Quels compléments pour accompagner la reprise d'activité?

Alors que la saison de compétition a redémarré, les chevaux retrouvent de l’activité physique et un rythme soutenu. Si un travail juste et une alimentation adaptée constituent la base d’une santé sportive digne de ce nom, l’administration de compléments alimentaires peut s’avérer judicieuse pour soutenir, protéger et renforcer l’appareil locomoteur et la musculature.



De l’équilibre avant toute chose… 

Avant d’évoquer la notion de compléments alimentaires, il est de bon ton de parler d’alimentation équilibrée et de travail juste. En effet, un cheval est censé trouver tout ce dont il a besoin, c’est-à-dire énergie, protéines, minéraux et vitamines, dans son alimentation de base. Elle est composée de fourrage, vert (herbe) ou sec (foin) s’il vit dehors et si l’herbe y est abondante et riche, ou d’aliments concentrés (céréales / oléagineux / protéagineux) s’il vit en box. “Les apports journaliers recommandés tiennent compte des besoins des animaux en fonction de leur situation physiologique (sexe, format, âge, activité...). Néanmoins, l’état corporel et le comportement alimentaire de chacun devront également être pris en considération lors de l’ajustement de la ration”, peut-on lire sur Équipedia, site de référence des connaissances autour du cheval. D’autre part, un cheval de sport doit être sorti et travaillé quotidiennement selon un programme d’entraînement qui correspond à sa vie d’athlète, comme le souligne Natacha Gilmenez, vétérinaire et ostéopathe : “Il faut faire preuve de bon sens. Regardez les humains: un sportif s’entraîne de manière à être musclé, souple, réactif, endurant et performant dans sa discipline. Un cheval, c’est pareil! La priorité lors de la remise en activité sportive d’un cheval devrait être la mise en place raisonnée d’une progression adaptée au niveau de performance attendu, avant de penser complémentation. Hors pathologie spécifique évidemment.” Conclusion de ce constat: un cheval en bonne santé, correctement nourri et travaillé dans le bon sens n’a finalement besoin de rien de plus!

La grande mode des compléments alimentaires 

Oui mais... Les compléments alimentaires ont clairement le vent en poupe, tant pour les humains que les animaux! Amateurs comme professionnels agrémentent souvent les rations de leurs chevaux de mixtures en tous genres, qu’ils concoctent eux-mêmes ou achètent sur des sites spécialisés : huiles végétales, vitamines, minéraux, algues, plantes. Ces compléments sont censés soutenir efficacement l’organisme de ces derniers et les rendre plus performants. Gare! “Trop ou trop peu, ce peut être dangereux ”, peut-on lire sur Équipedia. “Le "trop" peut devenir toxique et, dans certains cas, les seuils de toxicité ne sont pas très éloignés des apports recommandés. Votre vétérinaire est là pour vous conseiller et procéder à des bilans ciblés, personnalisés le cas échéant.” Natacha Gimenez abonde dans ce sens : “Chaque cheval se voit normalement administrer une ration qui correspond à ses besoins. Si l’on rajoute de façon hérétique des compléments, l’intention est certes louable, mais les dégâts peuvent être au rendez-vous. Lorsque l’on fait des bilans alimentaires dans les écuries, on constate malheureusement qu’il y a souvent des excès et déséquilibres dus à l’addition de compléments alimentaires sur une ration déjà équilibrée. Cela n’est pas anodin: certains éléments en excès vont perturber l’absorption ou l’efficacité d’autres substances, et tout ce qui est en excès devra être éliminé par l’organisme, ce qui fatigue le foie et les reins. Chez le sportif humain, on accorde aujourd’hui une grande importance au pH sanguin sur lequel l’alimentation a un impact essentiel : une tendance acide favorise les inflammations et les lésions musculaires et tendineuses, et il en va de même chez le cheval. En bref, attention, un excès de compléments peut schématiquement polluer le corps du cheval, et lui faire plus de mal que de bien!

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Administrer des compléments alimentaires de façon justifiée et raisonnée

Il est toutefois évident que dans certaines situations, l’administration de compléments alimentaires est sinon nécessaire, du moins fortement recommandée : convalescence, remise au travail, pathologies avérées, changements de saison, et ce aussi bien pour aider l’appareil locomoteur que pour soutenir l’organisme (système immunitaire). La période inédite que le monde traverse à la suite de la crise liée au Covid-19, et une reprise de la compétition imminente après trois mois de repos, peut ainsi justifier certains apports. En effet, durant le confinement, les chevaux n’ont pas tous été entraînés de la même manière: si certains ont pu être entretenus de façon à se trouver performants le jour de la reprise, d’autres ont mené un travail fortement ralenti, voire ont été mis au vert. Qui plus est, la saison semble recommencer au début de l’été, à l’heure des fortes chaleurs. Dans ce contexte, Emmanuelle van Erck, vétérinaire et experte européenne en maladies respiratoires, insiste pour sa part sur les notions d’immunité et d’hydratation. “Le fait de se retrouver à nouveau en compétition, dans un environnement très peuplé, après une période de confinement très préservée et calme peut fragiliser le système immunitaire des chevaux, c’est pourquoi je recommande une cure de vitamine C, vitamine E et acides gras (oméga 3)”, conseille-t-elle. “Sans oublier les électrolytes : l’été arrive et les chevaux vont transpirer, donc il sera nécessaire de compenser pour maintenir un taux d’hydratation optimale, notamment afin de prévenir les ulcères.” Par ailleurs, certains chevaux souffrent de problèmes de santé avérés, comme la myosite ou l’arthrose. En ce cas, il est intéressant de leur administrer des compléments alimentaires. “La vitamine E et le sélénium sont adaptés pour prévenir les crises de myosite, ainsi qu’une alimentation spécifique limitant l’apport en glucides”, développe Natacha Gimenez. “En cas d’arthrose, il est intéressant de se tourner vers la phytothérapie : cassis, harpagophytum, reine des prés ou ortie partie aérienne sont intéressants entre autres pour leur aspect anti-inflammatoire. La complémentation avec de l’huile de lin (oméga 3) ou un mélange 4 ou 6 huiles (équilibre intéressant oméga 3 et 6) permet par ailleurs de limiter la dégradation du cartilage articulaire. Il est préférable d’utiliser les huiles ou les plantes seules plutôt que de se tourner vers des mélanges tous prêts associés à des compléments minéraux vitaminés.” Tout aussi intéressants ont été les propos de Charlotte Letient, naturopathe et communicante animalière, et de Laura Maugenest, ostéopathe équine et naturopathe, qui travaillent souvent de concert afin d’aborder les chevaux dans leur globalité physique et mentale. “Durant le confinement, de nombreux chevaux ont vu leurs habitudes fortement perturbées”, expliquent- elles. “Ils ont perdu du muscle et de l’état. Or, selon les écuries, les cavaliers sont soumis à des règles sanitaires qui limitent encore leur temps de présence sur place. Ils n’ont parfois pas le temps de respecter les besoins du cheval en termes d’échauffement et de récupération, ce qui peut provoquer des douleurs, des courbatures et des crampes. Il ne faut pas trop essayer de masquer ces symptômes car le corps parle et il faut l’écouter. Toutefois, on peut soulager les douleurs inflammatoires et articulaires avec du curcuma additionné de poivre, et soulager les crampes musculaires avec du sélénium et de la vitamine E. La modification de la routine des chevaux a fortement perturbé certains d’entre eux, qui ont pu développer une surcharge hépatique, réaction de leur métabolisme à un changement alimentaire mal dosé. Nous insistons aussi sur la dimension psychologique : qui dit changement d’habitudes dit souvent stress, et nous avons d’ailleurs pu constater une augmentation de cas d’ulcères. Dans l’un et l’autre de ces cas de figure, il peut être intéressant de se tourner, en phytothérapie, vers le chardon-Marie, le frêne, l’artichaut, ou en gemmothérapie vers le romarin et le genévrier, qui servent à drainer le foie et alléger le métabolisme. Enfin, il n’est pas inintéressant non plus d’accompagner un état émotionnel par l’administration de fleurs de Bach. Mais tout cela est à titre indicatif et non exhaustif. En cas de doute sur la santé d’un cheval, il vaut mieux se tourner vers un professionnel qui élaborera une complémentation sur mesure.” 


-Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX n°118 du juillet 2020.