“Imposer des dotations minimales aux épreuves internationales”, Arnaud Boiteau

À la suite d’une réunion qui s’est tenue le 14 août à l’occasion du Grand Complet du Pin, Arnaud Boiteau a tenu à prendre la parole pour demander, au nom de tous les grands cavaliers français, à ce que les dotations des épreuves internationales de concours complet augmentent enfin. Il demande à la Fédération équestre internationale d’instaurer notamment des minima par épreuve et par niveau, tels qu’ils existent déjà en saut d’obstacles. Et il s’en explique.



“Nous, les cavaliers professionnels de concours complet appartenant aux Groupes 1 et 2 de la Fédération française d’équitation (FFE), nous sommes réunis le 14 août à l’occasion du Grand Complet du Pin. En cette période de crise sanitaire que chacun traverse tant bien que mal, il s’agissait d’évoquer ensemble le problème récurrent des trop faibles dotations en compétitions internationales. L’absence de gains dans la Coupe des nations et les 750 euros (!) alloués au vainqueur individuel du CCIO 4*-S de France ont renforcé un mouvement d’inquiétude unanimement partagé. Si tout le monde reconnaît la chance de pouvoir concourir dans le contexte actuel grâce à la pugnacité des organisateurs, et notamment ceux du Pin, il n’en reste pas moins que la passion, trait commun de tous les acteurs de la filière, ne doit pas être prétexte à tout. Il y a un an, donc avant la Covid-19, la même épreuve n’offrait que 1.200 euros au vainqueur individuel et 350 euros à chacun des membres de l’équipe gagnante. De même, une huitième place rapportait 300 euros dans le très disputé CCIO 4*-L de Boekelo, aux Pays-Bas. Le problème n’est donc ni nouveau ni français, bien au contraire… Quand la plupart des compétitions internationales organisées sur notre sol proposent des dotations un peu supérieures à celles évoquées, bon nombre à l’étranger sont régulièrement très inférieures.

Plus que jamais, nous tenons donc à souligner l’inadéquation entre les gains et le niveau des performances à effectuer pour y prétendre, le travail fourni en amont, les investissements des éleveurs et propriétaires ou encore les risques encourus. C’est presque un manque de respect pour nous qui sommes les acteurs méritants d’un spectacle hautement attrayant et dans tous les cas l’impossibilité d’améliorer un minimum des trésoreries déjà fragiles.

Les organisateurs ne doivent pas être pointés du doigt car il leur faut tout autant de passion pour supporter les contraintes liées à la mise en place de tels évènements. Chacun sait que les cavaliers ont besoin d’eux et inversement. La FFE ne peut pas être blâmée non plus car elle apporte un soutien significatif par le biais de circuits comme le Grand National, l’Eventing Tour, etc. Son engagement est supérieur à celui de beaucoup de fédérations étrangères et nous sommes enviés pour cela. Néanmoins, nous pensons qu’il faut faire davantage car notre avenir en dépend, et par corrélation celui de notre représentativité dans les championnats majeurs. Le fait que les épreuves internationales sous-dotées fassent tout de même le plein de partants ne peut pas être un prétexte pour ne rien changer. Le jeu des qualifications entretient cette logique perverse mais la pression financière finira par être un frein, voire un blocage. La santé de cette merveilleuse discipline en dépend, sous peine de donner la part belle aux plus fortunés, et il ne sont pas nombreux dans notre discipline… L’exemple anglo-saxon et ses faibles dotations, exceptés les CCI 5*-L, ne peut être pris en modèle car son système repose sur l’engagement massif de propriétaires pour qui le complet est une culture commune méritant de s’y investir à la mesure de ce que cela coûte vraiment. Les professionnels peuvent donc compter sur des pensions conséquentes et partenariats significatifs plutôt que sur des gains. Cela ne sera probablement jamais le cas en France.



“Nous devons créer une dynamique”

Nous n’attendons pas d’être «perfusés» par les institutions dans un contexte général de désengagement de l’État dans certains domaines comme celui du sport. C’est pourquoi nous proposons à la Fédération équestre internationale (FEI) plusieurs aménagements réglementaires: imposer aux organisateurs des dotations minimales, qu’elles soient évolutives en fonction du nombre de partants, qu’elles garantissent des «prix créés» remboursant au moins l’engagement. Ces conditions sont appliquées en saut d’obstacles. Chacun a bien conscience que cette discipline génère beaucoup plus d’argent et qu’un tel cahier des charges est plus facile à supporter par ses créateurs d’événements. Il semble toutefois réaliste et surtout vital d’envisager une telle évolution pour le complet, quitte à ce que la liste des organisateurs évolue en fonction de leur capacité à encaisser ce surcoût. Pour le supporter, car la viabilité conditionne autant la faisabilité que la pérennité, outre l’appui de la FEI, des sponsors et l’organisation d’événements parallèles attractifs sur un autre thème comme cela se fait Outre-Manche, on peut imaginer que les cavaliers s’investissent à la mesure de leur possibilités par le biais d’échanges interactifs avec le public, par exemple. Cela justifierait d’autant mieux la mise en place d’une billetterie, ou l’augmentation de son coût si elle existe déjà, visant pour partie à améliorer les dotations. Nous devons créer une dynamique pour que ce «sport-nature», qui attire un nombre croissant de participants, génère davantage de recettes pour que tout le monde vive mieux. Le projet n’est pas nouveau, compliqué, mais ne doit pas pour autant être abandonné.  

Les pistes d’amélioration sont à explorer à l’occasion de tables rondes réunissant les acteurs concernés, auxquelles nous sommes bien sûr prêts à participer. Nous avons le soutien de nos homologues étrangers, consultés récemment, et sommes plus que jamais décidés à défendre cette cause majeure pour le bien de notre sport.”



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