La longe, un bon outil préparatoire

Alors que le déconfinement permet aux cavaliers de s’occuper à nouveau de leurs montures, et que la reprise normale des concours semble encore lointaine, le travail à la longe se dessine comme un entraînement des plus judicieux. Le point avec Michel Robert, grand amateur du travail à pied.



Alors que les cavaliers prennent le temps de reconditionner leurs chevaux après la période du confinement due à l’épidémie de Covid-19, le travail à la longe peut être une précieuse aide pour tous ceux qui souhaitent améliorer la musculature de leurs montures tout en les détendant. Michel Robert, qui apprécie particulièrement cette approche à pied, est catégorique : “Le travail à la longe est un excellent exercice pour assouplir les articulations et la musculature du cheval, notamment pour le préparer aux efforts qu’impose le saut d’obstacles. Les réceptions, les tournants courts ou les accélérations sollicitent beaucoup son fonctionnement physique. Une mise en condition est donc indispensable pour, entre autres, faire bouger ses articulations dans toutes les di- rections.” De plus, le fait de longer son cheval, et non de se tenir dessus, permettra au cavalier de déceler comment l’animal se déplace en liberté, sans son poids sur son dos, ni selle, ni sangle. Il sera ainsi plus à même de déceler d’éventuelles raideurs, une facilité à main droite ou main gauche, un engagement franc, etc.

Un bon dos : la clef de la réussite

Le travail à pied est particulièrement recommandé pour renforcer le dos du cheval. Et comme tout cavalier avertit le sait, la ligne du dessus d’un équidé est la partie du corps la plus sollicitée et la plus fragile. “Lorsqu’ils doivent supporter le poids d’un cavalier tandis que parallèlement ils effectuent des mouvements spécifiques, comme le franchissement d’obstacles ou des airs de dressage, il devient indispensable de modeler leur corps pour l’adapter aux contraintes physiques qu’implique le travail monté”, explique le coach. Mais attention, le dos ne se limite pas à la colonne vertébrale au niveau de la selle. La zone concernée s’étend du garrot à la base de la queue. Pour mettre en place cette musculature, deux points sont essentiels à travailler : l’incurvation du cheval sur le cercle et l’extension d’encolure. Concernant le premier point, Michel Robert insiste : “L’incurvation ne doit pas se limiter à une simple flexion de l’encolure, comme le pensent beaucoup de cavaliers, mais à toute la colonne vertébrale du cheval, depuis les cervicales jusqu’au sacrum. Ainsi, plus le cercle se réduit, plus la courbure de l’ensemble du corps sera prononcée, et inversement bien entendu.” Concernant l’extension d’encolure, Michel Robert affirme que cette attitude de stretching, encolure vers le bas, permet d’étirer la ligne du dessus, de la débloquer, d’assouplir la colonne et les muscles environnants et d’obtenir un meilleur engagement des postérieurs. “Le fait d’ouvrir l’angle tête-encolure permet d’étirer l’en- semble de la chaîne ligamentaire située tout le long de la colonne vertébrale, des oreilles jusqu’à la queue. Parallèlement, les abdominaux, muscles antagonistes de ceux du dos, sont renforcés, favorisant ainsi la poussée des postérieurs. Ce travail, effectué au pas ou au trot sur un terrain varié, et notamment en montée, stimule encore davantage les efforts de propulsion propices à la musculation du dos.” Ce travail de musculation du dos permettra d’obtenir un cheval souple et délié sous la selle. Pour le maître, ce travail à la longe est encore plus recommandé pour la mise en condition physique des jeunes chevaux, ceci afin de les laisser travailler librement sans contraintes causées par leurs cavaliers et leurs harnachements. Pour autant, le longeur veillera à toujours maintenir un contact léger et permanent avec la bouche de son cheval.

Qui va piano va sano...

Avant d’entamer la séance, une palpation du dos du cheval permettra au cavalier de se rendre compte des sensibilités de ce dernier en fonction de ses réactions et de dresser un premier état des lieux. En effet, force est de constater qu’une grande partie des pathologies des chevaux de sport résulte d’une douleur au niveau de la ligne du dessus. Concrètement, les conseils de Michel Robert sont simples : “Passez vos doigts le long de la colonne vertébrale du cheval et observez ses réactions, en sachant que la partie la plus fragile du dos se situe en arrière de la selle. Vous pourrez ainsi identifier les zones douloureuses et agir en pratiquant des massages qui permettront de libérer les zones de blocages d’énergie, mais aussi de renvoyer au cheval des signaux de confort et de bien-être.”



Ensuite, avant de lancer son cheval sur le cercle et de tirer quelque bénéfice que ce soit du travail à pied, le cavalier doit bien saisir que la progressivité et la patience sont, là encore, les meilleures muses à suivre. Certains points sont à prendre en compte, comme l’âge du cheval, le temps de période sans travail, son état physique et mental, son tempérament, son expérience, etc. En fonction, les étapes devront être progressives. À chaque cession de travail son programme. Pas question d’enchaîner transitions des allures, incurvations, barres au sol et cavaletti dès la première séance ! Chevaux comme cavaliers sortent progressivement d’un long confinement et doivent se remettre en route. “Il est évident que l’on ne peut pas tout faire dans la même séance, ni dans la même semaine, ni dans le même mois. Il faut laisser le temps au cheval et au longeur d’assimiler les leçons. (...) Un cheval peut comprendre une demande, mais ne peut être capable d’y répondre parce que ses capacités physiques du moment ne le lui permettent pas”, prévient le maître. Les étapes devront donc se suivre progressivement : “D’abord, on cherchera à obtenir des transitions aux trois allures, puis on commencera à varier les tracés notamment sur des cercles de diamètres différents. À partir de là, il sera possible de contrôler le cheval à l’abord et à la réception des obstacles, pour ensuite être en mesure de travailler l’amélioration de ses réflexes et qualité du saut.” Si le travail d’extension d’encolure est une excellente méthode pour assouplir et renforcer la musculature dorsale, le travail sur les barres au sol et les cavaletti permettent, entre autres, d’inciter le cheval “à prendre conscience de son corps et plus particulièrement de l’endroit où il pose ses pieds”, explique le cavalier. 

Une fois ces considérations prises en compte, le travail peut commencer. Les premiers cercles sont importants pour instaurer une relation de confiance entre le cheval et son partenaire. Aussi, ce dernier doit s’assurer de commencer à la main où le cheval est le plus à l’aise. Il faut alors immédiatement prévenir ses intentions en lui imposant un rythme et un tracé déterminés à l’avance. Le longeur commencera à faire évoluer son cheval au pas, puis au trot, en changeant fréquemment de main. Cette symétrie de temps aux deux mains sera d’ail- leurs à maintenir tout au long de la séance. Pour éviter un débordement de vitesse, un cercle relativement réduit est privilégié au départ. Michel Robert conseille ainsi de suivre un protocole très rodé : “Cinq minutes de trot assez lent et bien cadencé aux deux mains sur un tracé précis est un préalable à tout autre exercice. Après de nombreuses heures passées dans un box, il est normal de laisser les tendons, muscles et articulations se remettre en route. Si le cheval a cette possibilité de se détendre dans le calme et sans pression, les raideurs de début de travail disparaîtront très facilement.” Cette ouverture permettra au cavalier d’étudier l’évolution de sa monture, son comportement (stressé, calme, à l’écoute, etc.) et de mettre en place une connexion avec elle. Après cet échauffement, une petite pause permettra à chacun de reprendre son souffle, et au longeur de caresser son partenaire. “À l’arrêt, passez la main sur la tête, l’encolure, mais aussi le dos. C’est une façon de le rassurer tout en lui faisant prendre conscience de son corps. Les chevaux qui ressentent des gênes ou des douleurs peuvent parfois faire abstraction de certaines parties de leur anatomie: le dos, un postérieur, la bouche...”, explique le maître. À ce moment de la séance, en fonction du tempérament de son cheval et si le sol est de bonne qualité, le longeur pourra accepter que sa monture se détende avec quelques ruades. “Pendant cette période, il faut avoir conscience que chacun observe l’autre. L’attitude du longeur a donc beaucoup d’importance, car lorsque le travail va commencer, le cheval saura déjà à qui il a affaire”. Aussi, cette détente n’est permise que si – et seulement si – le longeur sait maîtriser sa monture. Autrement, il est vivement recommandé de ne pas la laisser jouer. Pour s’aider à canaliser l’énergie de son cheval, il est possible de le longer dans un rond de longe, un manège ou encore de réduire le cercle de travail. Quoi qu’il en soit, pour éviter un débordement, le cavalier doit s’assurer que le cheval maintienne sa tête à l’intérieur du cercle. Enfin, après cet échauffement, le travail d’incurvation et d’extension d’encolure pourra commencer.



Le B.A - BA du longeur 

Pour communiquer clairement avec le cheval et générer un échange dans la confiance mutuelle et la sérénité, le longeur doit s’astreindre à quelques règles : 

• Il doit se placer en arrière de la sangle et écarter ses bras en «V» avec d’un côté la longe et de l’autre la chambrière pour en- cadrer le cheval tout en lui administrant une zone de confort. 

•Son regard doit être panoramique en englobant le cheval et tout l’environnement proche. 

•La voix peut être un très bon outil pour baisser la pression, féliciter le cheval ou faire preuve d’autorité en haussant le ton. 

•Il faut stabiliser sa respiration pour assurer une bonne connexion avec le cheval.


-Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX n°118 de juin 2020.