“Je suis heureux de voir l’endurance de haut niveau reprendre”, Jean-Michel Grimal
Juste avant le Master d’endurance, dont la course reine se dispute en ce moment même à Monpazier, en Dordogne, Jean-Michel Grimal s’est confié quant à ces attentes pour cette année exceptionnelle, la situation sportive et économique de l’endurance française et la saison hivernale. Le sélectionneur national dévoile également les grandes lignes de sa stratégie de préparation d’une année 2021 où deux championnats internationaux Seniors sont programmés: les Mondiaux, fin mai à Pise, puis les Européens, début septembre à Ermelo.
Quel est votre état d’esprit avant le Master de Monpazier, qui sera suivi de la CEIO 3* à Florac, dans trois semaines, puis des CEI 3* de Fontainebleau (celle de Tartas ayant été annulée) et Montcuq cet automne?
Je suis heureux de voir l’endurance de haut niveau reprendre et j’espère voir ces belles courses!
Concernant l’équipe de France, comment avez-vous occupé cette longue période sans course?
L’activité s’est totalement arrêtée, mais nous sommes évidemment restés en contact avec les cavaliers. Certains ont choisi de continuer à travailler, d’autres ont mis leur chevaux en stand-by. Et ils programmé leur saison, pour ce qu’il en reste, en fonction de cela.
Ce que nous avons vécu a touché tout le monde. Il fallait être patient. Finalement, le confinement n’a pas duré si longtemps, mais il a un peu fichu la saison en l’air et contraint à reporter des championnats. Pour autant, pourvu qu’il n’y ait pas de second confinement, ce sera juste un mauvais souvenir…
Pour beaucoup d’écuries, l’équilibre financier repose sur la vente de chevaux, notamment et surtout avec les acheteurs du Golfe. Quand les ponts aériens sont coupés, comment fait-on pour continuer à vivre de son travail?
Il faut faire le dos rond. Quelques chevaux ont été vendus sur photos ou vidéos mais cela reste une minorité. C’est pourquoi la reprise qui s’amorce est importante pour tout le monde. Nous espérons que tout va redémarrer, et pas seulement pour les courses.
Dans ce contexte de reprise, vous attendez-vous à des courses rapides ou plutôt à des vitesses raisonnables?
J’espère qu’il y aura de belles courses mais je ne pense pas que les couples iront très vite. D’abord, à ce stade, c’est un peu comme si nous sortions de l’hiver. Ensuite, le nouveau règlement de la Fédération équestre internationale est construit un peu contre la vitesse. Et de toute façon, les pistes sur lesquelles nous allons courir, notamment Monpazier et Florac, ne permettent pas d’aller très vite.
Deux championnats sont programmés l’an prochain. Comment comptez-vous gérer cette situation? Ces deux compétitions peuvent-elles être courues par les mêmes chevaux?
Nous sommes partis dans l’idée de construire deux équipes. Si nous courons les championnats du monde, les premiers au programme, comme il le faut (sans éliminations, ndlr), les Européens arriveront trop tôt. Il y a seulement trois mois et demi entre les deux, ce qui ne sera pas suffisant pour laisser aux chevaux le temps à la fois de se reposer, puis de se préparer pour être à nouveau au top de leur forme. Il n’est pas exclu qu’un ou deux chevaux courent les deux, mais rien n’est moins sûr.
“Je peux seulement faire rêver avec un polo, une médaille, voire une éventuelle Marseillaise”
Dans ce contexte, la France semble plutôt bien lotie en tant que meilleur nation d’élevage et de valorisation de chevaux d’endurance…
Oui, par rapport à certains pays qui n’ont pas autant de chevaux que nous, c’est clair. Nous avons toujours beaucoup de chevaux. Cependant, chaque année, plus on se rapproche de l’échéance, moins il y en a (ce qui est lié aux ventes et aux blessures, ndlr). Finalement, notre longue liste se retrouve toujours très restreinte au moment d’arrêter la sélection.
Ces prochaines semaines, avec la reprise du grand sport, vous attendez-vous à une importante activité commerciale? Des chevaux importants pour l’équipe de France peuvent-ils être vendus?
Oui, parce que c’est maintenant ou jamais. Avec la règle de qualification pour les championnats internationaux, qui exige qu’un couple ait bouclé une CEI 3* pour être éligible, les cavaliers des autres nations vont devoir faire leurs achats au plus vite pour se donner le temps d’accomplir sereinement cette formalité. S’ils achètent après décembre, ce sera faisable mais plus compliqué. Pour les Mondiaux, la limite a été fixée au 6 avril.
Comment abordez-vous cela en tant que sélectionneur national?
Je sais que le commerce est indispensable, alors je construirai mes équipes avec ce qu’il nous restera. Moi, je peux seulement faire rêver les cavaliers et propriétaires avec un polo bleu-blanc-rouge, une médaille, voire une éventuelle Marseillaise. Je ne peux pas leur signer le chèque que d’autres vont leur promettre. Malheureusement, il faut donc se plier aux lois du commerce.
Il n’y a pas eu de Mondiaux Seniors depuis 2016, puisque la course de ceux de 2018, dans le cadre des Jeux de Tryon, avait été arrêtée dans des conditions particulièrement brutales et contestables. Malgré tous les problèmes que l’endurance a traversées depuis dix ans, reste-t-il encore des propriétaires motivés pour l’équipe et le drapeau?
Il y en a quelques-uns mais pas beaucoup. Et pas assez à mon goût. Pour autant, je le comprends tout à fait. Ce que je n’aime pas, ce sont les gens qui changent d’avis en expliquant avoir “cédé à la pression”. Ça, c’est toujours dommage. Il ne faut pas dire quelque chose et faire le contraire. Pour autant, il y a certaines sommes qu’on ne peut pas refuser, et peut-être même qu’on ne doit pas refuser quand on connaît la valeur de l’argent…
Comment va se dérouler la préparation pour ces Mondiaux, qui arrivent un peu plus tôt dans l’année?
Nous allons organiser deux stages, en janvier et février, où nous réunirons les couples qualifiés. Ensuite, je leur demanderai probablement de courir la CEI 1* de 100km de Fontainebleau, fin mars. Nous verrons qui est en forme et qui ne l’est pas. Ceux qui le sont iront à Pise. Ceux qui le sont moins mais qui nous intéressent toujours, nous essaierons de les mettre en forme pour la fin de la saison (et donc pour les Européens, ndlr). C’est un programme que nous connaissons et qui nous a déjà réussi. C’est le schéma que nous avions adopté l’an dernier, et les chevaux s’étaient montrés très en forme lors de la course de sélection. Je pense d’ailleurs que nous avions un peu mis la charrue avant les bœufs car les chevaux s’étaient mieux comportés lors de la course de sélection qu’aux championnats d’Europe (à Euston Park, la France, battue par l’Espagne, avait décroché l’argent par équipes, ndlr). Donc nous allons essayer de ne pas commettre les mêmes erreurs. D’ailleurs, le fait que la course soit programmée en mai est sans doute mieux pour nous.