De Virton, le plus français des élevages belges

Avec Pablo, son cheval vitrine qui a longtemps été classé en CSI 5*, et Trésor, un étalon qui s'est révélé à haut niveau en 2015, Marc Discret et son affixe de Virton ont vécu et continuent de vivre une sacrée belle aventure. Celle de la consécration et de la reconnaissance internationale pour un passionné d’élevage et de génétique. Un homme de cheval qui a su forger patiemment sa réussite, à l’abri des regards.



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Fondé en 1991 par les Belges Françoise et Marc Discret, le haras de Virton, dont la renommée grandissante résonne bien au-delà des frontières du Plat Pays, est très certainement le plus français des élevages belges de chevaux de sport. Il faut dire que son premier port d’attache se situait à Rupt-sur-Othain, une commune française située dans la Meuse, en Lorraine. Ce village d’une cinquantaine d’habitants lui offrait sa proximité avec la Belgique et le Luxembourg, et un accès privilégié à un large réseau de concours nationaux et internationaux. La rivière traversant la bourgade avait alors naturellement prêté son nom au premier affixe de l’élevage, et donc à ses premiers produits comme Lipton ou Luron d’Othain. En 2001, année de naissance de Nobel deVirton, un des autres trésors de l’élevage, la famille Discret décide, tel un retour aux sources, de revenir en Belgique et de poursuivre l’aventure en terre gaumaise, à Saint-Mard, un lieu-dit du bourg de Virton, à vingt-cinq kilomètres de Rupt. 

Virton est avant tout la belle histoire d’une famille réunie autour de la même passion. Marc, éleveur et vétérinaire, assure sur tous les fronts. Françoise, intendante de la structure, gère essentiellement la partie administrative. Dès leur journée de travail accomplie, Jean et Nicolas, leurs deux enfants, s’affairent quant à eux à apporter leur pierre à l’édifice dans une structure où la compétence de chacun est la bienvenue. Jean, trente ans, exerce dans le secteur de la mécanique industrielle tandis que Nicolas, vingt-trois ans, est maréchal-ferrant. Tous ensemble, ils forment une belle chaîne de la réussite dont tous les maillons semblent indispensables. 

“L’éleveur doit se réjouir de toutes les belles petites choses.” Cette phrase résume à elle seule le regard que Marc Discret porte sur son œuvre, et sur la vie en général. Captivé par les chevaux depuis l’enfance, il s’est naturellement dirigé, une fois adulte, vers une carrière de vétérinaire. Dès lors, les équidés ne l’ont plus quitté. La cinquantaine entamée, voilà un homme chaleureux et investi sans aucune réserve dans tout ce qu’il entreprend. C’est d’ailleurs avec un enthousiasme non dissimulé qu’il énumère les performances des cracks qu’il a fait naître à Virton, au sein d’une petite écurie qui tend à s’agrandir au fil du temps. Situé non loin de son cabinet vétérinaire, l’élevage s’étend sur plusieurs hectares dispersés. On est là ni dans un ranch, ni dans un haras de haut standing, mais au calme, en douce plaine. Sur le premier site, le bâti est en construction, et de nouveaux boxes prennent forme. Les poulains y côtoient des moutons que Marc Discret élève également. Sur le second site se dresse une écurie annexe accueillant les jeunes chevaux au travail. On y croise notamment Simon Glaude, “un des cavaliers bénévoles” de la maison, au travail sur la carrière. L’élevage profite d’un environnement verdoyant tout proche dans lequel “ces bénévoles passionnés” - des amis qui se reconnaîtront -promènent deux fois par semaine les jeunes chevaux qui reviennent du débourrage.



Madon et Chaufour font souche

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Alors qu’il était encore installé dans sa ferme de Rupt-sur-Othain, Marc Discret s’est mis en quête de bonnes souches pour démarrer son élevage. Au début des années 1990, il a jeté son dévolu sur deux pouliches provenant des élevages du Madon et du Chaufour, géographiquement proches. Dragée du Madon (Othelo d’Aubry x Matinal), la première, est acquise à l’âge de six mois à l’élevage du Madon, chez Roger Gaspard - le père de Michel Gaspard, alors juge du Stud-book Selle Français et éleveur sous l’affixe Nouvolieu à Pont-sur-Madon en plein cœur des Vosges. Dragée a évolué sous la selle du jeune Olivier Guillon, obtenant de bons résultats sur le Cycle classique. Élite à cinq ans, elle a été créditée d’un ISO 136 en 1996. Mise à la reproduction par la suite, elle a donné cinq produits. 

Séduit par ce croisement “dans le sang”, Marc Discret a acquis la propre sœur de Dragée, Image du Madon, une femelle baie née en 1996. D’abord unie à Kashmir van’t Schuttershof (sBs, Nabab de Rêve x Ténor Manciais, SF), elle a donné naissance à une certaine Meadow de l’Othain, puis à sept autres descendants. Avant de débuter son apprentissage, Meadow a été croisée dès deux ans à Andiamo (NRPS, Animo x Garitchou), ce qui a engendré le fameux Pablo de Virton. Repérée et achetée par Christophe Grangier, Meadow a traversé la France pour s’installer en Normandie, où elle a poursuivi une belle carrière internationale jusqu’en CSI 3* sous la selle de Pauline Guignery (ISO165/2010). Pablo, lui, était un poulain au tempérament de feu qui a mis du temps avant de se laisser apprivoiser. “Il était bouillonnant. Stéphane Delaveau lui a fait sauter quelques parcours à quatre ans jusqu’au CIR de Compiègne, fin juillet. J’ai ensuite décidé de le récupérer pour qu’il puisse s’aérer au maximum, puis je l’ai confié à une jeune fille qui le faisait régulièrement trotter en forêt. Il partait comme une furie!”, se souvient encore Marc Discret. Vendu à cinq ans à la Suissesse Jane Richard Philips, Pablo a commencé à se faire particulièrement remarquer en 2010 durant son année de sept ans, décrochant alors une prometteuse septième place dans une épreuve à 1,45m au CSI 3* de Palerme, sous la selle du Belge Ignace Philips, son époux. Caractérisé par une véritable fougue et un excès de générosité, il a ensuite brillé au plus haut niveau sous la selle de Jane Richard Philips, avec qui il a arpenté les plus belles pistes du monde. Parmi ses résultats les plus significatifs, on peut citer son double sans-faute dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Rome, en mai 2015, sa quatrième place dans le Grand Prix CSI5* de Bâle, en janvier 2014, ou encore ses cinquièmes places dans les Grands Prix CSI 5* de Cannes et Chantilly en 2013, et de Zurich en 2014. 

La seconde souche, du Chaufour, s’est révélée tout aussi intéressante, et à l’origine de futurs grands gagnants. Diane de Chaufour (Prince du Logis, AA x Hambourg, Ps), l’autre fer de lance de l’élevage de Virton, est née chez Jeannine et Pierre Jacquinot à Biencourt-sur-Orge en Lorraine. Mise à la reproduction à trois ans, Diane est la mère, entre autres, d’Hotess de Rosières (Nidor Platière), gagnante jusqu’à 1,60m, Jiva de l’Othain, propre sœur d’Hotess qui a donné Querida Relais Pachis (Kashmir van’t Schuttershof), excellente performeuse avec Hervé Godignon (ISO153/2010), et Luron de l’Othain (Kashmir), acheté à six ans par Stéphanie Hennequin à laquelle il a notamment offert le titre de championne de France des Cavalières en 2013 à Fontainebleau.

Hestia du Chaufour intègre à son tour un cheptel de poulinières qui s’étend progressivement. Cette fille de Nidor Platière a pour mère Uranie duChaufour, une sœur utérine de Diane par Hidalgo de Riou. Des deux côtés et à plusieurs reprises, on retrouve ainsi le sang de Nidor Platière (Nankin x Tanaël), célèbre chef de race et excellent père de mères. Hestia a donné Vestal de l’Othain (Heartbreaker) et Loro Piana Lune de l’Othain (Kashmir van’t Schuttershof), jument avec laquelle l’Italienne Virginia Caruso est devenue championne d’Europe Juniors à Comporta en 2011. Vestal confirme aussi sur descendance avec pas moins de quatre produits aux aptitudes sportives évidentes: Ramsès, Silver et Psyché de Virton, aux rênes de laquelle Tanguy Dobremez a été sacré champion de France Jeunes Cavaliers et terminé quatorzième des championnats d’Europe en 2015, ainsi que Silver Deux de Virton*HDC, qui a évolué au plus haut niveau avec Olivier Guillon et Kevin Staut. Le couple a notamment terminé huitième d’une épreuve à 1,55m lors du CSI5* de Dinard en juillet, et deuxième du Grand Prix CSI 2* de Compiègne. Le point commun de ces produits de Vestal est d’avoir pour père le renommé Kashmir van’t Schuttershof, étalon “chouchou” de la famille Discret.



Une pléiade de gagnants

Son coup de foudre instantané pour le prometteur Kashmir, alors âgé de quatre ans, en dit long sur l’œil averti de Marc Discret. “C’était déjà un phénomène, j’ai tout de suite cru en lui. Dès sa première année d’utilisation en 1999, j’ai obtenu Lune, Luron, Lipton et Willy de l’Othain, quatre internationaux!” L’étalon étant malheureusement devenu stérile, le précurseur s’est tourné vers d’autres sires tout en recherchant sans cesse l’amélioration de ses croisements opérés avec “Monsieur Kashmir“. Marc n’hésite donc pas à confier ses juments aux confirmés Landor S (Old, Landadel x Godehard) et Heartbreaker (KWPN, Nimmerdor x Silvano), mais aussi à Vagabond de la Pomme (sBs, Vigo d’Arsouilles x For Pleasure), et ce dès son approbation en Belgique, et Tobago Chevrier (Clinton x Carnute). 

N’en déplaise aux jaloux et envieux, Marc Discret fait partie de ces hommes pourvus de ce don si rare qui lui permet d’élire “le cheval qui se distinguera ou pas parmi les autres”. C’est de cette façon qu’il a aussi déniché d’autres poulinières “perles” de son élevage telles que Gipsy du Bourg (Saphir d’Elle x Arlequin), mère de Torgal de Virton (Kashmir van’t Schuttershof), récente recrue de l’Ukrainien Cassio Rivetti, Kamaro du Chaufour (Jalienny x Hidalgo de Riou), qui a donné Nobel de Virton (Chatman), médaillé d’argent individuel aux championnats d’Europe Juniors avec le Belge Nicola Philippaerts, ou encore Nightlove of Hayettes (Night Fever duDon x Darius St Martin), jument issue de la même lignée que le fameux Hermès Ryan des Hayettes (Hugo Gesmeray x Ryon d’Anzex) via Esther (ex-Everest Life Style, BWP, Lugano van la Roche x Flugel van la Roche), leur grand-mère maternelle commune, gagnante internationale avec le Britannique Michael Whitaker.

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°90.