Si les Jeux olympiques de Tokyo avaient eu lieu en 2020, qui aurait été sacré médaillé d'or? Jean-Maurice Bonneau se prête au jeu!

Vendredi dernier, le coup d'envoi de la trente-deuxième édition des Jeux olympiques d'été aurait dû être lancé à Tokyo, au Japon, avant que la crise du Covid-19 ne contraigne le Comité international olympique à la repousser à 2021. Et si nous tentions d'imaginer un scénario et de dessiner ce qu'auraient pu être ces JO? En toute humilité, et pour le plaisir de pronostiquer et de rire, l'ancien chef d'équipe des Bleus Jean-Maurice Bonneau s'est prêté au jeu de la fiction.



Si les Jeux olympiques de Tokyo s'étaient bien tenus cet été, quelle équipe, selon vous, serait arrivée à Tokyo en tant que favorite ? 

Il y en avait plusieurs! Je pense évidemment à la Suisse, à l'Allemagne, aux États-Unis et à la Belgique. Cette dernière (championne d'Europe l'été dernier à Rotterdam, ndlr) a réussi à construire une vraie solidarité en interne et ont un sélectionneur qui tient vraiment bien la barque. La Grande-Bretagne aurait pu en faire partie. Comme l’Allemagne, cette nation a traversé une crise récemment. Pour des raisons différentes, les leaders nationaux n’étaient plus dans l’équipe des grands championnats. Même si l’Allemagne a réussi à faire rentrer des jeunes dans les effectifs principaux et à ramener des médailles aux derniers championnats, ils n'avaient plus leurs têtes de série ni le même brillant qu'autrefois. Après des concertations, ils ont réussi à rectifier le tir et à modifier le fameux contrat qui posait problème aux cavaliers et aux propriétaires, ce qui a permis notamment à Daniel Deusser et Christian Ahlmann de revenir dans le jeu. La Grande-Bretagne a elle pu retrouver Ben Maher et Scott Brash, qui ont été absents pendant quelque temps. Et avec Explosion (la monture de Ben Maher, ndlr), ils ont une sacrée cartouche!

Quelle équipe aurait pu créer la surprise ? 

Je pense que la Suède aurait pu faire quelque chose, même s'ils peuvent compter sur un peu moins de chevaux qu'il y a quelques années, tout comme les Pays-Bas. L’Irlande aurait également pu être intéressante. En 2017, notamment grâce à Rodrigo Pessoa (qui était devenu le chef d'équipe avant de partir en fin d'année dernière, ndlr) ils ont réalisé une année incroyable en devenant champions d'Europe. Ils sont malheureusement passés un peu à côté de leurs JEM à Tryon, puis ont réussi à glaner leur qualification olympique l'an passé de justesse. Ils ont les effectifs pour réaliser quelque chose de bien, mais j'ai peur que le départ de Rodrigo Pessoa, qui était tout frais, ait fragilisé l'équilibre de l'équipe. Je connais très bien l’impact d’un sélectionneur sur une équipe, et il est important. Le point faible de l'Irlande avait toujours été l’esprit d’équipe, et Rodrigo avait réussi à insuffler quelque chose de nouveau et à resserrer les troupes. Je souhaite que son successeur fasse la même chose et conserve le leaderhsip! Le Brésil aurait également pu avoir une belle équipe, et ils l'ont prouvé aux Jeux Panaméricains (où ils ont ramassé plusieurs médailles, ndlr), mais les JO sont une autre marche. Si l'on parle de l'année prochaine - si les Jeux olympiques seront bien maintenus -, l’âge de Quabri (de l'Isle, le superbe cheval de tête de Pedro Veniss, ndlr) m’inquiète un peu car il aura dix-sept ans... Heureusement que Pedro a toujours fait montre d'une bonne gestion avec ce cheval et j'espère qu'il pourra y aller. Il y aussi des questions autour de la présence de Rodrigo dans l'équipe. En tout cas, vu leur chef d'équipe, je ne doute pas qu'ils sauront se préparer! 

Ensuite, il y a deux équipes qui me passionnent particulièrement : Israël et l’Egypte. Pour Israël, individuellement, ils ont vraiment de quoi faire. Je les ai beaucoup regardés à Wellington et sur le Longines Global Champions Tour ces dernières années, et avec Danielle Goldstein, Daniel Bluman, Ashlee Bond et Alberto Michan, ils auraient eu une belle équipe et intéressante. Quant à l’Égypte, c'est le même schéma. Ils peuvent notamment compter sur Nayel Nassar qui a beaucoup gagné! Et n'oublions pas que la nouvelle formule des Jeux olympiques, qui stipule qu'une équipe est composée de trois cavaliers et qu'il n'y a plus de drop-score, aurait pu les servir. Ce nouveau règlement, auquel j'étais opposé mais il faut bien faire avec, va vraiment changer la donne. La plus grande responsabilité va être sur les épaules de Santiago Varela (le chef de piste des JO de Tokyo, ndlr), car il va falloir que les parcours ne soient pas trop difficiles pour les nations émergentes au début, et qu'ils puissent ensuite faire sortir les meilleurs du lot. Franchement, je suis très content de ne pas être chef d'équipe! 

Est-ce que la France aurait pu conserver son titre de championne olympique ? 

C'est difficile à dire... Évidemment, j'aurais vraiment beaucoup aimé. Quand nous sommes allés aux JO de Rio, nous comptions de vraies Ferraris dans l'équipe entre Flora de Mariposa, Hermès Ryan des Hayettes, Rêveur de Hurtebise*HDC, Sydney Une Prince et Rahotep de Toscane. Même si nous avons vécu les montagnes russes, car aucun championnat n'est un long fleuve tranquille, nous avions des couples très fiables. C’était du lourd! Cette année, la France aurait manqué de valeurs sûres. Pas en termes de cavaliers, même si certains n'ont pas tant d'expérience que ça, mais surtout en termes de chevaux. Ceci dit, on dit toujours que les Français sont jamais aussi bons que quand ils ont les pieds dans la mouise! Mais si je dois être objectif, quand je regardais les potentiels candidats à une sélection, on ne peut pas dire que nous ayons autant de poids lourds qu'en 2016. Je ne sais pas quels chevaux pourraient accompagner Kevin Staut, Pénélope Leprevost, Roger-Yves Bost, Philippe Rozier et Simon Delestre, si je ne cite que les cavaliers de Rio, car ils ont beaucoup de chevaux et pas forcément un cheval qui se détache. Je pense que Mathieu Billot aurait peut-être pu être un candidat avec son gris (Quel Filou, ndlr), et peut-être Nicolas Delmotte. Rien n’est impossible car c’est sur la piste que ça se joue, donc ce ne sont pas des conclusions. Et je n'oublie pas que l’année supplémentaire due au report des JO est bénéfique pour l’équipe de France car les chevaux vont avoir le temps de mûrir. 



“Depuis le temps que McLain Ward court après un titre, il le mériterait!”

Qui aurait été le cavalier favori ? 

Je pense déjà à McLain Ward. Depuis le temps qu’il court après un titre, il le mériterait, et il a les chevaux pour! Steve évidemment, ainsi que Martin Fuchs, auraient été favoris. Je peux également citer Ben Maher parce que son cheval Explosion est incroyable. En plus, il va être frais comme un gardon! Dans mes petits papiers, j'ai aussi noté Grégory Wathelet, Darragh Kenny et Daniel Deusser. Ce dernier a tellement de chevaux que je ne sais même pas avec qui il comptait y aller!

Qui auraient été les cavaliers outsider?

Danielle Goldstein, qui a gagné plusieurs Grands Prix 5* ces dernières années, aurait pu en être. Elle est très étonnante. En plus, les scores repartent à zéro dans la finale individuelle des JO donc tout est possible! Et puis, ça ferait parler dans les médias avec un tel style! Jérome Guéry aussi aurait pu être l'outsider. J'ai vu son formidable Quel Homme de Hus sauter au CSI 5* de Doha et je l'ai adoré. D'ailleurs, nous étions rentrés ensemble dans la navette et je lui ai dit qu’il avait une carte à jouer car son cheval était super.

Qui aurait vraiment mérité d'être médaillé d'or ? 

McLain Ward, mais il fait déjà partie des favoris. Pedro Veniss également, parce que je l’adore et qu’il le mérite. Nous avons tous été émus par l’histoire de Nick Skelton, qui avait raté de peu le podium aux JO de Londres avant d'être sacré champion olympique à Rio quatre ans plus tard ; ce sont de belles histoires. Rien que pour l'histoire, mais aussi parce qu'elle le mériterait, Laura Kraut fait partie de ces cavaliers à qui je l'aurais souhaité. Mais il y en a tellement d'autres!

Quel cheval aurait créé la surprise ?

Très honnêtement, c'est plus compliqué de juger les chevaux que les cavaliers. Lorsque j’étais jeune, il y avait de véritables légendes dans notre sport, comme Carthago, Baloubet du Rouet, Thor des Chaînes, Rochet M... Aujourd’hui, le système est tel que les cavaliers comptent au moins quatre ou cinq très bons chevaux dans leurs écuries et qu'ils en changent quasiment tous les mois. Ils sont très peu aujourd'hui à sortir du lot. C'est dommage car le cheval est quand même au cœur du dispositif et du principe du sport. L’évolution de l'élevage et de la formation est impressionnante ; il y a de plus en plus de très bons chevaux.