McLain Ward, l’accomplissement dans la discrétion (partie 1)
Acteur incontournable du saut d’obstacles depuis plus de vingt ans, McLain Ward est revenu sur le devant de la scène de manière fulgurante, jusqu’en avril 2017 où il s’est enfin adjugé la finale de la Coupe du monde Longines, aux rênes de sa phénoménale HH Azur Garden’s Horses. D’une nature discrète, l’Américain aborde avec franchise les grands épisodes d’une carrière épatante, et d’une vie qui n’a pas toujours été si simple.
McLain Ward est né le 17 octobre 1975 à Brewster, dans l’État de NewYork, aux États-Unis. Fils d’une mère passionnée de chevaux et d’un père cavalier de haut niveau et marchand de chevaux réputé, le jeune enfant n’a pas mis longtemps à grimper en selle. Dès l’âge d’un an, dans la grande ferme familiale, il côtoie ses futurs compagnons de route. En parallèle de l’école, sa mère, Kris, lui enseigne les bases de l’équitation avant de passer le flambeau à son père, Barney, ainsi qu’à Paul Vallière, entraîneur très célèbre outre-Atlantique. Pas très à l’aise à poney lors de ses jeunes années, McLain admet que ses débuts ne resteront pas dans les annales.
Tout bascule à l’âge de treize ans quand l’adolescent passe à cheval. En quelques mois, il devient très compétitif, accumulant les excellents résultats en compétition. Tant et si bien qu’à quatorze ans, il est le plus jeune cavalier à remporter l’USET Medal Finals et le USET Talent Derby, épreuves phares pour la relève américaine. En 1991, après avoir reçu le titre du Rookie of the Year dans son pays, il décroche la médaille d’or par équipes aux championnats d’Amérique du Nord Jeunes Cavaliers, premier grand rendez-vous de sa carrière. Avant lui, aucun cavalier n’était jamais parvenu à s’emparer de ces deux titres la même année. “N’ayant que quinze ans, j’étais un peu jeune et sans grande expérience pour concourir en Jeunes Cavaliers. Je montais The Advocate, un très bon cheval qui venait de Belgique. Nous formions une super équipe, une chouette et prometteuse génération. À partir de ces championnats, les gens ont commencé à me connaître un peu plus. Cet événement a vraiment lancé ma carrière.”
“The Kid”, comme on le surnomme désormais, gravit les échelons un à un, grandement aidé par son père et les collaborateurs de ce dernier. “Mon père comprenait les chevaux: comment ils fonctionnaient, comment les monter… Il s’était fait tout seul, à force de travail. Il m’a fait profiter de ses conseils et permis d’aller me perfectionner en Europe pour progresser plus rapidement. J’ai aussi appris à être exposé assez tôt. Aujourd’hui, d’ailleurs, c’est encore plus difficile à ce niveau-là. À l’époque, je ne réalisais même pas tout ce que je vivais parce que c’était mon monde, mon quotidien.”
Une première finale pleine d’audace
En 1993, McLain Ward accueille Orchestre (SF, Artichaut x Ibrahim), un hongre anciennement monté par Virginie Coupérie-Eiffel ayant déjà sauté quelques Grands Prix internationaux. Deux ans plus tard à Göteborg, en Suède, il dispute avec l’alezan sa toute première finale de Coupe du monde. Nullement intimidé par l’enjeu, admirable d’audace, il y termine dixième. La carrière du jeune homme, alors âgé de dix-neuf ans, s’écrit désormais au plus haut niveau. Après des passages plus ou moins longs dans les écuries du Belge François Mathy, premier partenaire européen de la famille Ward depuis des décennies, du Néerlandais Albert Voorn et de l’Allemand Paul Schockemöhle, McLain s’établit définitivement aux États-Unis, à quarante kilomètres de New York, dans les écuries familiales que Barney avait achetées en 1979. Ces installations à l’ancienne mode américaine s’avèrent fonctionnelles et très esthétiques.
C’est là que le cavalier prépare sa première grande échéance en équipe nationale Seniors, les Jeux olympiques d’Athènes. Il s’y rend avec Sapphire (ex-Safari van’t Merelsnest, BWP, Darco x Hedjaz), une alezane aux moyens démesurés tout juste âgée de neuf ans. Au terme d’un incroyable concours disputé sur un terrain en herbe trop sec qui a fait tant de dégâts parmi leurs adversaires, les États-Unis décrochent la médaille d’or, tandis que McLain se classe vingt-septième en individuel. Vainqueur de nombreux Grands Prix et médaillé d’argent par équipes aux Jeux équestres mondiaux (JEM) d’Aix-la-Chapelle en 2006, le duo repart à la conquête de l’Olympe en 2008, à Hong Kong. Cette fois, tout est à point. Jamais aussi brillante que dans la moiteur des nuits asiatiques, Sapphire survole tour après tour. Les Américains décrochent alors une seconde médaille d’or consécutive, prouvant qu’ils n’ont plus rien à envier à la grande Allemagne, qui est plus empêtrée dans des scandales de dopage…
La série s’arrête brutalement en 2012 à Londres, où l’Oncle Sam doit se contenter de la sixième place par équipes, et son pilier masculin du vingt-neuvième rang avec Antares F (DSP, Araconit x Cento). Quelques mois plus tôt, il n’était même pas sûr de pouvoir y participer, ayant dû subir une périlleuse opération d’une rotule, qu’il s’était fracturée en vingt-deux morceaux en heurtant un chandelier lors d’un Grand Prix disputé à Wellington, en Floride.
McLain Ward brille aussi sur le circuit hivernal, enchaînant dix-sept finales de Coupe du monde entre 1995 et 2017! Deuxième en 2009 à Las Vegas, il semble idéalement placé pour l’emporter au printemps suivant à Genève. Il pointe même en tête du classement général après les deux premières épreuves… quand Sapphire se voit exclue de la compétition par les vétérinaires pour un cas très contesté d’hypersensibilité sur l’antérieur gauche. Il clame son innocence, mais rien n’y fait, il ne peut repartir. “Pour moi, les conclusions n’étaient pas justifiées. Sur place, quasiment toutes les parties prenantes, y compris les fédérations, s’étaient accordées sur le fait que ma jument n’aurait jamais dû être disqualifiée et que cette décision était injuste. C’est vraiment dommage parce que Sapphire aurait probablement gagné. Elle était en excellente forme. J’ai été très frustré, et le suis encore. Mais dans ce sport, si l’on veut réussir une longue carrière, il faut être capable de rebondir après les échecs. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec Sapphire, puisque dans les mois qui ont suivi, nous avons remporté les Grands Prix de La Baule, Rome et Calgary”, rappelle-t-il. Deux mois plus tard, la Fédération équestre internationale s’accorde avec l’intéressé pour reconnaître qu’il n’aurait pas dû être éliminé… Sapphire prend sa retraite en 2012, après huit saisons rythmées par de nombreuses victoires en Grands Prix, avant de s’éteindre prématurément de coliques le 22 juin 2014. “Elle nous manque. Nous aurions aimé qu’elle puisse profiter d’une paisible retraite. Mais cela fait partie de la vie… Nous sommes quand même fiers de la vie qu’elle a menée et de la façon dont nous l’avons chérie”, ajoute-t-il.
Désormais, McLain doit compter sur Rothchild (sBs, Artos x Élégant de l’Île), un alezan au caractère de feu et au style atypique qui endosse finalement le rôle de cheval de tête avec succès. L’étalon se retrouve même sélectionné pour les Jeux équestres mondiaux de Normandie en 2014, où il contribue à une médaille de bronze par équipes. À l’issue de la demi-finale, le duo “échoue” au cinquième rang, aux portes de la finale tournante… Dans le cœur du cavalier, la légitime déception est largement comblée par la satisfaction d’être arrivé si loin avec ce cheval, en qui il ne croyait pas du tout à ses débuts. L’année suivante, le couple est récompensé par deux médailles aux Jeux panaméricains de Toronto: l’or en individuel et le bronze par équipes.
La coupe… et le brassard de numéro un!
C’est alors que HH Azur Garden’s Horses (sBs, Thunder van de Zuuthoeve x Sir Lui) émerge au plus haut niveau. Cette grande baie aux allures époustouflantes devient rapidement le grand espoir de l’écurie Ward, encourageant François Mathy et le richissime Hunter Harrison à investir en elle. Enchaînant les excellentes performances en 2015 et durant l’hiver 2016 à Wellington, la paire éclabousse le CSIO5* de Rome de sa majesté, et décroche une sélection logique pour les Jeux olympiques de Rio. À dix ans, Azur se sort à merveille de son premier sommet planétaire, participant activement à l’argent par équipes gagné par les États-Unis, battus par la France. Un poil moins fringante en finale individuelle, elle termine à une belle neuvième place.
En cette année 2017 exempte de grands rendez-vous collectifs pour les Nord-Américains, le pilote fait de la finale de la Coupe du monde Longines son principal objectif. Devant son public, à Omaha, rien ne résiste à son passage, Azur gagnant les trois épreuves au programme avec une aisance insolente. Le couple s’impose même sans concéder la moindre pénalité. Deux semaines plus tard, cette prodigieuse performance permet à McLain de reprendre le brassard Longines de numéro un mondial, qu’il a été le premier Américain à revêtir. “Accéder à ce rang est toujours un grand honneur, car cela reflète une constance au très haut niveau que nous recherchons tous sans cesse”, confie-t-il.
Jouissant d’une belle carrière professionnelle, McLain Ward s’épanouit également en privé. En couple depuis dix ans avec Lauren, cavalière évoluant en Amateur, le jeune quadragénaire est l’heureux papa de Lilly, née voici deux ans. “Lauren et moi pouvons tout partager, car nous vivons le même quotidien”, se réjouit-il. La famille s’épanouit toujours dans la propriété acquise jadis par Barney Ward. Le couple vient d’ailleurs d’achever la construction d’une nouvelle maison, juste à côté de celles de ses employés qui vivent tous sur place, dans une ambiance familiale et décontractée.
Contrairement à ce qu’il peut laisser transparaître, McLain Ward est bel et bien un être sensible, chaleureux et sympathique. La carapace qu’il endosse en concours viserait surtout à protéger son jardin secret, peuplé de quelques blessures et erreurs de jeunesse… En 1996, Barney Ward avait été condamné à trente-trois mois de prison pour avoir cassé ou fait casser des membres de quatre chevaux dans le cadre d’une arnaque à l’assurance. Un épisode douloureux dans la vie d’un fils encore adolescent. Trois ans plus tard, lui-même avait été suspendu à vie du CHIO d’Aix-la-Chapelle pour avoir inséré des clous en plastique dans les guêtres d’un cheval afin de mieux lui faire lever les antérieurs. Il avait alors dû se fendre d’une lettre d’excuse pour pouvoir retrouver le stade de la Soers en 2004.
Depuis le décès de son père d’un cancer de la prostate, le 27 octobre 2012, le champion, qui avait déjà perdu sa mère en 2005, concourt toujours avec une photo de lui dans la poche de sa veste. Un rite qui en dit long sur sa fidélité à cet homme qui lui a tout appris. Entouré d’une famille aimante et soudée, d’amis fidèles, et doté d’une maîtrise incommensurable, à quarante et un ans, McLain Ward semble encore loin d’avoir clos son palmarès.
Palmarès
Jeux olympiques (quatre participations): médaillé d’or par équipes en 2004 àAthènes et en 2008 à Hong Kong avec SAPPHIRE, médaillé d’argent par équipes en 2016 à Rio de Janeiro avec HH AZUR.
Jeux équestres mondiaux (quatre participations): médaillé d’argent par équipes en 2006 à Aix-la-Chapelle avec SAPPHIRE, médaillé de bronze par équipes en 2014 à Caen avec HH ROTHCHILD, médaillé d’or par équipes en 2018 à Tryon avec CLINTA.
Jeux panaméricains (deux participations): médaillé d’or par équipes en 2011 à Guadalajara avec NIKITAF, médaillé d’or en individuel et de bronze par équipes en 2015 à Toronto avec ROTHCHILD.
Finales de la Coupe du monde Longines (dix-huit participations): vainqueur en 2017 à Omaha et quatrième en 2018 à Paris avec AZUR, deuxième en 2009 à Las Vegas avec SAPPHIRE.
Victoires en Grands Prix CSI et CSIO5*depuis 2009: à Wellington avec SAPPHIRE en 2009, à La Baule, Rome et Wellington avec SAPPHIRE et à Dublin avec ANTARES F en 2010, à Anvers avec ROTHCHILD en 2014, à Calgary avec AZUR et à Wellington avec HH CARLOS Z en 2015, à Rome avec AZUR et à Wellington avec ROTHCHILD et CARLOS en 2016, à Wellington avec AZUR en 2017, à Dinard et New-York avec CLINTA en 2018, à Tryon avec NOCHE DE RONDA et à Wellington avec AZUR en 2019, à Wellington avec AZUR et NOCHE DE RONDA en 2020.