“C’est vraiment un rêve qui s’est réalisé”, Pauline Théolissat

Vendredi soir à Monpazier, Pauline Théolissat a remporté le titre de championne de France Amateur Élite Grand Prix, la catégorie reine, au terme d’une magnifique course de 160 km avec Asmine des Pacouli. Dimanche, elle a presque signé un doublé, s’adjugeant la médaille d’argent de l’épreuve Amateur Élite disputée sur 130 km avec C’Pieraz du Vialaret. Rencontre avec cette charmante Marseillaise de vingt-sept ans, qui évoque notamment son parcours équestre et sa complicité avec sa sœur aînée, Mélody, professionnelle de la discipline et indissociable de ses performances… qui répond également à quelques questions!



Vous venez de vivre un week-end incroyable. Vous attendiez-vous à de telles performances, et notamment à ce titre national sur 160 km?

Pauline Théolissat : Non. C’est vraiment un rêve qui s’est réalisé, surtout avec Asmine, ma jument de cœur, que j’ai vue naître. Elle était au meilleur de sa forme, elle a parcouru la dernière boucle de la course 160 km avec une énergie qui m’a surprise. Lorsque j’ai compris que nous rattrapions les concurrents espagnols, je l’ai laissée faire. Je ne pensais pas qu’elle demanderait à avancer à ce point. Je crois qu’elle avait autant envie que moi de cette place! Asmine a été préparée par l’équipe de J’M endurance (la structure d’entraînement de Justin Mourou et Mélody Théolissat, située à Digne-les-Bains, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ndlr). Je remercie énormément Mélody pour son travail, et Justin pour la ferrure. C’est cette préparation qui m’a permis de décrocher ce titre.

Dimanche, vous avez décroché la médaille d’argent du championnat Amateur Élite sur 130 km monté avec C’Pieraz du Vialaret un cheval entraîné par Mélody qui, elle, a monté Wala de Jalima. Et vous avez terminé sept et huitième de la CEI 2*! Le rêve, non?

Pauline : C’Pieraz avait été médaillé de bronze du Mondial des chevaux de sept ans l’an dernier à Pise. Il a clairement des capacités. D’ailleurs, il avait déjà couru vite et bien donc Mélody avait prévu de le présenter dans cette épreuve. Comme elle avait aussi Wala de Jalima, elle me l’a confié. Mélody étant une cavalière de niveau Élite (comptant plus de dix classements en épreuves de 160 km, ndlr), elle ne pouvait prétendre au titre dans ce championnat Amateur Élite. Nous sommes arrivées ensemble, mains dans la main. Et j’ai remporté cette médaille. Même si ce n’était pas un objectif, ce fut une joie immense une nouvelle fois!

À Monpazier, il fait généralement très chaud à cette période de l’année. Ce week-end, la pluie s’est invitée et a considérablement modifié la gestion du terrain et des allures. Comment avez-vous géré votre parcours en fonction de ces paramètres?

Pauline : Franchement, il a certes plu, mais il a fait très lourd vendredi : il y avait peu d’air et la pluie a dégradé la piste. Il fallait être vigilant. Asmine ayant une ferrure en plastique, j’ai eu peur qu’elle ne glisse. D’ailleurs, Justin est venu vérifier et modifier la ferrure à mi-parcours. Du coup, je suis repartie bien plus sereine et la jument était plus à l’aise. Dimanche, il a fait plus frais sur les pistes, ce qui était bien plus agréable pour les chevaux comme pour nous.

Comment décririez-vous votre parcours équestre?

Pauline : J’ai commencé à monter à cheval à cinq ou six ans dans un centre équestre même si mes parents avaient des chevaux à la maison. Lorsque j’avais dix ans, ce club a fermé, et ma sœur et moi avons dû en trouver un autre. Là, j’ai vécu quelques frayeurs: on nous attribuait des poneys et chevaux qui n’étaient pas de notre niveau et après plusieurs chutes, une côte fêlée et un pied cassé, j’ai quitté le club. Je ne montais plus qu’à la maison et participais à des stages dans des centres équestres pour me perfectionner. C’est ainsi que j’ai obtenu la plupart de mes Galops jusqu’au 6.



“Je voulais avoir un métier et garder l’équitation et l’endurance en loisir”

L’endurance est une passion familiale. Mélody, vous qui faites naître et entraînez professionnellement des chevaux, comment avez-vous fait connaissance avec la discipline?

Mélody Théolissat : notre mère avait acheté un cheval aux origines inconnues nommé Shetan. Elle ne pouvait pas faire grand-chose avec un OI et n’était pas une cavalière classique, mais plutôt d’extérieur, alors elle a commencé l’endurance. Shetan n’avait rien d’un cheval typique d’endurance. Pourtant, il nous a tous accompagnés dans cette discipline, et a permis à mon père et moi de nous qualifier en CEI 3*.

Quand avez-vous décidé d’en faire ton métier?

Mélody : J’ai été repérée par Jean-Claude Guillaume en 2004 lors de ma première CEI 2* de 120 km, à Oletta en Corse, justement avec Shetan. J’avais quinze ans. L’année suivante, il m’a confié Adrar de Jalima et Jamila de Jalima. Je me suis installée en 2009 quand j’ai commencé à avoir plusieurs propriétaires. Et en 2013, j’ai participé avec Azelle de Jalima aux championnats d’Europe de Most, où nous nous sommes classées huitièmes en individuel et avons contribué à la médaille de bronze de l’équipe de France.

Pauline, contrairement à votre sœur, vous n’avez jamais voulu en faire votre métier?

Pauline : Non. Même jeune, lorsque j’entraînais des chevaux avec ma sœur et que je commençais à concourir beaucoup, je voyais bien que ce n’était pas fait pour moi. Mélody a quatre ans de plus que moi. Elle a commencé à valoriser les chevaux de l’écurie familiale et ceux d’autres propriétaires à dix-sept ans, et je l’ai rapidement aidée à les entraîner. J’aimais cela, mais je voulais avoir un métier et garder l’équitation et l’endurance en loisir.

Comment conciliez-vous votre métier de technicienne en recherche et développement dans un laboratoire de biologie avec l’endurance de haut niveau?

Pauline : Depuis que j’ai débuté sur le circuit international avec Asmine, celle-ci est à l’entraînement chez ma sœur. Auparavant, elle était en pension près de chez moi, dans les Bouches-du-Rhône, ou chez ma mère. Aujourd’hui, je me fixe des objectifs annuels, et trois mois avant une compétition, j’emmène Asmine chez Mélody. Elle la fait travailler la semaine et je viens la monter le week-end. En échange de cette aide, je monte aussi ses autres chevaux ou garde l’écurie lorsqu’elle s’absente. Cet arrangement entre nous fonctionne bien. De plus Asmine, a besoin d’être montée par un autre cavalier que moi. Je la connais par cœur, ce qui est réciproque. Autrement dit, elle connaît mes défauts et sait comment en tirer profit pour moins travailler. Et comme c’est la chouchoute, je lui passe beaucoup de choses! Par exemple, elle travaille mieux en carrière avec Mélody qu’avec moi. 

Quels sont vos plus beaux souvenirs sportifs?

Pauline : J’ai disputé ma première course d’endurance avec mon père, à Ribiers, sur 20 km (les épreuves 10 km n’existaient pas encore, ndlr). En 2005, à Toulouse, j’ai participé à mes premiers championnats de France Jeunes. J’ai disputé l’épreuve Minimes de 60 km avec El’Hadji, mon premier cheval d’endurance. Puis, en 2008, j’ai été sacrée championne de Provence Amateur 1 Grand Prix sur 90 km avec Koumga de Gargas. C’était ma première victoire!



“Je nous sens prêtes à nous attaquer à Florac!”

Comment s’est développé votre élevage familial?

Mélody : Ma mère avait une jument Anglo-Arabe, Elzecchias (Émir d’Espiens x Garde Impériale), qu’on lui avait vendue pour une bouchée de pain à deux ans lors d’une foire, car elle était difficile et fragile. Elzecchias a disputé quelques courses, mais elle était très sanguine, et cela ne fonctionnait pas.

Pauline : Peut-être n’était-elle pas faite pour la discipline ou peut-être que nous n’avions pas le niveau pour un cheval aussi difficile. Aussi, ma mère a décidé de lui faire faire un poulain. Noura des Pacouli, une fille de Sadepers et donc propre sœur d’Asmine, a été la première jument de l’élevage. Je l’ai montée sur le circuit de la Société hippique française jusqu’à la finale des six ans à Uzès. Ensuite, elle a été vice-championne du monde des sept ans (sur 130 km, ndlr) avec Mélody, en 2008 à Compiègne. La vente de Noura a été très dure à vivre pour moi, car je m’y étais énormément attachée. Nous avons alors décidé de répéter le croisement avec Sadepers. C’est ainsi qu’est née Asmine en 2010. Asmine est ma jument, je l’ai fait naître, l’ai débourrée, l’ai montée sur le circuit SHF et c’est avec elle que j’ai bouclée ma première CEI 3*.

Comment et où vit Asmine, hors entraînement, et comment est-elle préparée?

Elle vit dans un paddock avec abri, donc elle marche quotidiennement. Elle a accès à volonté au foin, un foin de prairie des basses-Alpes, car elle a besoin de beaucoup manger. En soutien à la préparation des compétitions, elle a du grain, mais seulement en période d’entraînement. Et, chaque année, elle a droit à une cure de compléments favorisant la préparation de l’effort et le bon fonctionnement métabolique. 

L’an dernier, vous aviez été présélectionnée en équipe de France Seniors avec l’objectif de courir les championnats d’Europe d’Euston Park. Aussi, le début de saison 2020 s’annonçait bien. Quel était votre programme avant que la pandémie de covid-19 ne vienne vider le calendrier international?

Je souhaitais courir à Castelsagrat, couse initialement prévue comme sélective pour l’équipe de France, alors que les mondiaux devaient se dérouler en septembre à Pise. En cas de sélection, la saison se serait achevée à Pise. Sinon, je comptais rebondir à Florac ou Monpazier. Si la saison s’était déroulée normalement, le Master se serait couru en plusieurs étapes, avec une finale à Monpazier. N’ayant qu’un seul cheval, je n’aurais pas pu prétendre au titre, à moins de gagner l’étape de Castelsagrat plus la finale, ce qui aurait été vraiment ambitieux. Donc je visais Florac. Avec la reprise des compétitions et le maintien du Master en une seule étape à Monpazier, j’ai choisi le championnat. Cela faisait huit ans que je n’avais pas couru ici. C’était un grand plaisir de retrouver ces pistes et l’ambiance de ce concours!

L’an prochain, quel sera votre programme?

Jean-Michel Grimal souhaite que les chevaux du groupe France disputent une CEI 1* en début de saison pour voir comment ils se portent et les préserver car il y aura deux équipes à constituer: l’une pour les championnats du monde de Pise et l’autre pour les Européens d’Ermelo. Selon le résultat de cette compétition, je n’ai pas déterminé mon objectif de saison, mais j’irais bien à Florac. 

Cette course légendaire vous fait rêver…

J’ai déjà couru la CEI 2* de 120 km, mais jamais la CEI 3* de 160 km. Avant, cette épreuve mythique m’inquiétait beaucoup: l’idée d’une boucle de nuit me faisait peur. À Monpazier, nous avons couru une heure et demie de nuit et cela s’est vraiment bien passé. Asmine a fait très attention et elle est concentrée. Elle était parfaite. De plus, mon assistant chef/compagnon m’avait acheté une super lampe pour être sûre de bien y voir, alors je nous sens prêtes à nous attaquer à Florac!