Beauville Z ou l’ascension inattendue d’un modeste cheval formé en France

Beauville Z est l’un des atouts de Maikel van der Vleuten pour les prochains Jeux olympiques. À dix ans, le hongre peut se targuer d’avoir déjà un palmarès bien fourni au plus haut niveau. Il y ailleurs ajouté une nouvelle victoire en Grand Prix, lors du CSI 3* de Lierre le week-end passé. GRANDPRIX revient sur la formation du bai en France, sous la selle de Jean-Sébastien Ochin puis Maxime Rius. Les deux cavaliers ont évoqué avec passion un cheval discret, possédant une volonté de bien faire hors-norme. 



Beauville Z sous la selle du Néerlandais Maikel van der Vleuten, lors du CSI 5* de Bruxelles en 2019.

Beauville Z sous la selle du Néerlandais Maikel van der Vleuten, lors du CSI 5* de Bruxelles en 2019.

© Scoopdyga

Vainqueur du Grand Prix du CSI 3* de Lierre le week-end passé, Beauville Z n’a pas perdu ses bonnes habitudes malgré la pause forcée des compétitions. À tout juste neuf ans, ce fils de Bustique s’est révélé aux yeux du monde entier en signant une saison 2019 remarquable, couronnée par quatre victoires en Grand Prix, dont celui du Longines Global Champions Tour de Monaco en juin, mais aussi l’étape de la Coupe du monde de La Corogne en décembre. Associé au Neerlandais Maikel van der Vleuten depuis mars 2018, le KWPN s’est classé très rapidement dans des épreuves à 1,45m en CSI 5*.

“À six ans, à Verquigneul (62), il a gagné l’épreuve dédiée chevaux étrangers devant de sérieux concurrents. Même si je ne savais pas jusqu’où il pourrait aller, j’ai alors su qu’il serait compétitif”, se souvient Jean-Sébastien Ochin, son premier formateur. Pas franchement spectaculaire, Beauville Z a évolué avec discretion en Cycles Classiques à quatre, cinq et six ans, où “il sautait de façon correcte et intelligente” selon Jean-Sébastien. “Les gens ne savent pas que ce cheval a été formé en France jusqu’à l’âge de six ans, comme beaucoup de chevaux”, constate Maxime Rius, avec qui Beauville a fait ses débuts en concours internationaux en 2016.

Rien ne prédestinait vraiment Beauville à devenir le crack qu’il est aujourd’hui, même si une belle étoile semblait planer au-dessus de celui qui est né aux Pays-Bas, chez Pascal Habets, en 2010. “Son éleveur ne l’appréciait pas, le trouvant trop caractériel et joueur”, précise Jean-Sébastien Ochin, qui l’a découvert à trois ans en Belgique. “Son achat est une sacrée histoire”, débute le Nordiste. “Je l’ai acheté à une marchande. Cette dame est assez spéciale et très critique envers les chevaux. Or quand je l’ai appelé pour Beauville, elle m’a dit qu’elle le trouvait extraordinaire, et m’a confié avoir aimé trois chevaux dans sa vie: le premier a concouru sur le circuit de la Coupe du monde, le deuxième a été sélectionné en Coupes des nations et le troisième était Beauville. J’ai pris cela en compte, mais j’ai surtout apprécié le cheval, qui sautait plutôt bien en liberté. Il était respectueux, ce qui était sa plus grosse qualité selon cette dame.” Ce que confirme Maxime Rius, trouvant que le cheval “avait l’air très intelligent. Il sautait très bien les combinaisons et avait une bonne technique des antérieurs.”



“Beauville progressait à chaque parcours”, Maxime Rius

Beauville Z à cinq ans, sous la selle de Jean-Sébastien Ochin.

Beauville Z à cinq ans, sous la selle de Jean-Sébastien Ochin.

© Collection privée

Après avoir été débourré et castré par Jean-Sébastien Ochin, Beauville a fait ses débuts sur le circuit SHF, où personne ne l’a vraiment remarqué car évoluant dans l’ombre de son compagnon d’écurie, Casque Bleu, un étalon fils de Chacco Blue. “De Beauville, on disait qu’il était sympa mais que le crack était Casque Bleu. Honnêtement, j’ai toujours dit que Casque Bleu sautait bien et avec style, mais que Beauville était tout à fait correct aussi”, confie-t-il. “Il avait beaucoup de sang et n’était jamais fatigué, même après trois jours de concours.” Malgré tout, il évolue avec succès et se caractérise par sa bonne volonté. “À chaque concours, il réalisait des parcours sans faute ou avec quatre points. Il n’y a jamais eu de catastrophe. J’ai pu expliquer chacune de ses erreurs, et je me souviens très bien qu’il n’a jamais fait une faute gratuite.” Le cavalier évoque aussi un sacré personnage: “J’ai des boxes à la maison, et le seul qui a réussi à en sortir, faire du bruit toute la nuit à gratter aux portes et jouer avec tout ce qu’il trouvait, c’était Beauville. Il était toujours attentif à son environnement, jamais inactif.”

Maxime Rius est le premier à repérer Beauville, en juin 2016 lors du concours Jeunes Chevaux sur herbe de Compiègne, et demande à l’essayer au haras de Wisbecq, où il s’entraînait alors. “Je me souviendrai toute ma vie de la réaction de Jean-Sébastien à ce moment. Il était vraiment content que quelqu’un s’intéresse enfin à son cheval, qu’il trouvait bon mais dont personne ne voulait!”, rigole-t-il encore. “Lors de l’essai, nous avions mis un parcours à 1,40m et Beauville s’est baladé. Il y avait notamment un gros triple, avec un oxer assez large au milieu. Il n’avait jamais sauté cela car je ne l’avais jamais testé sur de la hauteur. La première fois, il a sauté le triple en faisant une petite touchette sur l’oxer, alors il est revenu. À chaque passage, il sautait de mieux en mieux”, détaille Jean-Sébastien Ochin. Un sentiment confirmé par Maxime Rius, pour qui ce fut “une bonne surprise. Il était meilleur que ce que j’avais vu en vidéo et à Compiègne.” À la suite de cet essai concluant, Maxime Rius et Frédéric Bouvard ont acquis Beauville, dont les résultats continuent de faire la fierté du duo.

Bien que n’ayant pas le meilleur équilibre ni la meilleure bouche selon Maxime, qui a affiné le choix de son mors après avoir débuté en mors simple – Jean-Sébastien confiant lui que le choix d’utiliser un pelham à six ans avait permis l’évolution positive de la technique de saut de Beauville – le hongre se révèle être un bon élève. “Je l’ai peu monté”, explique Maxime. “J’ai dû réaliser à peine une dizaine de parcours mais il progressait à chaque tour. C’est d’ailleurs pour cela que je ne l’ai pas gardé longtemps!” En effet, l’opportunité de le vendre s’est rapidement présentée, à l’issue de leur seconde compétition internationale à Kronenberg. Beauville a rejoint l’Espagnole Gabriela Roger Ibars, élève d’Éric van der Vleuten – le père de Maikel – via le marchand belge François Mathy, à la fin de son année de six ans. Prenant de l’expérience avec l’amazone sur des CSI 2*, Maikel a pris les rênes du hongre lorsque cette dernière a connu plus de difficultés, avant de le conserver sous sa selle.



“Beauville a réalisé mon rêve”, Jean-Sébastien Ochin

“Cet hiver, j’ai discuté avec Maikel, qui me disait être ravi du cheval. D’ailleurs, les résultats parlent d’eux-mêmes! Il pensait lui donner sa chance cette année pour les Jeux olympiques”, révèle Maxime Rius, qui suit avec attention l’évolution de son ancien protégé. “L’année dernière, il le trouvait trop jeune pour aller aux Européens de Rotterdam. Le report des JO joue en tout cas en sa faveur car Beauville aura alors onze ans.” Il y a fort à parier que Maikel et son bai iront prochainement aux championnats nationaux avec l’objectif de prendre de l’expérience sur ce type de format, avec l’échéance japonaise dans un coin de la tête. “Beauville est tombé dans les meilleurs mains. Les van der Vleuten sont des gens de chevaux exceptionnels” ajoute le cavalier. 

“Maintenant qu’il est à haut niveau, je peux dire que je ne suis qu’à moitié surpris, mais je ne pensais tout de même pas qu’il serait un tel crack”, précise Jean-Sébastien Ochin. “Entre un jeune cheval de six ans qui saute 1,30m et un qui concourt dans des épreuves à 1,60m, il y a quelques étapes à passer. Il y a beaucoup de chevaux à qui l’on prédit un destin olympique, et à la fin cela ne se fait jamais. Finalement, c’est plutôt grâce aux chevaux comme Beauville que naissent les bonnes histoires”, complète Maxime Rius.

“Quand j’ai commencé dans ce milieu, mon rêve était de voir un cheval que j’ai monté à la télévision lors d’une étape de la Coupe du monde. Beauville a réalisé mon rêve, et plus encore car j’en ai été propriétaire et je l’ai formé”, révèle Jean-Sébastien, qui prône la patience avec les jeunes sujets. “Les cavaliers français ont une certaine patience dans le travail. J’envisage la formation des Jeunes Chevaux en cherchant à leur donner de bonnes expériences, sans vouloir me qualifier à tout prix pour la finale de Fontainebleau. Je laisse personnellement aussi beaucoup de temps aux chevaux pour se développer. Par exemple, à quatre ans, Beauville toisait 1,64m, et un an plus tard en revenant du pré il mesurait pratiquement 1,70m (officiellement 1,68m, ndlr). Je me souviens d’une fois où je l’ai rentré aux écuries et mon ancien patron m’a dit que mon cheval était devenu un homme!”, conclut-il.

Retrouvez le parcours sans faute de Maxime Rius et Beauville Z au CSI 2* de Kronenberg en octobre 2016