“Personne ne s’attendait à nous voir gagner le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle”, Janne Friederike Meyer-Zimmermann

Durant tout l’été, GRANDPRIX retrace des victoires et des défaites fondatrices de grandes carrières et qui ont marqué l’histoire des sports équestres. Cette semaine, l’Allemande Janne Friederike Meyer-Zimmermann revient sur sa victoire dans le mythique et difficile Grand Prix d’Aix-la-Chapelle, en 2011. Avec Cellagon Lambrasco, elle avait signé l’unique double sans-faute, “le moment d’une vie”



Dimanche 17 juillet 2011, sur la grande piste en herbe du stade de la Soers, à Aix-la-Chapelle. L’Allemande Janne Friederike Meyer-Zimmermann signe l’unique double sans-faute dans le difficile Grand Prix, devant son public. Associée à Cellagon Lambrasco, alors âgé de treize ans, elle remporte la plus belle épreuve de sa carrière, à la surprise générale. Bien que médaillé d’or par équipes aux Jeux équestres mondiaux de Lexington l’année précédente, le couple faisait plutôt figure d’outsider. “Personne ne s’attendait à nous voir gagner. Nous n’étions pas favoris comme auraient pu l’être Shutterfly ou Big Star par exemple. D’ailleurs, le meilleur moment n’a pas été la victoire, mais la joie de réaliser un sans-faute. J’étais tellement fière de mon cheval !”, confie l’Allemande.

Des années plus tard, et alors que l’édition de cette année a été annulée en raison de la pandémie de Covid-19, l’émotion et les souvenirs restent intacts pour la cavalière de Lambrasco, qui raconte: “Le plus sympa dans cette victoire est que je ne m’attendais pas à gagner. J’étais l’avant-dernière à m’élancer et il n’y avait pas de double sans-faute jusque-là. Notre chef d’équipe, Otto Becker, m’a dit quand je suis entrée en piste « Ne t’inquiètes pas si tu laisses une barre à terre, il n’y a pas de double sans-faute. Continue ton parcours car tu peux être très bien classée. » Cela m’a encore plus motivée. J’ai monté obstacle après obstacle. Pour moi, la dernière ligne était la plus difficile, avec un double de verticaux pour finir sur un large oxer. En galopant vers le dernier obstacle, je savais que si j’avais une distance longue, Lambrasco ne ferait jamais une barre. Soudainement, de loin, j’ai vu ma distance.” La joie de l’Allemande en passant le dernier obstacle, les bras en l’air et le visage illuminé d’un grand sourire, a marqué tous les esprits. “J’étais très heureuse car je savais que j’allais sauter le dernier oxer sans difficulté et que je réaliserai un double sans-faute. C’était la raison pour laquelle j’avais déjà mes mains en l’air avant de finir de sauter”, se remémore-t-elle. Si le couple a célébré alors le premier double sans-faute de l’épreuve, la victoire s’est jouée avec la Portugaise Luciana Diniz, en selle sur Winningmood et dernière à s’élancer. “Elle était sans-faute jusqu’au dernier saut, et là, ce fut comme dans un film. Elle a fait une barre sur le dernier oxer. Alors à ce moment, j’ai su que j’avais gagné le Grand Prix”, détaille l’Allemande.



“En piste, Lambrasco se battait comme un lion”

Ce jour-là, Janne Friederike a réalisé son rêve d’enfant. “Le premier rêve est de prendre part à ce Grand Prix. Le remporter représente encore plus. C’était incroyable.”

Rien ne semblait pourtant prédestiner ce cheval de 1,60m à une telle victoire. “Nous avons acheté Lambrasco comme un cheval de vitesse, à l’âge de huit ans. Il était toujours bon dans ce qu’il faisait, mais n’était pas spectaculaire. Si je le voyais maintenant, je penserais toujours que c’est un joli petit cheval, mais je ne croirais pas qu’il puisse gagner à Aix-la-Chapelle… Nous nous sommes appréciés dès le premier instant. Il est le cheval d’une vie et je ne croiserai plus jamais un cheval comme lui! Il avait le cœur gros comme le monde, avec ce petit gabarit et ces qualités insoupçonnées. Il sautait de manière banale à la maison, mais en piste, il se battait comme un lion, et passait vraiment la seconde (rires)!”

En 2009, leurs débuts sur cette piste mythique n’ont pas été les plus simples, ni les plus réussis. La technicité du parcours avait eu raison du couple, que s’était vu éliminé malgré le fait qu’il se soit joliment qualifié pour le Grand Prix. “Nous n’avions pas d’expérience à ce niveau. Je n’avais pas assez de vitesse pour sauter la grande rivière et je suis tombée dedans. C’est ainsi que s’est terminé mon premier Grand Prix ici…”

À force de ténacité et de travail, Janne Friederike et Lambrasco ont progressé année après année, revenant sans relâche se mesurer aux massifs obstacles, jusqu’à terminer victorieux du Grand Prix. “Nous avons gagné en expérience. Je me suis remise en question, sur ce que je devais améliorer. Je suis fière du chemin parcouru.” Engrangeant de l’expérience, l’Allemande a surtout appris à se faire confiance, ainsi qu’à Lambrasco: “Je me suis concentrée sur moi-même. La première année, je demandais à tout le monde quelle distance ils planifiaient, je regardais les autres parcours et essayais d’adapter cela à mon cheval. Mais Lambrasco avait besoin de vitesse et de l’adrénaline du concours.”



“J’ai donné le trophée à mon entraîneur Tjark Nagel”

Sans renier la performance que cela représente, l’Allemande est loin de s’être arrêtée sur cette victoire. “Je ne vis pas dans le passé. Par exemple, le trophée que j’ai gagné, je l’ai donné en cadeau à mon entraîneur, Tjark Nagel. J’ai aussi gagné une montre, que j’ai offerte à ma sœur, car elle était présente ce jour-là. Je suis concentrée sur l’avenir.”

Consciente du côté unique de sa victoire avec Lambrasco, elle garde ce “moment spécial” et ses enseignements dans un coin de sa tête en poursuivant sa route. “J’ai eu beaucoup de succès avec Lambrasco. J’ai maintenant d’autres bons chevaux dans mes écuries. J’ai toujours cet espoir de remporter des épreuves importantes, il reste beaucoup de choses à venir. Mais je suis aussi certaine que plus jamais, je ne gagnerai Aix-la-Chapelle comme je l’ai fait avec Lambrasco (rires). Je ne sais pas si cette victoire a changé ma vie, mais c’est un souvenir que je chérirai pour toujours. Cela m’a montré qu’il était possible de réaliser quelque chose que personne n’attendait”, précise-t-elle.

Quelques semaines après ce point d’orgue de leur carrière commune, Lambrasco et sa cavalière remportent une médaille d’or par équipes, aux Européens de Madrid. L’année suivante, le couple est sélectionné pour les Jeux olympiques de Londres, qu’il termine sans succès. Depuis 2013, le bai brun profite d’une retraite bien méritée dans les prés des parents de Janne Friederike, en compagnie de la jeune génération : “Il est ami avec Callistro, mon premier cheval de Grand Prix, qui est maintenant très âgé (vingt-sept ans, ndlr). Ils sont avec nos poulains, avec de la chance ils leur transmettent leur savoir !”

Aux côtés des plus grands noms gravés en lettres d’argent sur la tour de la tribune du jury se trouve désormais ceux de Janne Friederike Meyer-Zimmermann et Cellagon Lambrasco. “Le plus important pour moi, c’est qu’on m’a dit que cette victoire était méritée pour le petit poney et la petite cavalière !”, conclue en riant la sympathique allemande.

Revivez ci-dessous le parcours en seconde manche de Janne Friederike Meyer-Zimmermann et Cellagon Lambrasco lors du Grand Prix d’Aix-la-Chapelle en 2011