l’Allemand Dieter Kröhnert, l’un des professionnels les plus renommés dans l’univers du haut niveau. 



Chez lui, à Ellerhoop, un village situé à trente kilomètres au nord-ouest de Hambourg, Dieter forge de sa main les fers et semelles compensatrices destinés à ses clients quadrupèdes. Il est ensuite présent sur le front quand il s’agit de suivre ces athlètes en concours ou lors d’un championnat. À l’occasion du bal des champions de Warendorf, la Fédération nationale allemande (DOKR) l’a récompensé en 2015 en lui attribuant la Croix équestre en bronze pour ses services rendus aux sports équestres en tant que maréchal-ferrant de l’équipe olympique allemande. Lors des Jeux olympiques de Londres en 2012, Dieter avait suggéré à ses cavaliers de concours complet d’utiliser trois crampons pour les fers postérieurs de leurs montures. Grâce à ce conseil, les couples allemands ont été les seuls à ne pas glisser sur la piste !
Dieter Kröhnert ferre les chevaux des équipes du DOKR depuis les Jeux équestres mondiaux de Stockholm, en 1990. En trente ans de carrière, il a été responsable de centaines de cracks de dressage, de saut d’obstacles et de concours complet, mais aussi de para-dressage, d’attelage et même de reining. Les raisons de son succès ? “ Il faut avant tout se montrer fiable lors des grands rendez-vous ”, souligne le sexagénaire, qui monte encore lui-même en saut d’obstacles avec ses neuf chevaux. Dieter laisse néanmoins entendre que sa femme Susan – également compétitrice en saut d’obstacles et auteure d’un roman intitulé “Eliot B ” ayant pour thème les chevaux – est bien meilleure que lui dans cet exercice. “ Lors des championnats, vous devez toujours être présent, peu importe l’heure”, poursuit Dieter. “Vous devez continuellement garder à l’esprit qu’il faut changer le moins de choses possible lorsque vous avez à ferrer un cheval que vous ne connaissez pas. À ce niveau de compétition, le travail en amont est bien sûr parfaitement adapté au cheval. Dès lors, il ne me reste plus qu’à imiter le ferrage de mon collègue.



« Un cheval obligé de porter des fers spéciaux est un athlète malade »

La réputation de Dieter Kröhnert n’est évidemment pas uniquement fondée sur sa bonne maîtrise du mimétisme. Lorsqu’un cheval se met brusquement à boiter lors d’un championnat, le maréchal-ferrant travaille en étroite collaboration avec le vétérinaire pour trouver quel type de ferrure pourra aider le cheval à se sentir mieux. Lorsque son expertise permet alors au cheval de passer avec succès l’impitoyable contrôle vétérinaire, Dieter se réjouit. Son bonheur n’en sera que plus grand si ce même cheval finit par décrocher une médaille !
Si le maréchal-ferrant souhaite par-dessus tout aider les chevaux à se sentir bien dans leurs sabots, il émet néanmoins un doute quant à l’usage des ferrures sophistiquées à haut niveau. “Jetez un œil aux ferrures des chevaux lors des grands événements sportifs et comptez les ferrures spéciales”, intime-t-il. “Personnellement, je pense qu’un cheval en bonne santé devrait être capable de concourir avec quatre fers normaux. Un cheval obligé de porter des fers spéciaux – dits orthopédiques – est un athlète malade”, tranche-t-il, lapidaire.
Dieter Kröhnert est régulièrement sollicité lorsqu’il travaille chez lui, dans la région du Schleswig-Holstein. Il est l’expert à appeler lorsque ses confrères n’arrivent pas à résoudre des problèmes de pieds fourbus ou de fourmilière. Il faut dire que l’homme s’est installé à son compte dès ses vingt ans. Passionné de ferrure, il imagine bientôt des améliorations et crée la marque Luwex, spécialisée dans les silicones d’amortissement et plaques de ferrure. Ses “hipposandales”, conçues pour soulager les chevaux souffrant d’une fourbure, rencontrent aussi un vif succès. En parallèle, Dieter oeuvre avec un vétérinaire italien pour le compte de la marque de maréchalerie Colleoni, présente sur le marché depuis 1977. Très impliqué dans le bien-être des chevaux, le maréchal collabore régulièrement avec des cliniques vétérinaires pour mettre au point de nouveaux protocoles de soin. Ainsi, il a été capable de créer un système de refroidissement des sabots pour les chevaux présentant des fourbures, ce qui a permis de sauver la vie de nombre d’entre eux.
La brillante carrière du maréchal-ferrant est aussi le fruit d’un heureux hasard. En effet, lorsqu’il avait seize ans, le jeune homme voulait être jockey. Sa grande taille le pénalisant lourdement dans cette voie, Dieter s’est alors tourné vers la maréchalerie. Le destin se joue parfois à une poignée de centimètres… Dieter et Susan ont deux fils, Alexander George, trente ans, et Timothy John, vingt-trois ans. Si le premier est devenu vétérinaire, le second se destine… à la maréchalerie. L’avenir orthopédique des équipes allemandes est donc assuré !

Cet article d'archive est paru dans le magazine GRANDPRIX Hors-série n°18, en juillet 2018.

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