Ludger Beerbaum est prêt à accueillir les championnats d’Europe de 2021 à Riesenbeck

Que les Jeux olympiques de Tokyo, très fortement menacés par la pandémie galopante de Covid-19, aient lieu ou pas, il doit y avoir des championnats d’Europe en 2021. C’est le message que portent la Fédération européenne, la plupart de ses fédérations nationales membres ainsi que les Clubs des cavaliers internationaux et des propriétaires de chevaux de saut d’obstacles. Message entendu cinq sur cinq par Ludger Beerbaum, qui se dit prêt à les recevoir chez lui, à Riesenbeck en Allemagne. Reste à trouver une date idoine et convaincre la Fédération équestre internationale.



Le 8 mai au soir, un peu plus de cinq semaines après le report d’un an des Jeux olympiques de Tokyo, la Fédération équestre internationale (FEI) avait annoncé l’annulation des prochains championnats d’Europe de concours complet, saut d’obstacles, dressage et para-dressage. Les premiers étaient initialement programmés du 11 au 15 août 2021 au Pin-au-Haras, dans l’Orne, et les trois autres du 23 août au 5 septembre 2021 à Budapest dans le cadre de “Jeux européens”, qui devraient finalement se réduire à des compétitions continentales d’attelage et de voltige. Cette décision, prise en pleine période de crise sanitaire, la FEI l’avait entérinée pour défendre les Jeux olympiques et paralympiques, même si la tenue de ceux-ci, du 23 juillet au 8 août 2021 puis du 24 août au 5 septembre 2021, n’est toujours pas garantie à ce jour. “Avec les comités d’organisation de Budapest et du Pin, ainsi que les fédérations nationales hongroise et française, nous avons examiné toutes les options possibles pour tenter de sauver les championnats d’Europe de 2021, mais nous en sommes arrivés au regrettable constat qu’il n’était tout simplement pas possible de disputer ces deux événements majeurs aussi près des Jeux de Tokyo”, avait alors déclaré Sabrina Ibáñez, secrétaire générale de la FEI, laissant entendre notamment que les organisateurs hongrois ne pouvaient reculer les dates de leur événement au-delà du 15 septembre, délai minimal de repos pour les quelques chevaux qui devraient participer aux Jeux puis aux Européens.

Depuis le 8 mai, de nombreuses voix de cavaliers, propriétaires et sélectionneurs nationaux, notamment en jumping et complet, s’élèvent face à cette décision, estimant qu’il ne serait pas impossible de disputer deux grands championnats la même année: soit avec les mêmes couples en espaçant les échéances, quitte à les réattribuer à d’autres organisateurs, soit avec d’autres couples. Rappelons que les grandes nations n’ont toujours pas avalé la pilule des équipes réduites à trois paires aux JO… “Bien que certaines aient suffisamment de chevaux pour envoyer des équipes solides aux Jeux et aux Européens, nous devons garantir des règles équitables pour toutes les fédérations, ce que nous ne pouvons tout simplement pas faire dans le cas présent”, leur avait répondu Sabrina Ibáñez. Après tout, ne risquerait-on pas d’assister à des championnats bis, avec, pour les nations concernées par les deux événements, des équipes plus faibles qu’aux JO, qui plus est compte tenu des enjeux individuels des cavaliers – dont nombre sont engagés dans des écuries de la Global Champions League. De même, les nations concernées par la nouvelle série Longines des Coupes des nations européennes, créée par la Fédération équestre européenne (EEF), ne risqueraient-elles pas d’en favoriser la finale, où sera mise en jeu une accession en Division européenne du circuit mondial FEI Longines?

Toutes ces questions méritent d’être posées, mais ne justifient pas de tirer un trait sur la possibilité de disputer des championnats d’Europe en 2021, que les JO aient finalement lieu ou pas, qui plus est si longtemps à l’avance. C’est en tout cas ce que clament haut et fort la Fédération européenne, bon nombre de ses fédérations nationales membres ainsi que le Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles (IJRC) et, de façon un rien plus modérée, le Club des propriétaires de chevaux de saut d’obstacles (JOC), qui n’ont pas été consultés avant la décision publiée le 8 mai. Il faut rappeler que rayer de la carte le rendez-vous continental condamnerait les nations non qualifiées pour Tokyo à deux saisons sans autre objectif majeur que les circuits des Coupes de nations. Dur pour les cavaliers, propriétaires et sponsors, mais aussi pour le commerce et toute l’industrie du cheval de sport… “Il faut des championnats d’Europe en 2021. C’est vital pour toute notre filière et nous devons tout faire pour qu’ils puissent avoir lieu, quelle que soit l’issue de l’incertitude concernant la tenue des JO”, défend ainsi Thierry Pomel, assurant que la France serait en mesure de présenter une très belle équipe dans tous les cas.



La Fédération européenne prend le problème à bras le corps

Dès le début du mois de juin, c’est au sein de la Fédération équestre européenne que la résistance s’est organisée. Son groupe de travail consacré au saut d’obstacles a proposé à son conseil d’administration “d’épuiser toutes les possibilités d’organiser les championnats d’Europe de 2021, en tenant compte de tous les facteurs, tels que le statut pandémique, le calendrier, les sites, les sponsors, les parties prenantes, etc. Étant donné que les épreuves de saut d’obstacles des JO, si elles ont lieu, sont programmés du 4 au 8 août 2021, c’est-à-dire la semaine 32, le groupe de travail propose de déplacer la finale de la série des Coupes des nations EEF Longines à la semaine 31, de préférence, ou à la semaine 33, à titre subsidiaire, […] et d’organiser les championnats d’Europe en semaine 35 (aux dates initialement prévues à Budapest, ndlr) ou 36. Ces propositions ont été émises en gardant à l’esprit que la finale de la série EEF est de niveau 4* et n’affecte pas la participation aux JO. Les seules nations susceptibles d’avoir des problèmes pour aligner des équipes compétitives dans les deux épreuves seraient la République tchèque et Israël, si elles se sont qualifiées pour la finale de la série EEF. Organiser les Européens en semaine 35 ou 36 laisse suffisamment de temps entre les JO et la finale de la série EEF et la finale de la série des Coupes des nations FEI Longines”, avait indiqué le groupe de travail dans son compte-rendu.

Considérant ces recommandations mais aussi les lettres de fédérations nationales membres, la position officielle de l’IJRC, le soutien des cavaliers, propriétaires et autres parties prenantes du sport ainsi que le fait que l’organisation de Tokyo 2020 reste incertaine en raison de la Covid-19, le conseil d’administration de l’EEF avait unanimement décidé d’approuver tous les efforts visant à reprogrammer ces championnats en 2021, dans les conditions suivantes: “Le bien-être des chevaux doit être primordial dans toute décision à prendre. Le calendrier de la FEI doit être organisé pour accueillir et protéger les principales épreuves de saut d’obstacles en 2021 (JO, finales de la série des Coupes des nations Longines EEF et de la série des Coupes des nations Longines FEI). Les Européens doivent rester une compétition fermée. Si ces conditions sont remplies, le conseil de l’EEF est fermement convaincu qu’il est possible d’offrir des conditions de compétition équitables à tous les pays éligibles à participer à la fois aux JO et aux championnats d’Europe, même si Tokyo restera l’objectif principal de tous. L’EEF soumettra à la FEI sa recommandation et sa déclaration de soutien, mais la décision finale reviendra au conseil d’administration de la FEI.”

Restait à trouver un organisateur capable de mettre sur pied un événement rarement très profitable financièrement. Alors que l’EEF laissait entendre qu’il y en avait plusieurs sur les rangs, il semble que le premier à sortir du bois soit Ludger Beerbaum, qui en a clairement manifesté la volonté. “Oui, je serais ravi d’accueillir les championnats d’Europe dans nos installations de Riesenbeck International. J’en ai fait part aux parties prenantes concernées et j’espère que cela pourra se concrétiser, mais rien n’est encore décidé à ce stade”, déclare le quadruple champion olympique, joint cet après-midi par GRANDPRIX. “J’espère aussi que les Jeux de Tokyo pourront avoir lieu, mais plus les semaines passent, plus je me dis qu’en termes d’objectifs olympiques, les cavaliers feraient mieux de se focaliser sur Paris 2024.” Plus facile à dire pour un homme sage qui a tout gagné qu’à faire pour un jeune pilote rêvant de vivre ses premiers JO au Japon, mais peut-être plus réaliste…



Un soutien franc et entier des cavaliers et propriétaires

Situé non loin des écuries Beerbaum, Riesenbeck International est le fruit du rachat des installations existantes du centre équestre de Surenburg par Ludger Beerbaum et le baron Constantin Heereman, qui les ont modernisées et agrémentées d’un grand manège. Depuis 2015, le site, hôte de nombreux concours et championnats d’attelage par le passé, accueille régulièrement des CSI, CDI et CAI, sans avoir encore toutefois dépassé le niveau 2* en jumping, ainsi que des championnats d’Allemagne, Jeunes notamment, et pléthore de concours nationaux, stages et journées d’entraînement, sans oublier les sessions de travail de la Longines World Equestrian Academy, présidée par Ludger, qui accompagne des jeunes cavaliers talentueux du monde entier, de même que des juges, chefs de piste, vétérinaires et maréchaux-ferrants, en lien avec l’Asie, où l’académie intervient aussi.

Également contactés cet après-midi et ce soir, Dominique Mégret, Kevin Staut et Thierry Pomel se montrent très enthousiastes à l’idée que ces Européens puissent être sauvés et organisés par l’un des plus grands cavaliers de l’histoire. “La position du JOC est claire: si l’on peut, dans le respect absolu du bien-être des chevaux, reprogrammer des championnats d’Europe en 2021, organisés dans un cadre adapté et par des organisateurs sérieux, nous soutiendrons cette option. Et le sérieux de Ludger Beerbaum n’est évidemment plus à prouver ”, déclare le président du JOC. “Il va sans dire que je soutiens sans réserve cette initiative, en tant qu’homme de cheval, cavalier et président de l’IJRC, qui s’est fortement mobilisée à ce sujet. Je suis persuadé que ce seraient d’excellents championnats d’Europe, et j’espère que le FEI validera cette proposition. Sincèrement, je crois que n’importe quel cavalier dirait la même chose”, ajoute le second. “Pour la Fédération française, comme tant d’autres fédérations nationales, c’est un oui grand et massif. Encore une fois, notre sport et sa filière ne peuvent pas accepter de vivre deux ans sans championnat”, martèle le sélectionneur national. La balle est donc dans le camp de la FEI.

“Si des développements similaires à ceux concernant le saut d’obstacles venaient à la connaissance du conseil d’administration de l’EEF en temps opportun pour le concours complet, le dressage et le para-dressage, l’EEF se penchera immédiatement sur la question de l’accueil de championnats d’Europe en 2021 pour ces disciplines”, avait déclaré la Fédération européenne mi-juin. Gageons que des solutions se dégageront également pour ces trois autres disciplines.