DANS LE RÉTRO : Eric Lamaze décroche l’or olympique au bout du suspense

Les Jeux olympiques de Pékin, en 2008, ont incontestablement offert de très grands moments de sport, qui se sont terminés en apothéose par la victoire d’Eric Lamaze et Hickstead. Sur le toit de l’olympe cette année-là, le Canadien a tragiquement perdu son cheval de cœur trois ans plus tard, alors qu’il prenait part à l’épreuve de la Coupe du monde de Véronne. Ces Jeux olympiques ont aussi été marqués par des cas de dopage, révélés le jour de la finale individuelle, et qui ont quelque peu estompé l’émotion sportive… Retour sur la finale individuelle de cette compétition.



Beezie Madden sur Authentic, médaillés de bronze lors de la finale individuelle.

Beezie Madden sur Authentic, médaillés de bronze lors de la finale individuelle.

© Scoopdyga

Heureusement, le sport a su reprendre le dessus et nous offrir son lot d’émotions et de rebondissements. Premier coup de théâtre : Peppermill se blesse et John Whitaker se voit contraint d’abandonner avant la deuxième qualificative individuelle (et première manche par équipes). Les Allemands, pourtant hyper favoris, ne semblent pas au mieux et cette impression se confirme au fil des tours avec aucun sans faute sur leurs douze premiers parcours. Il doit falloir remonter très loin pour trouver trace d’une telle contreperformance des cavaliers d’outre-Rhin ! Une impression confirmée par Cornet Obolensky et All Inclusive, qui se montrent peu coopératifs lors de la dernière qualificative individuelle.
Marco Kutscher ne parviendra pas à se hisser parmi les trente-cinq qualifiés, tandis que le champion olympique de Barcelone, Ludger Beerbaum, obtiendra la dernière place qualificative, précédé de peu par Christian Ahlmann et Cöster, que l’on sentait un peu vieillissant et moins bondissant depuis quelques temps déjà. Seule Meredith Michaels Beerbaum parvient à surnager, mais avec néanmoins une faute de Shutterfly sur chaque tour, ce qui ne lui ressemble guère… Presque tous les favoris se qualifient pour la finale, à l’exception de Christina Liebherr, qui ne parvient pas à contenir la fougue de son bouillant No Mercy dans la dernière qualificative. Si la première qualificative n’était pas insurmontable, les choses se sont sévèrement corsées ensuite et le duo de chefs de piste, Leopoldo Palacios / Steve Stephens, a su tracer des parcours intégrant un panel de toutes les difficultés techniques possibles. La finale, où les compteurs étaient remis à zéro, fut également subtilement dosée pour ménager le suspense et le spectacle tout en dégageant progressivement les meilleurs.
Dix couples parviennent à sortir sans encombre de la première manche, tandis que douze autres, auteurs d’une faute, les accompagnent pour la dernière manche. Toujours pas de parcours sans faute côté allemand, avec une barre pour Shutterfly et All Inclusive, mais Meredith Michaels-Beerbaum et Ludger Beerbaum rectifient le tir dans la deuxième manche pour laisser jusqu’au bout aux Allemands l’espoir de ne pas rentrer bredouilles. Dans cette dernière manche, la fatigue se fait nettement sentir et quelques chevaux, brillants jusqu’alors, s’effondrent. C’est le cas de Rolette, montée par un époustouflant Ben Maher, qui sort à vingt points, tandis que Corlato et Tim Stockdale accusent une faute de moins. Après ses démonstrations d’aisance des jours précédents, Cumano faisait figure de grand favori et Jos Lansink se voyait bien monter pour la troisième fois d’affilée sur le podium d’un grand championnat. Mais le géant gris, payant sûrement son manque de compétition à la suite de la blessure qui a failli le priver de ces Jeux olympiques, faute par deux fois dans l’ultime étape.
Dommage pour Edwina Alexander et le fantastique petit Isovlas Itot du Château, qui commettent une faute dans chaque manche et sont privés de barrage. Mais ce petit (en finale, les obstacles étaient plus haut que lui) cheval au grand cœur n’aura pas démérité et se sera montré à la hauteur de l’événement en nous gratifiant de parcours somptueux. Pour le spectacle, le scénario est idéal. À l’issue des deux manches de cette finale, deux couples, Rolf-Göran Bengtsson / Ninja*La Silla et Eric Lamaze / Hickstead, réussissent le double sans faute et vont devoir s’affronter au barrage pour la médaille d’or. Précédemment, sept autres couples, auteurs de quatre points, ont joué le chronomètre pour la médaille de bronze. Plus rapide que Meredith et Rodrigo Pessoa, que l’on n’attendait pas forcément à telle fête avec Rufus, sans faute au barrage, l’Américaine Beezie Madden, qui a pris tous les risques avec Authentic, grimpe sur la troisième marche du podium. Une belle ligne de plus à leur palmarès après la médaille d’argent obtenue aux Jeux mondiaux de 2006 ! Le Suédois Rolf-Göran Bengtsson aurait fait un beau champion olympique, mais Ninja (fils du Selle Français Guidam, tout comme Authentic) faute sur le dernier obstacle. Eric Lamaze et Hickstead forment l’un des couples les plus rapides au monde sur un barrage, mais l’heure n’était pas à la vitesse. Hickstead, qui est le cheval ayant le plus sauté de ces Jeux, puisqu’il est le seul à avoir fait les deux barrages par équipes et en individuel, prouvait de nouveau sa fiabilité, offrant la récompense suprême à son cavalier et la première médaille d’or individuelle en CSO pour un Canadien.



Eric Lamaze, une revanche sur la vie…

Eric Lamaze et son valeureux Hickstead ont tout donné.

Eric Lamaze et son valeureux Hickstead ont tout donné.

© Scoopdyga

Pas toujours épargné par la vie, Eric Lamaze a également connu des moments tumultueux dans sa carrière de cavalier, qui a bien failli tourner court. Mais une volonté inébranlable a permis au sympathique et attachant Canadien de devenir l’un des meilleurs cavaliers du monde et d’entrer au Panthéon des sports équestres. Après un premier contrôle positif en 1996, Eric Lamaze est banni à vie de toutes compétitions équestres à la suite d’une récidive à la veille des Jeux olympiques de Sydney en 2000. Grâce à un juge compréhensif, qui a su faire preuve de mansuétude, le Canadien a pu se remettre en selle pour offrir à son pays la deuxième médaille d’or de son histoire après celle obtenue par équipes en 1968, l’année de naissance d’Eric Lamaze !
Alors que ces Jeux se terminent par de sombres histoires de dopage sur les chevaux, ne faisons pas l’amalgame avec le cas d’Eric Lamaze, qui n’est absolument pas du même acabit. Contrôlé positif une première fois pour usage de cocaïne et suspendu, Eric Lamaze tombe de nouveau en 2000, alors qu’il avait auparavant été soumis à moult contrôles tous négatifs, cette fois pour une grosse négligence : avoir pris un médicament en vente libre pour soigner… un rhume. Les instances sont sans pitié, et le bannissent à vie de toute compétition. Mais un juge lui trouve des circonstances atténuantes : une jeunesse tourmentée, élevé par un père dealer de drogue, mais également le fait de n’avoir pas voulu délibérément tricher en améliorant ses performances ou celles de ses chevaux. D’ailleurs, Eric Lamaze, qui "ne supporte pas de faire mal aux chevaux…", s’est toujours positionné ouvertement contre toutes les méthodes de dopage et de barrage envers les chevaux. Et c’est tout à son honneur !
Eric Lamaze, qui doit sûrement dédier un bout de cette médaille au juge indulgent, repart cette fois du bon pied et se montre irréprochable jusqu’à ce jour : "Quand vous accordez une seconde chance aux gens et leur permettez d’apprendre de leurs erreurs, de grandes choses surviennent…", a-t-il déclaré à la CBC, juste avant de grimper sur le podium pour recevoir sa médaille. "C’est l’exemple parfait que les gens peuvent accomplir de grandes choses. Peu importe leur passé. " Compétiteur hors pair, c’est un homme multifacettes. Doué d’un sens aigu du commerce, il est l’un des plus gros marchands de chevaux du continent nord-américain. Excellent pédagogue, c’est un coach très apprécié, notamment par les Français, à l’instar de Yann Candelé qui a passé de nombreuses années dans les écuries de Torrey Pines Farm, ce qui lui a notamment permis de disputer, avec brio, une finale de la Coupe du monde en 2004. Marie Hécart, la fille de Michel, travaille actuellement chez Eric Lamaze et semble beaucoup se plaire outre-Atlantique. Régulièrement présent à haut niveau depuis une quinzaine d’années, Eric Lamaze a dû attendre l’arrivée de Hickstead, un KWPN par Hamlet né en 1996, pour se faire connaître du grand public. Ce fantastique petit étalon éclate au grand jour en 2006, remportant la Coupe des nations de Wellington, puis se classant troisième du Grand Prix d’Aix-la-Chapelle avant de débuter de superbe manière les Jeux Equestres Mondiaux, mais de connaître un “jour sans” en finale individuelle. En 2007, le couple est double médaillé (le bronze en individuel et l’argent par équipes) aux Jeux panaméricains et remporte le mythique, et très lucratif (un million de dollars de dotation), Grand Prix de Calgary. Régulièrement gagnant et classé sur les plus gros Grand Prix, Eric Lamaze intègre le top 10 mondial en 2008 avant de se hisser sur la troisième marche du podium depuis juillet. Cette consécration olympique couronne l’irrésistible ascension d’un des meilleurs couples du monde et vient sans doute de balayer d’un coup, bien des années difficiles…
(La décennie qui a suivi ce sacre n’a pas épargné le champion. Après la terrible perte de Hickstead, victime d’une crise cardiaque en plein parcours à Véronne en 2011, le Canadien se bat désormais contre une terrible tumeur au cerveau, qui le ronge depuis de longs mois. Mais, comme la force de la nature qu’il a toujours été, le talentueux cavalier s’accroche à l’avenir, et Tokyo 2021 sera bel et bien l’un de ses objectifs, ndlr)

Cet article d'archive est paru dans le n°47 de GRANDPRIX International.



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