Pour Grégory Wathelet, tout a commencé avec Miss Mary, une Trotteur à qui il a tout appris

Qu'ils collectionnent les honneurs ou multiplient les victoires, chaque champion garde en tête le souvenir d'un cheval qui, à défaut d'avoir marqué leur carrière avec un titre ou les esprits, a joué un rôle dans leur chemin vers le succès. Champion d'Europe par équipes à Rotterdam l'an passé, médaillé d'argent en individuel quatre ans plus tôt à Aix-la-Chapelle, où il a également remporté le mythique Grand Prix en 2017, Gregory Wathelet a accepté de revenir sur les prémices de sa carrière avec une jument pas comme les autres. Pour GRANDPRIX, l'ancien partenaire de Conrad de Hus a rendu hommage à Miss Mary. 



Ici, Miss-Mary avec la cavalière qui a succédé à Gregory Wathelet.

Ici, Miss-Mary avec la cavalière qui a succédé à Gregory Wathelet.

© DR

Quel cheval a marqué vos débuts en tant que cavalier? 

Lorsque j’étais jeune, j'ai eu une jument un peu particulière qui a beaucoup compté pour moi. C’était une petite Trotteuse baie foncée et assez jolie, du nom de Miss Mary. Elle ne fait pas du tout partie de ceux qui m'ont mis en avant, d'autres chevaux l'ont fait, mais elle m'a beaucoup appris et représente une grande étape dans ma vie de cavalier, avant même que ma carrière ne débute. 

Quelle est son histoire ? 

Alors que je commençais tout juste à monter à cheval, mon père a ramené cette jument qu’il avait acquis pour une bouchée de pain lors d’une vente. Elle avait trois ans, n’était pas débourrée et complètement sauvage. Seul, du haut de mes dix ans, j’ai entrepris de la monter afin de pouvoir l'entraîner. Au départ, j'avais beaucoup de mal à la faire galoper puisque ce n’était évidemment pas son allure de prédilection, mais j’y suis arrivé par le travail et avec du temps. Le fait qu’elle n’ait jamais participé à des courses de trot avant d’arriver chez nous m’a probablement facilité la tâche. Ensemble, nous sommes partis de zéro et avons évolué jusqu'à pouvoir participer à des concours de niveau régional dans lesquels nous avons remporté de nombreuses victoires. Nous avons même été jusqu'à participer à des Grands Prix Poneys à 1,25m ou 1,30m. Pour moi, à l’époque, c’était comme faire Aix-la-Chapelle aujourd’hui! C’était une jument atypique car elle avait des attitudes de Trotteur mais un instinct inné face aux barres, ce qui, il me semble, a pendant un temps intéressé les éleveurs qui ont tenté de croiser des Trotteurs avec des chevaux de sport, bien que j’ignore si cela a eu du succès. Dans un double à deux foulées, il pouvait lui arriver de repasser au trot et de sauter l’obstacle derrière, ce qui témoignait tout de même d’une réelle qualité à l’obstacle. 

À dix ans, étiez-vous capable de débourrer et entrainer un cheval vous-même? 

Cela a été très difficile et comme j’étais jeune, j’ai fait des tas d’erreurs. Il a pu nous arriver de prendre le van pour aller monter dans un manège et prendre quelques cours, mais c’était toujours compliqué avec elle car elle n’avait pas de bases. De manière générale, j’ai tout fait tout seul. À la maison, nous n'avions pas de piste pour travailler, alors je mettais mes bottes de fermier et j'allais la monter dans la prairie qui se trouvait derrière chez moi et je trouvais des pneus de tracteur sur lequel je plaçais un morceau de bois pour essayer de sauter. J’ai tout de même beaucoup souffert avec elle au début car elle était compliquée, dérobait et m’en faisait voir de toutes les couleurs. Mais souvent, ce sont à ces chevaux là que l’on s’attache le plus! Cette jument, comme d’autres par la suite, a fait mon école puisqu’elle m’a permis de savoir me débrouiller avec toutes sortes de chevaux, dont certains bien plus compliqués, voire dangereux! Miss Mary, elle, n’était pas facile mais elle était foncièrement gentille. 

Parvenir à ce niveau grâce à un tel parcours et avec un tel cheval était-il, à l’époque, aussi insolite que cela le paraîtrait aujourd’hui? 

Beaucoup moins! C’était quelque chose de plus courant car le sport n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, nous fonctionnions avec les moyens du bord. Je caricature, mais à l’époque c’est tout juste si nous ne mettions pas les chevaux dans une bétaillère pour aller en concours dans le petit manège du coin. Aujourd’hui, il est toujours possible de tout faire soi-même, mais je pense que si l’on mettait un cheval qui ne sait rien faire entre les mains d’un jeune qui veut commencer la compétition, il serait découragé d’avance car on dispose aujourd’hui de bien plus de facilités vers lesquelles se tourner. Il y a trente ans, on prenait ce que l’on nous donnait et on était content. Personnellement, je pense que c’est ce qui m’a permis d’être là j’en suis aujourd’hui, mais on ne peut pas comparer les époques. 

Justement, cette jument a-t-elle influé de quelque manière que ce soit sur la suite de votre parcours équestre? 

C’est difficile à dire car il s’agit d’une période de ma vie à laquelle je ne me voyais encore en aucun cas faire de l’équitation mon métier. Toutefois, comme je l’ai toujours dit, chaque cheval et chaque personne que j’ai côtoyée à un moment de ma carrière a contribué à mon ascension, alors elle aussi, inévitablement, bien que je ne saurais pas dire dans quelles mesures.

Qu'est-elle devenue? 

Lorsque je suis devenu trop grand pour participer aux épreuves Poneys, nous l'avons vendue à une fille pas loin de chez nous avec laquelle elle a eu une belle fin de carrière en continuant les concours pendant quelques années avant d'être mise à la retraite. Il n'y a pas longtemps, j'ai vu passer l'information qu'elle était décédée, ce qui ne m'a pas tellement étonné puisqu'elle aurait aujourd'hui trente-quatre ans.