“Après la Chasse des JEM de Caen, tout le monde savait qui j’étais”, Bertram Allen

Durant tout l’été, GRANDPRIX retrace les succès et des défaites fondatrices de grandes carrières et qui ont marqué l’histoire des sports équestres. Cette semaine, retour sur la victoire du prodige irlandais Bertram Allen lors de l’épreuve d’ouverture des Jeux équestres mondiaux de Normandie en 2014. Associé à la rapide Molly Malone V, celui qui était alors le plus jeune des concurrents avait devancé pas moins de cent-cinquante-et-un autres cavaliers. 



2 septembre 2014, dans le stade Michel d’Ornano de Caen. Les Jeux équestres mondiaux (JEM) de Normandie s’ouvrent pour les cavaliers de saut d’obstacles. Cent-cinquante-deux concurrents s’élancent pour la Chasse, traditionnelle épreuve de vitesse en ouverture. Et à la fin, c’est le plus jeune qui gagne ! En effet, l’Irlandais Bertram Allen s’impose du haut de ses dix-neuf printemps, en compagnie de Molly Malone V. C’est à toute vitesse, en 77’’01 précisément, qu’il a conclu le parcours de quatorze obstacles conçu par le chef de piste français Frédéric Cottier, devançant d’ailleurs de dix-sept centièmes un certain Patrice Delaveau avec Orient Express HDC, futurs double vice-champions du monde.?“J’étais confiant en allant aux JEM, après notre victoire exceptionnelle dans le Grand Prix du CSIO 5* de Dublin. J’ai apprécié cette victoire et gagner devant les meilleurs!, confie l’Irlandais, quatre ans après. 

Il faut dire que même pas trois semaines plus tôt, ce couple cent pour cent irlandais – en plus d’être une jument de sport irlandais, Molly Malone est aussi le nom l’hymne officiel de Dublin – s’est imposé devant son public, à Dublin, pour ce qui reste encore aujourd’hui la plus grande victoire du cavalier représentant le pays du trèfle. 

Caen a néanmoins été témoin de l’entrée fracassante du couple dans ces JEM, pour ce qui était alors leur premier championnat Séniors. Une première sélection avec l’élite abordée dans le calme par le flegmatique Bertram, qui explique avoir été “très relax. J’avais connu une très bonne saison, donc j’avais confiance en moi et en Molly. Je me suis préparé comme je le fais pour n’importe quel concoursElle était de toute manière en très grande forme donc je n’avais pas besoin de changer quoi que ce soit.” Lucide, le cavalier s’attendait évidemment à trouver un parcours impressionnant pour ce championnat du monde. Outsider, le couple fait parler sa vitesse. Nous n’étions pas parmi les favoris, et gagner n’était pas le plan. Je voulais juste réaliser un bon tour, pour être ensuite en bonne position pour la suite de la compétition, se remémore Bertram. 

Après l’épreuve, l’Irlandais avait alors déclaré que sa “jument a sauté de manière fantastique. Les foulées sont très bien venues et nous avons pu réaliser un très bon parcours, donc je suis aux anges! Elle a déjà pas mal d’expérience en vitesse et nous nous connaissons très bien. Nous savons donc ce que nous pouvons faire ou non, et aujourd’hui était un bon jour.” 

 



“Je me suis très vite concentré sur le jour suivant”

À la question de savoir si sa jeunesse et celle de Molly, alors âgée de dix ans, était un désavantage, sa réponse dégage sérénité et pragmatisme“Cela peut-être un avantage et un inconvénient, cela dépend de la façon dont on le prend. Nous avons essayé de faire notre mieux. Je n’y ai pas pensé plus que ça.” 

Le cavalier avoue cependant avoir été marqué par “la piste pleine (pendant la reconnaissance, ndlr), avec tous ces cavaliers. Nous étions nombreux dans l’épreuve, qui a duré presque toute la journée.” Parti en quarantième position, le couple a tenu la tête pendant un long moment avant de se voir annoncé vainqueur. “J’ai regardé certains parcours, notamment ceux de mes coéquipiers qui sont passés après moi. (Darragh Kenny s’était élancé en tête pour l’Irlande avec Imothep avant Bertram et Molly. Suivaient ensuite Denis Lynch avec All Star 5 puis Cameron Hanley avec Antello Z, ndlr). C’était forcément un très bon sentiment de savoir à la fin de la journée que j’avais gagné. J’étais fier de Molly et je me suis très vite concentré sur le jour suivant, raconte le cavalier. Aborder la suite d’une compétition de cette importance en tête aurait pu impressionner un aussi jeune homme. Que nenni. D’un naturel posé, c’est avec une pression positive qu’il est revenu sur la piste. C’est mieux que cela soit comme ça que l’opposé!, rigole-t-il. 

Pour une première échéance à ce niveau, le couple finira finalement à la septième place par équipes et en individuel, concédant une barre dans chaque manche par équipes et signant une très bonne finale avec un point de temps dépassé au total des deux actes. Une déception? C’est évident que dans un championnat, on a toujours envie d’être le meilleur et de remporter une médaille, répond Bertram. Aujourd’hui, avec le recul, c’est vraiment un bon résultat. Puis il me reste encore quelques années pour en décrocher une! 

 



“Molly est une vraie battante”

Cette victoire en ouverture, Bertram aura attendu la fin des Mondiaux pour la célébrer, ajoutant qu’ils restent d’ailleurs un très bon souvenir. Il y avait une belle atmosphère dans ce grand stade, et un public avisé. Forcément, Molly a également apprécié.” Les JEM ont également mis en lumière Bertram aux yeux de tous, cavaliers comme spectateurs. Cette victoire m’a propulsé sur le devant de la scène. Bien sûr, j’avais déjà concouru en CSI 5* et certains me connaissaient déjà. Après cela, tout le monde savait qui j’étais.” 

Pour les initiés, cette première place lors d’une épreuve de vitesse n’était peut-être pas si surprenante. À de nombreuses reprises, l’Irlandais s’était mis en avant à l’occasion de compétitions dédiées à la relève, comme lors de son titre de champion d’Europe Poneys en 2010 avec Cassandra van het Roelhof. Il fait depuis de la vitesse sa marque de fabrique. D’ailleurs, quelques mois plus, il récidive avec sa fidèle grise, cette fois lors de la Chasse de la finale de la Coupe du monde de Las Vegas, en 2015. “Encore une fois, Molly a été très rapide dès le premier jour. Las Vegas a été un autre de nos brillants résultats”, analyse l’Irlandais. Le couple terminera cette fois la compétition sur le podium, à la troisième place. Un résultat parmi toutes les premières places et accessits obtenus tout au long de leurs sept années en compétition. Le couple a été redoutable lors des épreuves de vitesse et barrages. “Pour gagner ce que Molly a gagné, un cheval doit avoir tellement de qualités. C’est une vraie battante, naturellement rapide”, témoigne-t-il. 

Retirée des compétitions depuis un an, Molly vit sa retraite en France. Aujourd’hui, elle va très bien. Elle est dans le même haras que Romanov (le haras ligneux, dans l’Ain, ndlr). Après avoir arrêté la compétition, elle est restée un long moment avec nous, jusqu’à ce qu’elle décroche complètement du rythme qu’elle connaissait, explique Bertram. Elle est définitivement la jument de ma vie et occupe vraiment une place spéciale pour moi, conclut-il en hommage à cette grise qui l’a révélé aux yeux de tous. 

Pas encore vainqueur, Bertram Allen avait accordé une interview aux caméras de la Fédération équestre internationale à l’issue de son parcours sans faute dans la Chasse