Casall, l'étalon de tous les superlatifs
Même s’il lui manquera toujours un titre ou une médaille individuelle, Casall Ask, multimillionnaire par les gains en compétition avec le Suédois Rolf-Göran Bengtsson, fait preuve d’une magnifique longévité en étant encore capable de s’imposer dans les plus beaux Grands Prix à l’âge de dix-sept ans. Alors qu’il mettra un terme à sa carrière en mai à Hambourg, non loin de son lieu de naissance, la production de ce fils de Caretino en fait l’un des meilleurs étalons du moment, et semble lui assurer une destinée de chef de race.
Casall sera-t-il l’étalon du siècle? En tout cas, il semble emprunter cette voie. Alors que sa première génération de produits est âgée de dix-sept ans, le Holsteiner s’est déjà hissé à la troisième place du classement 2019 des meilleurs pères de gagnants internationaux en saut d’obstacles, édité par la Fédération mondiale de l’élevage de chevaux de sport (WBFSH). Une ascension fulgurante, puisqu’il a intégré le top cent mondial en 2012 alors que ses tout premiers produits venaient d’atteindre l’âge de neuf ans et d’arriver à haut niveau. L’année suivante, il s’est hissé d’un seul coup à la seizième place, puis à la quatorzième en 2014, et à la neuvième en 2015 et la quatrième en 2016. Une réussite exceptionnelle dont se félicite Norbert Boley, directeur de l’étalonnage du stud-book Holsteiner: “Aucun autre étalon du Holstein n’a joué un rôle aussi important dans l’élevage et dans le sport à un si jeune âge. Casall est exceptionnel pour un ensemble de facteurs: ses performances personnelles et les succès de ses produits, mais aussi la production de ses fils et filles qui semble également très prometteuse.”
Pourtant, Casall n’a pas d’emblée connu un immense succès. Certes, il est parvenu à décrocher son approbation à deux ans, mais sans briller ni être primé. “Lors de la présélection de la Körung de 2001, Casall nous a impressionnés par son pedigree, son modèle et sa belle ligne du dessus. C’est pourquoi le Holsteiner Verband l’a acheté à son éleveur avant même l’approbation. Du reste, il est le seul de ce millésime que l’association ait acquis ainsi. Cependant, à Neumünster, il a été tellement impressionné par l’atmosphère qu’il s’y est moins bien présenté que lors de la présélection”, reconnaît Norbert Boley.
Par la suite, ses débuts en concours, confiés au bon service de Gunnar Röhr, écuyer employé de l’association, se sont avérés quelque peu timides. “Casall a pris du retard dans son évolution. Il pouvait se montrer un peu sauvage et fantasque. C’est pourquoi, dès sa fin de saison de cinq ans, nous l’avons confié à Rolf-Göran Bengtsson, autrement dit, nous l’avons mis entre les meilleures mains. Nous voulions savoir jusqu’où Casall pourrait aller: serait-il juste un bon cheval de Grand Prix ou un crack brillant dans les plus grands championnats? À l’époque, les opinions sur Casall étaient assez controversées, mais nous étions convaincus de son potentiel. Nous avons donc pris très soin de lui”, se remémore le directeur de l’étalonnage du Holstein.
UN CROISEMENT BIEN ÉTUDIÉ.
Casall est né à Drelsdorf, un village situé à l’extrême nord de l’Allemagne, à quelques kilomètres de la mer du Nord et non loin de la frontière du Danemark. Son naisseur, Wilfried Thomann, est un éleveur amateur qui a su choisir consciencieusement Kira XVII (Lavall I x Raimond), la future mère du crack: “Je suis passionné de cheval. Jeune, je montais de temps en temps. Je n’ai jamais évolué en compétition parce que ma vie professionnelle ne me le permettait pas. Je me suis lancé dans l’élevage amateur avec une à deux poulinières. L’apprentissage ayant été un peu difficile, j’ai cherché une meilleure jument et commencé à étudierles origines de manière plus approfondie. J’ai visité pas mal d’élevages de la région, presque jusqu’aux portes de Hambourg. J’ai finalement découvert Kira, alors âgée de trois ans, chez Elfriede Bornholdt à Moorrege, au nord-ouest de Hambourg. Pendant une semaine, j’ai réfléchi et bien étudié son pedigree. En tant que descendante de la grande lignée maternelle 890 et demi-sœur de Taura (Lord), qui produisait très bien, j’ai décidé de l’acheter. Kira étant une fille de Lavall I, tous les experts de l’époque se sont moqués de moi parce qu’ils avaient déjà condamné Lavall en tant qu’étalon. De mon côté, j’étais convaincu que l’apport de son sang pouvait être intéressant pour la robustesse, la performance et l’élégance. Préférant les chevaux nobles et chics, je n’aurais pas pu faire mieux! D’ailleurs, la sélection de Caretino comme premier étalon allait dans le même sens. Casall a été le premier produit de Kira. Elle l’a eu dès l’âge de quatre ans. C’était un poulain chic, vif, avec de bons mouvements et facile à manier. Il a aisément obtenu la prime allouée aux poulains.”
Non équipé pour conserver des mâles chez lui, Wilfried Thomann vend Casall au sevrage à Reimer Detlef Hennings, et à son père, Jürgen, décédé depuis, qui ont d’emblée été séduits par le cheval de sport et par le reproducteur: “Dès le début, Casall avait quelque chose de spécial, nous avons toujours cru en lui. Rolf-Göran Bengtsson et lui ont eu bien de la chance de se trouver. Dès le début, nous l’avons beaucoup utilisé avec nos juments. Par exemple, en 2004, nous avons produit Casallo Z, qui a évolué au plus haut niveau avec Piergiorgio Bucci. Sur le plan du sport international, il est exceptionnel qu’un étalon se retrouve à concourir face à ses produits, parmi les meilleurs chevaux de haut niveau.”
Casall est un fils de Caretino, étalon majeur du Holstein, descendant lui-même du très bon Caletto II, malheureusement disparu accidentellement à l’âge de six ans alors qu’il était à l’aube d’une très bonne carrière de reproducteur. Fils du Selle Français Cor de la Bryère - surnommé le “Don de Dieu” par les éleveurs allemands - Caletto II, champion de la Körung du Holstein à deux ans, a engendré plusieurs bons gagnants internationaux, parmi lesquels on retiendra notamment Opérette La Silla, brillante avec le Néerlandais Jan Tops, et surtout Classic Touch, championne olympique individuelle à Barcelone sous la selle de l’Allemand Ludger Beerbaum. Né en 1983, Caretino a connu une carrière beaucoup plus longue que celle de son père, puisqu’il a vécu jusqu’à vingt-huit ans. Bien classé lors du testage des mâles, le bai a fait ses débuts avec Thomas Schöning avant de passer sous la selle du Danois Bo Kristoffersen, actuel associé de Bengtsson, qui l’a hissé jusqu’au niveau Grand Prix international. Ensuite, Caretino a passé une courte période avec Ludger Beerbaum avant de se consacrer exclusivement à ses fonctions de sire dès l’âge de douze ans.
Père de nombreux gagnants internationaux, Caretino a notamment produit de très bons croisements avec des juments amenant le sang du Ps Ladykiller (père notamment de Landgraf I et Lord), dont Ballerina, excellente avec Markus Merschformann, BSC Cavity et Cefalo avec Holger Wulschner, Caridor Z avec Jos Lansink, Catwalk avec Christian Ahlmann, Chika’s Way avec Janne-Friederike Meyer, Chupa Chup avec le Brésilien Bernardo Alves, Conally avec Markus Renzel, Concordija avec le cheikh qatarien Ali ben Khaled al-Thani, Cooper van de Heffinck avec le Belge Olivier Philippaerts, Crocodile Dandy avec l’Américaine Allison Firestone, Jac’Potes avec le Brésilien Doda de Miranda, sans oublier l’inépuisable Cristallo, l'emblématique ancien complice de l’Américain Richard Spooner, et, bien sûr, Casall. Rares sont les très grands gagnants issus de Caretino à ne pas présenter Ladykiller dans leur pedigree. Signalons toutefois Como II, valorisé par la Suissesse Nadja Peter Steiner, ou encore l’exceptionnelle Caretina de Joter, vue avec Pius Schwizer avant d’être acquise par Jan Tops pour Edwina Tops-Alexander.
Kira, la mère de Casall, est donc issue de Lavall I (Landgraf I), réputé pour transmettre un caractère délicat, mais également l’influx de deux très bons Pursang: Ladykiller et Sacramento Song. À travers Maltia, grand-mère de Casall, on retrouve le sang de l’Anglo-Arabe Ramzes (via Raimond), du Pur-sang Korenbleem, ainsi que de Matador, très influent dans le Holstein après la Seconde Guerre mondiale. Cette souche est riche en très bons performeurs et étalons, dont Capone I (Contender), Ares (Éphèbe For Ever), Ringo Starr (Ricardo), Corinessa (Calato) ou encore Berlin (ex-Caspar, Cassini I), très grand gagnant avec le Néerlandais Gerco Schröder. Cette famille maternelle a particulièrement bien produit avec Caretino, puisqu’outre Casall, ce croisement a notamment donné les propres frères Cesano I & II, Conally et Crocodile Dandy.
UN ROI SANS COURONNE.
Quand il arrive sous la selle de Rolf-Göran Bengtsson, Casall est encore assez difficile à gérer, mais le Suédois saura prendre son temps. “Comme Rolf avait d’autres bons chevaux, Casall a eu la chance de pouvoir mûrir avant qu’on lui demande d’utiliser pleinement tout son potentiel. Lors de ses jeunes années, il n’a jamais été surexploité. Rolf a su respecter ses limites”, apprécie Norbert Boley. À six ans, le mâle remporte le titre de champion du Land de Schleswig-Holstein et termine troisième de la finale du Bundeschampionat. Deux saisons plus tard, on le retrouve en finale des CSI Youngsters de Hambourg et Aix-la-Chapelle. À neuf ans, le sire commence à se faire sérieusement remarquer sur la scène internationale avec une victoire dans le Grand Prix 2* d’Aarhus et une deuxième place au CSIO 5* de Falsterbo. L’année suivante, il s’impose dans les épreuves majeures des CSI 3* de Stockholm et Odense, ainsi que dans le Grand Prix secondaire du CSI 5*-W d’Oslo. En 2010, il offre à Bengtsson un beau doublé à Falsterbo, s’adjugeant la Coupe des nations et le Grand Prix, ainsi que le Grand Prix CSIO 5* de Rotterdam et l’étape de Coupe du monde de ‘s-Hertogenbosch. En 2011, le couple gagne ses premiers Grands Prix du Global Champions Tour à Hambourg puis Monte-Carlo, ainsi que l’escale de Coupe du monde de Lyon, et termine vingt et unième de sa première finale de Coupe du monde à Leipzig
L’inoubliable Ninja (KWPN, Guidam x Lys de Darmen) approchant de sa fin de carrière, Casall se retrouve enfin propulsé cheval de tête du Suédois en 2012. Deuxième des étapes du GCT de Lausanne, Cannes et Hambourg, sixième de la finale de la Coupe du monde à ‘s-Hertogenbosch, ce métronome, désormais d’un calme et d’une fiabilité à toute épreuve, est sélectionné pour les Jeux olympiques de Londres. Après avoir offert deux premiers sans-faute à la Suède, le couple concède huit points en seconde manche de l’épreuve par équipes, dont les Scandinaves prennent la sixième place, mais se voit barrer la route de la finale individuelle lors de la seconde visite vétérinaire.
Même si elle ne remporte aucune victoire en 2013, cette paire désormais emblématique se classe deuxième à Lyon et Zurich, en Coupe du monde, et troisième à Vienne dans le GCT. Cette année les voit aussi remporter leur seule médaille dans un grand championnat, le bronze par équipes aux Européens d’Herning. Individuellement, ils terminent quatrièmes, tout comme lors de la finale de Coupe du monde de Göteborg quelques mois plus tôt… puis lors des Jeux équestres mondiaux de Normandie, l’année suivante à Caen - souvenir douloureux pour le cavalier. En cette saison 2014, ils s’adjugent tout de même - excusez du peu! - les Grands Prix 5* de Bâle, Chantilly et Doha, terminant également deuxièmes à Anvers et Monte-Carlo, et troisièmes à Genève.
En 2015, les étapes du GCT de Rome et Londres tombent dans l’escarcelle du Holsteiner, qui se hisse aussi au deuxième rang à Cannes et à la troisième place à Hambourg et Doha, de même qu’à Zurich en Coupe du monde. En 2016, Rolf-Göran Bengtsson lui épargne les Jeux olympiques de Rio, mais continue à le monter très régulièrement dans le Global Champions Tour, établissant soigneusement son calendrier. Se montrant toujours aussi fringant à dix ans, il empoche les étapes de Paris, Valkenswaard et surtout la dernière à Doha, après avoir terminé troisième à Anvers et Monte-Carlo, permettant son pilote de décrocher le jackpot final du circuit après lequel il courait depuis plusieurs années. Après avoir entamé sa tournée d’adieux au CHI de Genève, il remporte son dernier Grand Prix pour sa toute dernière sortie au CSI 5* de Hambourg. En tout, Casall totalise près de 2,5 millions d’euros de gains dans sa carrière, sans compter les bonus engrangés par Bengtsson lors des dernières saisons du GCT, qu’il a achevées aux première, troisième et deuxième places, engrangeant plus de 600000 euros.
Si Casall a obtenu un nombre inégalé de victoires et classements en Grands Prix, son palmarès restera vierge de titre ou de médaille individuelle en grand championnat, ce qui lui manquera sans doute pour être véritablement rangé parmi les compétiteurs de légende. Pour son génial cavalier, il restera sans aucun doute le meilleur cheval de sa carrière. “Casall s’est montré aussi performant en Grands Prix que dans les championnats. Contrairement à Ninja, qui n’était pas très rapide et avait tendance à se précipiter quand je lui demandais d’accélérer, lui reste froid et concentré en permanence, y compris lors des barrages. J’ai toujours pu lui en demander plus. Tant que Ninja était là, Casall n’avait jamais eu la chance de montrer de quoi il était capable en championnat. Quand son tour est venu, il s’est vraiment très bien comporté dans cet exercice. Mon grand regret est d’être passé si près d’une médaille à Caen, mais ma victoire finale dans le Global Champions Tour en 2016 a été comme un rêve devenu réalité. Casall est juste incroyable. Il aimait son travail et la compétition, ce qui a rendu tout cela possible. Ce qu’il a fait pour moi est tout simplement extraordinaire.”
S’il manquera toujours ce petit quelque chose à son palmarès, c’est peut-être dans la légende de l’élevage que le superbe bai est en train de s’inscrire. Alors que ses premiers produits sont nés en 2003 et n’évoluent “que” depuis huit saisons au plus haut niveau, Casall pointe à la troisième place du dernier classement mondial des étalons établi par la WBFSH. Fin 2016, on lui dénombrait une trentaine de produits ayant évolué au plus haut niveau, dont Casallo Z avec l’Italien Piergiorgio Bucci, Casello avec le Suédois Douglas Lindelöw et Ludger Beerbaum, Cita avec l’Irlandais Conor Swail, Cristallo A*LM avec Julien Épaillard, Caracas avec le Belge Jos Verlooy, Powerplay avec le Suisse Pius Schwizer, le Canadien Éric Lamaze et l’Américaine Caitlin Ziegler, Croesus avec le Suisse Beat Mändli, l’Irlandaise Jessica Kürten et l’Allemand Hans-Dieter Dreher, Callisto avec Aymeric de Ponnat et l’Irlandais Cian O’Connor, Casallora avec l’Allemand Lars Nieberg, Celeste 26 avec Nadja Peter-Steiner, BSC Cha Cha Cha avec l’Allemand Holger Wulschner, The Toymaker avec le Qatarien Bassem Hassan Mohammed… sans oublier Chesall Zimequest, impressionnant de régularité avec Simon Delestre et meilleur produit de Casall en 2016.
Jugeant “exceptionnelle” la production de Casall, Norbert Boley, directeur du Holsteiner Verband, préconise cependant “d’éviter de lui amener des juments trop petites et courtes sur pattes. Casall toise 1,67m et ne transmet pas spécialement de taille.” Il reste encore de nombreuses générations à arriver sur les terrains de concours, et l’avenir dira si Casall s’inscrira parmi les étalons de légende. À ce stade de l’histoire, cela semble bien parti!
Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°98.