Quel traitement juridique face aux mutilations d’équidés?

Depuis le début de l’année, en France, on a recensé plus d’une quinzaine de cas de mutilations et d’actes de cruauté envers des équidés, indifféremment de leur race, de leur discipline, de leur sexe, de leur âge ou de leur valeur. Des faits similaires avaient déjà eu lieu, mais à une fréquence moindre, au cours des années précédentes. Cette situation plonge nombre de propriétaires dans l’inquiétude et le désarroi. Quels réflexes juridiques adopter face à de tels actes? Quelles sanctions encourent les auteurs des actes commis? Voici quelques éléments de réponse.



Comment les propriétaires doivent-ils agir?

D’un point de vue préventif et sécuritaire, on ne peut qu’inviter les détenteurs d’équidés à suivre scrupuleusement les recommandations communiquées par la Gendarmerie au niveau national, face à la multiplication des cas ces dernières semaines et à l’alerte donnée par les médias. À ce titre, il est préconisé d’effectuer une surveillance quotidienne des chevaux au pré ; d’éviter de laisser un licol quand l’animal est au pré ; d’envisager la pose, le cas échéant, d’une petite caméra de chasse ; de signaler aux unités de gendarmerie, en appelant le 17, tout comportement suspect à proximité des pâtures (stationnement de véhicules ou présence inhabituelle d’individus) et d’être le plus précis possible dans son descriptif (relevé de plaques d’immatriculation, indications géographiques exactes, photos, etc.). 

En cas de surprise d’un ou plusieurs individus, il est fortement recommandé de ne pas intervenir et de ne pas tenter d’interpeller soi-même les auteurs de ces délits mais de prévenir immédiatement les forces de l’ordre et ce pour au moins deux raisons. La première est d’ordre purement sécuritaire au vu de la dangerosité des auteurs. La seconde est plus juridique: les équidés étant considérés juridiquement comme des biens, la légitime défense en cas de riposte, notamment en cas d’homicide involontaire, ne pourra jamais être retenue et ce malgré le caractère monstrueux des mutilations commises. 

Enfin, en cas de découverte d’un équidé victime de ces agissements, il convient ici encore d’appeler le 17, de ne procéder à aucune modification des lieux afin de ne pas concourir à la déperdition de certaines preuves et de porter plainte le plus rapidement possible – et en tout état de cause avant l’expiration d’un délai de six ans après la commission des faits, sous peine pour le propriétaire d’être prescrit et de ne plus pouvoir agir. Ce dépôt de plainte permettra de porter les méfaits à la connaissance des autorités publiques et d’ouvrir une enquête. Une fois l’action publique engagée, il est important que les propriétaires se constituent parties civiles. Cela leur permettra non seulement d’avoir accès au dossier pénal et de formuler des demandes d’actes (nécropsie, expertise, auditions), durant la phase d’information judiciaire mais également de solliciter la réparation de leurs préjudices.

À ce jour, une dizaine de plaintes ont été déposées par des propriétaires et la Fédération française d’équitation, ainsi que d’autres organisations, ont annoncé qu’elle se constitueraient parties civiles aux côtés des propriétaires ayant déposé plainte. Enfin, il conviendra de ne pas oublier pour les propriétaires de déclarer le décès de leur équidé à leur compagnie d’assurance. Suivant les polices souscrites, une indemnisation pourra leur être versée. 



Quelles sanctions pour les auteurs de ces actes?

Actuellement, les poursuites enclenchées portent sur deux délits distincts: vol et recel d’animal dans quelques hypothèses; sévices graves ou actes de cruauté envers un animal dans les autres cas. Ces délits font encourir à leur auteur – et c’est paradoxal au regard du bien-être animal – trois ans de prison et 45.000 euros d’amende dans le premier cas; deux ans de prison et 30.000 euros d’amende dans le second, auxquelles pourront s’ajouter, à titre de peine complémentaire, une potentielle interdiction, définitive ou non, de détenir un animal et/ou une interdiction, pour cinq ans maximum, d’exercer l’activité professionnelle qui a permis de préparer ou de commettre les sévices ou actes de cruauté.

Certains ont soulevé ce paradoxe de la loi pénale qui réprime plus sévèrement le vol d’un objet -rappelons que l’animal est juridiquement assimilé à un bien – que les souffrances infligées aux animaux ou leur meurtre. Une proposition de loi avait été déposée en 2018 visant à durcir la loi pénale et à calquer a minima les sanctions des sévices sur celles du vol mais n’avait pas été suivie d’effet. Un rapport de mission gouvernementale déposé en juin sur le bien-être des animaux de compagnie et des équidés reprend cette proposition, tandis que plusieurs pétitions militent également en ce sens.

Un tel durcissement de la loi pénale ne serait sans doute pas inutile au vu des peines prononcées par les tribunaux. En effet, s’il faut saluer une évolution notable ces dernières années dans le sens de sanctions plus sévères par des magistrats de plus en plus sensibilisés à la cause animale, la condamnation des auteurs de sévices n’est pas pour autant systématique. On se rappellera un jugement datant de 2018, aux termes duquel le Tribunal correctionnel de Saint-Quentin n’avait condamné qu’à 1.000 euros d’amende, sans aucune peine d’emprisonnement, le propriétaire de quatre chiens qui avait brûlé l’un d’entre eux et enfermé les autres plusieurs mois durant dans une cave insalubre sans couchage ni aération…

À noter également qu’en raison de la règle de cumul plafonné des peines, s’il s’avérait qu’une personne ou qu’un groupe d’individus étai(en)t à l’origine de plusieurs de ces actes, les peines prononcées ne se cumuleraient que dans la limite du maximum légal encouru, à l’exclusion des cas de récidive ou de réitération, soit trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende si les poursuites s’exercent au titre du vol et du recel ou deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende si les poursuites ont lieu sur le fondement des actes de cruauté. En aucun cas les tribunaux ne peuvent prononcer de peines supérieures aux incriminations prévues par les textes de loi. 

Le ou les auteurs des faits pourront néanmoins en parallèle être condamnés à verser des dommages et intérêts à chacun des propriétaires en réparation de leur préjudice, moral et économique le cas échéant. Ces dommages et intérêts, qui peuvent être d’un montant plus élevé que les amendes prononcées, seront alors fonctions de chaque situation personnelle: liens et proximité du propriétaire avec son cheval, durée de leur relation, valeur du cheval, perte éventuelle de revenus, etc.

En tout état de cause, il est recommandé aux propriétaires de se faire accompagner dans le cadre de ces démarches.



À propos de l’auteure

Depuis 2010, Émilie Waxin, avocat au barreau de Paris, a exercé au sein des départements corporate et contentieux de plusieurs cabinets d’affaires français et luxembourgeois. Cette double pratique lui permet aujourd’hui d’intervenir à tous les stades afin de déterminer l’approche la plus appropriée de nature à éviter, désamorcer ou, le cas échéant, résoudre les situations de crise. Par ailleurs, cavalière et passionnée d’équitation depuis de nombreuses années, elle a souhaité déployer son expertise juridique au sein du secteur équin. Elle intervient ainsi aux côtés des différents acteurs de la filière (institutionnels, cavaliers, propriétaires, centres équestres, etc.) tant en conseil qu’en contentieux.

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