“Après six Jeux olympiques, je rêve de participer à ceux organisés dans mon pays”, Taizo Sugitani

Taizo Sugitani est un discret cavalier de saut d’obstacles japonais, qui s’entraîne aujourd’hui en Allemagne, à Lohmar, entre Cologne et Bonn. Expérimenté, il a représenté le pays du Soleil-levant à toutes les éditions des Jeux olympiques depuis ceux d’Atlanta, en 1996, ainsi qu’à tous les Jeux équestres mondiaux entre 1994 et 2014. En lice pour porter la veste rouge chez lui à Tokyo l’an prochain, celui qui a remporté l’or individuel lors de l’édition inaugurale des championnats d’Asie l’an passé, a pris un moment pour se confier à GRANDPRIX. Il évoque cette nouvelle compétition, le report d’une année du plus grand événement sportif mondial ou encore ce qu’il a appris auprès de ses aînés, eux aussi cavaliers olympiques. 



Le cavalier japonais fonde de grands espoirs en Quincy 194.

Le cavalier japonais fonde de grands espoirs en Quincy 194.

© Sportfot

Vous venez de reprendre la compétition après trois mois de pause lors d’une tournée estivale de quatre semaines à Vilamoura, au Portugal. Comment cela s’est-il passé et quels sont vos objectifs pour la suite de la saison? 

Je dois dire que tous mes chevaux ont bien sauté. Nous avons pu à nouveau concourir après la période de confinement, et c’était une très bonne compétition pour reprendre le rythme des concours. Après Vilamoura, mes chevaux sont maintenant prêts à participer à n’importe quelle compétition. Logiquement, la prochaine sera fin août en République Tchèque, où une Coupe des nations est programmée (un CSIO 3* est planifié à Prague du 19 au 23 août, ndlr). J’essaie de trouver une autre compétition où me rendre avant cela, mais c’est un peu compliqué! 

Pouvez-vous évoquer les chevaux dont vous disposez actuellement dans vos écuries? 

J’ai quelques jeunes et trois chevaux qui peuvent participer à des épreuves Grand Prix. Il y a tout d’abord Héroïne de Muze (BWP, Tinka’s Boy x For Pleasure), qui a treize ans, Famous (KWPN, Numero Uno x Jus de Pomme), qui lui a dix ans et enfin Quincy 194 (Han, FRH Quaid x As di Villagana) qui est âgé de neuf ans. Je pense qu’il est le meilleur pour participer à de belles épreuves.  

Sur lesquels d’entre eux comptez-vous pour les Jeux olympiques de Tokyo l’an prochain?  

À la base, je pensais à Héroïne, car elle est la plus expérimentée et a déjà participé à un Grand Prix CSI 5*. Avec ce report d’un an des Jeux, Quincy et Famous peuvent aussi avoir leur chance. Cela dépendra, car si j’obtiens de bons résultats avec Quincy, alors il sera mon premier choix. Si ce n’est pas le cas, alors le chef d’équipe décidera! 



“J’espère que dans un an, cette situation se sera calmée”

Taizo Sugitani en selle sur Avenzio lors des Jeux olympiques de Londres en 2012.

Taizo Sugitani en selle sur Avenzio lors des Jeux olympiques de Londres en 2012.

© Scoopdyga

Vous évoquiez justement le report des Jeux, à cause de la pandémie de coronavirus. Comment avez-vous réagi à cette annonce?  

Pour moi, il n’y a eu aucun stress. D’un côté, cela permettra à mes deux chevaux qui sont plus jeunes d’emmagasiner de l’expérience supplémentaire pendant un an. Après, est-ce que ces Jeux auront vraiment lieu?? C’est une bonne question… Les choses changent tous les jours, avec de nouvelles informations, alors c’est compliqué à dire. Je m’entraîne en Allemagne, mais par exemple en Belgique, les autorités viennent de réduire le nombre autorisé de personnes regroupées à l’extérieur (les rassemblements publics extérieurs ont à nouveau été limités à deux-cents personnes maximum au lieu de quatre-cents, avec port du masque obligatoire, ndlr). J’espère vraiment que dans un an, cette situation se sera calmée et que tout reviendra à la normale. Nous verrons bien, cela dépendra peut-être de la découverte d’un vaccin ou d’une nouvelle façon de se soigner, c’est très dur à dire. 

En tant que cavalier japonais ayant participé à toutes les éditions des JO depuis 1996, ressentez-vous une pression supplémentaire pour intégrer l’équipe l’été prochain?  

Après six Jeux olympiques, cela serait un rêve de participer à ceux organisés dans mon pays. C’est un moment qui n’arrive qu’une fois dans une vie. Mais c’est le sport qui décidera. Si je suis bon et que j’obtiens des résultats, j’aurais ma place dans l’équipe. Si ce n’est pas le cas, alors je devrais attendre encore quatre ans.  

Que pensez-vous de l’évolution de votre nation en saut d’obstacles? Nous voyons notamment le complet s’y développer très fortement… 

Le saut d’obstacles se développe au Japon. Notre pays est petit et assez éloigné des États-Unis ou de l’Europe. De nombreux cavaliers viennent donc en Europe, ce qui est une bonne chose pour progresser. Ils font des bons résultats. J’aimerais apporter mon expérience au Japon et contribuer à ce que notre discipline devienne encore plus importante. 



“Il n’y a pas de raccourci possible en équitation”

Héroïne de Muze a offert la médaille d’or à Taizo Sugitani en 2019 lors des championnats d’Asie.

Héroïne de Muze a offert la médaille d’or à Taizo Sugitani en 2019 lors des championnats d’Asie.

© Sportfot

Nous vous connaissons assez peu en France, pouvez-vous évoquer vos débuts?  

À six ans, j’ai débuté à poney. Après quelques années, j’ai commencé à monter à cheval. Quand j’ai eu dix-huit ans et après avoir terminé l’école, je suis parti m’entraîner aux Pays-Bas, avec Henk Nooren. 

Votre grand-pèreKoichi Kawaguchi, ainsi que votre pèreMasayasu Sugitani, ont également participé aux Jeux olympiques en saut d’obstacles, respectivement en 1956 et en 1968, 1972 et 1976. Que vous ont-ils transmis? 

J’ai eu la chance d’avoir deux très bons professeurs. Ils m’ont tout enseigné, c’est grâce à eux que je suis le cavalier que je suis aujourd’hui. La chose la plus importante que j’ai apprise à leurs côtés a été d’être patient avec les chevaux. Il n’y a pas de raccourci possible dans ce sport. Il faut s’entraîner et travailler dur tous les jours. Petit à petit, je dois me perfectionner, et mes chevaux également.  

Pouvez-vous nous parler d’Avenzio 3 (KWPN, Animo x Erdball XX), avec qui vous avez notamment participé aux JO de Londres en 2012 ainsi qu’aux Jeux équestres mondiaux de Lexington en 2010 ainsi qu’en 2014, en Normandie? 

Avenzio est le meilleur cheval que j’ai connu jusqu’à présent dans ma carrière. J’ai commencé à le monter lorsqu’il avait huit ans. Il avait alors beaucoup de force et je n’avais aucun contrôle. Au début, nous concourions sur des épreuves à 1,20m. Pendant un an, avec de la patience, nous avons évolué peu à peu sur des hauteurs plus importantes. La deuxième année, il a commencé à sauter beaucoup mieux, et c’est ainsi que nous avons pu ensuite concourir à ces différents championnats. Maintenant, il a vingt ans et profite de sa retraite dans nos paddocks, aux côtés des poneys. 

Pouvez-vous également évoquer les Jeux olympiques de Rio de Janeiro, que vous avez concouru en 2016 associé à Imothep (KWPN, Indoctro x Calvados)?  

Il était aussi l’un de mes chevaux favoris. J’ai commencé à le monter un an avant les Jeux. L’objectif était d’être sélectionnés pour Rio. Avec lui, j’ai vraiment participé à de beaux Grands Prix, il m’a emmené sur le terrain de Calgary, ce qui était un de mes rêves. Il sautait de manière vraiment fantastique! Malheureusement, aux Jeux olympiques, nous n’avons pas obtenu le résultat escompté (le couple est sorti de piste avec douze et seize points, finissant treizième par équipes et soixante-quatrième en individuel, ndlr). Mais en seulement un an, j’ai réussi à avoir une belle relation avec lui. Aujourd’hui, Imothep est aux États-Unis. Il est à la retraite et vit une deuxième carrière d’étalon. 

Quel est votre plus beau souvenir jusqu’à présent?  

Je dois dire que l’année dernière, la première édition des championnats d’Asie (en 2019 à Pattaya, en Thaïlande, ndlr) est un très beau souvenir. Bien que nous ayons déjà les Jeux asiatiques, ces derniers sont un peu différents (à l’image des Jeux méditerranéens, les Jeux asiatiques regroupent tous les sports tandis que les championnats d’Asie se concentrent autour d’un ou plusieurs sports équestres, comme les championnats d’Europe, ndlr). J’avais justement déjà participé à deux Jeux asiatiques (en 2014 avec Avenzio en Corée, et en 2018 avec Héroïne de Muse en Indonésie, ndlr), nous étions si proches d’obtenir une médaille d’or par équipes et en individuel… Avec Avenzio, j’ai remporté deux médailles de bronze et avec Héroïne, l’argent par équipes et une quatrième place individuelle. Alors pour les championnats d’Asie, j’avais vraiment envie de gagner, et ce rêve s’est réalisé! J’ai remporté la médaille d’or en individuel (avec Héroïne de Muze, ndlr). 

C’est une bonne chose pour l’Asie d’avoir ce nouveau championnat, qui devrait avoir lieu tous les deux ans, comme c’est le cas pour les championnats d’Europe. Il y a une grande différence entre un concours international et un championnat, car il y a plus de pression pendant cinq jours de compétition. Nous, cavaliers asiatiques, devons avoir cette expérience pour pouvoir ensuite participer aux Jeux équestres mondiaux ou aux Jeux olympiques. Cela aidera énormément les jeunes cavaliers à évoluer dans le futur.