“La victoire de Big Star et Nick Skelton à Rio est l'une des meilleures choses que j'ai vécues”, Mark Beever

En 2016, tout juste revenu au plus haut niveau après une blessure l’ayant éloigné des terrains internationaux pendant près de trois ans, Big Star, l’indissociable monture du multi-médaillé britannique Nick Skelton, remportait la médaille d’or en individuel lors des Jeux olympiques de Rio. Le couple entrait alors dans la légende, sous les yeux de Mark Beever, groom passionné et dévoué qui œuvre dans l’ombre depuis plus de trente ans. Il raconte.



Comment Nick Skelton et vous avez-vous préparé Big Star en amont des Jeux olympiques de Rio? 

Les semaines qui ont précédé les Jeux olympiques, je ne m’occupais plus que de Big Star. De par sa blessure encore récente, il nécessitait une attention toute particulière et surtout permanente, c’est pourquoi Nick m’avait demandé de me concentrer sur lui. À cette période-là, il ne sortait pas en liberté pour éviter qu’il ne se blesse à nouveau, alors nous l’emmenions brouter de l’herbe en main plusieurs fois par jour pour qu’il puisse profiter de l’extérieur. Sur le plan physique, Nick et moi le préparions comme à notre habitude. En fin de compte, les chevaux ne savent pas qu’ils vont aux Jeux olympiques, cela ressemble pour eux à n’importe quel autre concours. Ils doivent cependant ressentir la pression et l’agitation de leur entourage. Personnellement, je ne suis pas d’un naturel stressé et comme je m’occupais uniquement de Big Star, je pouvais prendre le temps de faire les choses calmement et sans pression. Il a lui aussi un tempérament plutôt calme et facile, contrairement à ce qu’il pouvait laisser paraître en piste. Même pendant le trajet en avion, il a été sage comme une image! J’ai même pu dormir un peu, c’était à en oublier sa présence. (rires)

Comment s’est déroulée votre arrivée au Brésil? 

Nous avons eu de la chance car il faisait très chaud à Rio, mais ce n’était pas insoutenable. Les conditions d’accueil étaient luxueuses, avec de superbes écuries. J’ai monté Big Star les trois ou quatre premiers jours qui ont suivi notre arrivée, avant que Nick nous rejoigne. Il me téléphonait régulièrement pour savoir comment le cheval se portait, mais il me faisait confiance. C’est ainsi que fonctionne notre collaboration. Nous travaillons ensemble depuis très longtemps et nous savons ce que nous faisons. Il n’a pas besoin de me dire ce que je dois faire, et inversement. Moi, j’étais déjà heureux que nous soyons arrivés là-bas en un seul morceau, pour le reste, je ne me faisais pas de soucis. 

Mettez-vous en place des rituels lors de ce type d’échéance? 

Non, mais je suis quelqu’un de très superstitieux! Lors de la première manche de la finale, j’ai oublié de porter mon accréditation autour du cou pour me rendre auprès de la piste. Le personnel de la sécurité a voulu m’empêcher l’accès, mais en négociant un peu, ils ont fini par me laisser entrer et Nick et Big Star sont sortis de piste sans-faute. L’après-midi, pour la seconde manche, je me suis à nouveau présenté sans mon accréditation, volontairement cette fois, puisque cela nous avait porté chance le matin. Je l’ai expliqué à la sécurité et ils m’ont laissé passer!

D’où assistiez-vous aux parcours du couple? 

Pour le premier parcours, je me suis placé là où s’était tenu Alan, le groom de Charlotte Dujardin, lorsque cette dernière a remporté la médaille d’or. Mais cette fois-là, Big Star a fait une faute, alors je me suis dit que je ne pouvais plus me mettre ici, ce n’était pas le bon endroit. Pour la finale, j’ai été sur la plateforme depuis laquelle les proches des cavaliers peuvent assister aux parcours. Comme ils étaient sortis sans-faute de la première manche, j’y suis retourné pour la seconde. Et j’ai bien fait! 

© Stud-Book Selle Français



Après l'annonce de leur retraite en 2017, Big Star, Nick Skelton et Mark Beever ont eu l'honneur d'être congratulés par la reine Elizabeth II

Après l'annonce de leur retraite en 2017, Big Star, Nick Skelton et Mark Beever ont eu l'honneur d'être congratulés par la reine Elizabeth II

© DR

Comment avez-vous vécu la finale? 

Nick était le premier à partir dans le barrage. Lorsqu’il est sorti de piste, il m’a donné le cheval et je l’ai emmené loin de toute l’agitation. Quelqu’un est venu me dire de revenir vers la piste parce que nous avions la médaille de bronze et j’ai dit “non, je ne veux pas le bronze, je ne bougerai pas”. Et puis quelqu’un d'autre m’a ensuite crié que nous étions deuxièmes, mais je ne voulais pas la médaille d’argent! Et finalement, quelques minutes plus tard, tout le monde a accouru vers nous pour embrasser le cheval, féliciter Nick et j’ai été attrapé de tous les côtés, laissant Big Star entre les mains de Philippe Rozier, le premier à être venu nous voir. C’était fou! Et Big Star se tenait là, à se demander ce qu’il se passait.

Quelle a été la réaction du public? 

Nick avait cinquante-huit ans à l’époque, il était l’un des athlètes les plus âgés à remporter une médaille d’or en individuel. Je pense que pour cela et parce que Big Star avait surpris tout le monde en se remettant si bien de sa blessure, les gens étaient heureux de les voir gagner. Il y avait d’ailleurs beaucoup d’Anglais dans le public. Du côté des cavaliers, je n’ai pas souvenir d’un seul d’entre eux qui ne soit pas venu nous voir pour nous féliciter. Par la suite, il y a eu une avalanche de messages, d’appels et de sollicitations de la part de la presse. Tout allait très vite, mais c’était incroyable, l’une des meilleurs choses que j’ai vécues. 

Nick Skelton et Big Star sont devenus l’un des couples les plus performants du saut d’obstacles et ont impressionné par leur régularité. Quels sont selon vous les ingrédients d’un tel succès? 

J’ai toujours voulu travailler pour les meilleurs et je crois que ce fut le cas. Big Star est un cheval exceptionnel, explosif et très respectueux à la fois, qui correspond parfaitement à la manière dont Nick aime monter. Quand il entrait en piste, il n’avait rien d’autre en tête que de faire son travail. Cela se remarquait d’autant plus lorsqu’il en sortait, car il semblait toujours plus calme et apaisé. 

Vous avez remporté le Ryan’s Son Trophy, décerné par la famille Whitaker, en 2019. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

J’avais toujours pensé qu’ils décernaient ce trophée à des personnalités connues du monde équestre, pas à des personnes de l’ombre, alors j’ai été très heureux lorsqu’ils me l’ont remis. Je ne m’y attendais pas du tout! John et Clare Whitaker, que je connais depuis très longtemps, ont estimé que je méritais ce prix et je n’arrivais pas à y croire. 

Nick et Big Star ont pris leur retraite en 2017. À quoi ressemble le quotidien de Big Star aujourd’hui? 

Il rempli sa fonction d’étalon tout l’été et revient chez Nick aux alentours du mois d’octobre. Lorsqu’il est ici, il est monté, va au marcheur, au paddock, sort parfois en promenade et saute même quelques obstacles de temps en temps avec Nick ou son neveu, Charlie Jones. Il fait exactement la même chose qu’avant d’être mis à la retraite, à l’exception des concours. Ce n’est pas un cheval que l’on peut mettre dans un pré et l’oublier. Il a besoin que l’on continue à s’occuper de lui et à l’entretenir physiquement. 

Vous tenez-vous au courant des performances de ses produits? 

Je n’en ai pas eu la chance d’en voir beaucoup à l’œuvre pour le moment, mais nous avons l’une de ses filles à la maison, Kelling Star, une jeune jument de cinq ans. Charlie la monte et elle appartient à Gary Widdowson, qui est également le propriétaire de Big Star.