“Il va y avoir du très beau sport au Longines Deauville Classic”, Grégory Bodo

Chef de piste de renommée internationale, Grégory Bodo retrouvera les concours avec plaisir la semaine prochaine, après deux mois de confinement et l’annulation des plus grosses échéances de l’année, à l'occasion du Longines Deauville Classic, où il officiera comme constructeur du CSI 3*. Pour GRANDPRIX, le Français évoque cette piste si particulière du pôle international du cheval Longines de Deauville, avec cette année un casting digne d'un CSI 5* pour cette quatrième édition qui se tiendra du 13 au 16 août.



Vous allez être le chef de piste du prochain Longines Deauville Classic qui se déroulera la semaine prochaine. Avez-vous hâte de retrouver la piste du pôle international du cheval Longines? 

Oui, j’ai vraiment hâte d’y retourner. Cela fait un an que je n’y suis pas allé. Habituellement, j’y travaillais deux à trois fois par an sur le site de Deauville. Mais, cette année j’interviendrai ici qu’une seule fois en raison de l’épidémie du coronavirus. J’adore me rendre là-bas car le site de Deauville est, par sa nature, vraiment approprié pour recevoir ce genre de manifestation hippique. Et qui plus est, quand GRANDPRIX Events est au manettes de l’organisation, le site devient méconnaissable. Il est à chaque fois mis en valeur d’une manière exceptionnelle!

Comment préparez-vous la compétition et avez-vous déjà terminé les plans des parcours? 

À vrai dire, j’ai déjà travaillé en amont de manière très épisodique sur le tracé des parcours des courses. À ce stade, je n’ai préparé pour l’instant que les épreuves majeures par jour, donc les épreuves qui sont dites qualificatives pour le Grand Prix. C’est le noyau dur des journées. Ce qui me permet aussi de pouvoir faire monter en puissance le niveau de difficulté et le dosage que je vais préparer pour qualifier les meilleurs. Ce sera très difficile parce que la particularité, cette année, est que nous avons un plateau exceptionnel. Un plateau que nous n'avions jamais eu pour un CSI 3*, ce qui est fantastique! Franchement, c'est de très bon augure et il va y avoir du très beau sport. Pour moi, cela va être assez compliqué dans le sens où nous serons face à un plateau de chevaux et de cavaliers très relevés. C’est-à-dire que nous sommes à la limite d’un concours 4* ou 5*. 

Vous allez donc devoir hausser le niveau? 

Bien sûr que j’ai à l’esprit qu’il y aura la présence des meilleurs pilotes qui sont dans le top 25 du classement mondial, mais il faut quand même garder à l’esprit que cela reste un CSI 3*. Il ne faut pas l’oublier! Ce qui fait la différence, ce sont les dotations à la fin et le niveau des chevaux parfois. Donc je vais l’aborder en me disant qu’il faudra un peu corser la difficulté tout en restant dans le respect du cheval, ce qui est évident. Il ne faut pas non plus oublier les autres cavaliers. Il y a un compromis entre certains cavaliers engagés : certains sont totalement prêts pour sauter 1,50m, donc du niveau 3*, et certains seront là pour aguerrir leurs chevaux sur ce niveau d’épreuves ou bien pour prendre de l’expérience. Ou même se faire voir par les sélectionneurs nationaux présents en vue des grandes échéances futures. Ce n’est pas parce que les cavaliers qui ont l’habitude de courir du 5* seront présents que nous devons changer l’aspect et la configuration du concours. Tout va se jouer selon deux paramètres : le temps accordé et le métrage du parcours, qui seront peut-être un peu plus serrés. Je vais ensuite composer des lignes un peu plus techniques. Je vais essayer d’alléger au maximum pour essayer, comme je le dis habituellement, de créer des fautes un peu partout : des petites fautes naturelles comme je les appelle. En fait, il ne faut pas perdre la tête et partir sur des choses qui ne correspondent pas à un concours 3*. Mais ce sont des paramètres auxquels les cavaliers sont habitués, car cela fait partie du nouveau sport et des nouvelles règles de base. 

Quelles sont les particularités de la piste du pôle international du cheval Longines de Deauville? 

C’est vrai que cette piste est tout à fait particulière. Cela fait cinq ans que je travaille là-bas. J'ai plusieurs fois assisté à des vues aériennes du terrain, afin de prendre connaissance de l’environnement et de la topographie, et on s’aperçoit que la piste est en forme de D, pour Deauville. Donc il n’y a qu’une seule partie qui est véritablement droite. Tout le reste se joue sur de la courbe, donc ce n’est pas un vrai rectangle comme nous avons l’habitude de voir, ce qui est délicat. C’est ce qui fait la typologie même du concours de Deauville. Alors, bien sûr que je suis obligé de le prendre en compte et ce n’est d’ailleurs pas toujours facile à tracer parce qu’il n’y a pas de barrière qui vous donne des repères pour poser les obstacles, pour effectuer de vraies lignes droites… Mais je pense que ça peut rendre les choses un peu plus subtiles et délicates. Après, c’est une piste que je connais bien désormais, donc je n'ai pas rencontré de problème particulier. Ce qu’il faut savoir également, c’est que dans le cadre du Longines Deauville Classic, tout le contour de la piste sera complètement métamorphosé. Il y aura déjà deux lacs - et un petit et un moyen - sur le terrain, et un environnement externe vraiment changé. Les tentures, les bannières publicitaires, le coin VIP... Toutes ces choses changent complètement la donne, y compris pour les chevaux qui sont habitués à venir à Deauville.



“Forcément, j'ai les JO de Paris dans un coin de ma tête”

Comment avez-vous vécu le confinement imposé par la pandémie de Covid-19, puis la reprise progressive des concours? 

Pour être honnête, ça a été très difficile au début puisque j’avais un programme qui était relativement chargé et très motivant pour moi. J’avais en perspective la finale de la Coupe du monde à Las Vegas, plusieurs concours 5* comme Hong-Kong ou Lausanne, deux étapes du Longines Global Champions Tour... Et pour finir, bien sûr, la cerise sur le gâteau : ma participation comme assistant aux Jeux olympiques de Tokyo (aux côtés de Santiago Varela, chef de piste désigné, ndlr). Donc j’avais pas mal de beaux rendez-vous de prévus. Comme tout le monde, j’ai eu une période de trois semaines où j'ai perdu tous mes repères. Mais très vite, j’ai changé ma façon de voir les choses en me recentrant sur l'essentiel, sur les choses qui existent autour de nous mais que nous n'avions plus l'habitude de voir. Cela m'a aussi permis de constater des choses au niveau familial et sur moi-même aussi. C’est-à-dire faire attention et prendre du temps pour soi, en faisant du sport ou en se promenant par exemple, ce qui m'a énormément fait de bien. Pour avoir discuté avec quelques cavaliers, cela a été le cas pour beaucoup de monde. Puis, quand le déconfinement a été annoncé, je peux vous dire que le téléphone n’a fait que sonner pour des reprises de concours. J’ai d’abord repris avec quelques concours Jeunes Chevaux de la SHF. Cela faisait plus de dix ans que je n’avais pas construit dans ce type de concours! 

Où avez-vous officié depuis la reprise? Comment cela s’est passé? 

J’ai commencé avec trois concours Jeunes Chevaux à Cluny, Sainte-Cécile et Dole. Pour les internationaux, je suis allé au Mans, Sainte-Cécile et Saint-Tropez. J’espère donc que cela va continuer dans cette dynamique pour la fin d’année, puisqu’à partir de mi-aout jusqu’à la fin de l’année, le programme est bien chargé. Donc oui je suis très satisfait de la reprise. Cela a été particulier lors des concours SHF car nous nous sommes demandés comment vont réagir les chevaux lors des premiers concours. Finalement, j’ai été très agréablement surpris de cette forme de maturité que pouvaient avoir les jeunes chevaux. Je pense qu’ils sont revenus en concours beaucoup moins verts qu’ils auraient pu être si on avait débuté la saison au mois d’avril. Donc, cette période a d'un côté porté ses fruits et a apporté un soupçon de positivité pour les jeunes chevaux car ils ont été mieux préparés. 

En décembre, vous avez été promu chef de piste niveau 4, ce qui signifie que vous pouvez désormais officier en championnats internationaux. Quelles sont vos ambitions désormais?

Il faut savoir que cette distinction de niveau quatre est honorifique, décernée par la Fédération équestre internationale sur proposition de la Fédération française d’équitation. C’est le comité de saut d'obstacles de la FEI qui délivre ou non l’accord. Cette distinction permet de rentrer dans ce panier très resserré des chefs de pistes les plus reconnus au monde. Actuellement, nous devons être une trentaine. Nous sommes deux en France à avoir la distinction et à être actifs, avec Frédéric Cottier. À propos de mes ambitions, tout le monde le sait puisque l’on m’interroge très souvent là-dessus, mais il paraitrait que je suis pressenti pour Paris 2024. Mais je ne veux pas brûler d’étapes et garder la tête très froide. Il n’y a aucun affolement. Je sais juste qu’il faut continuer à travailler de manière continue tous les jours en respectant notre sport et les chevaux. Je pense que nous avons encore quelques années devant nous. Forcément, j’ai cette échéance dans un coin de la tête, mais vous ne me verrez jamais épiloguer là-dessus du matin au soir. Ce serait de toute façon la pire des choses! Comme je l’ai déjà dit, il faut laisser le temps au temps. Il faut savoir apprécier les choses et rester modeste.