Bibici, la si prometteuse et précoce “Reine fainéante” de Grégory Cottard

Il y a tout juste une semaine, Bibici participait à son tout premier Grand Prix CSI 5* à Grimaud. À seulement neuf ans, l’élégante grise de Grégory Cottard a encore une fois impressionné son monde en ne touchant aucune barre et en sortant de piste avec un seul point de temps dépassé. Précoce et promise à de grandes choses, la fille d’Ueleme et Norman Pré Noir, deux chevaux chers à Olivier Jouanneteau, a connu un parcours déjà riche en succès, notamment marqué par un titre de championne de France à cinq ans. Les cavaliers qui ont jalonné son chemin gardent en mémoire une jument talentueuse et appliquée, mais grincheuse et fainéante. Son talent fait le reste ! Quoi qu’il en soit, Grégory Cottard nourrit de grands espoirs et espère bien que Bibici ne sera pas zappée à l’heure des choix. Portrait. 



Sous la selle de Pauline Jouanneteau, Bibici a fait ses gammes à quatre ans, terminant quatrième du championnat de France des juments.

Sous la selle de Pauline Jouanneteau, Bibici a fait ses gammes à quatre ans, terminant quatrième du championnat de France des juments.

© Scoopdyga

On la remarque d’abord par ses pommelures, encore très présentes malgré ses neuf ans. Elle attire ensuite l’œil par sa technique impeccable sur le saut, puis enfin par ses résultats si constants. On aurait tendance à l’oublier, mais Bibici n’a que neuf ans, et prouve pourtant parcours après parcours que tous les espoirs sont permis. Son cavalier Grégory Cottard peut se prendre à rêver de grandes choses avec sa grise. Et on le comprend. 

 

Pur produit de l’élevage français, Bibici est née le 10 avril 2011 dans l’Oise, au haras de Villers, dans les prés d’Olivier Jouanneteau. Ce dernier a d’ailleurs marié sa chère Ueleme, avec laquelle il a remporté la Coupe du monde de Bordeaux en 2002 et défendu les couleurs de l’équipe de France à de nombreuses reprises, ainsi que Norman Pré Noir, un étalon disparu en 2018 qui lui appartenait également et dont les plus hauts faits ont été des classements jusqu’en Grand Prix CSI 3* avec Olivier Guillon. “Un croisement maison”, comme le résume bien la fille du naisseur, Pauline, qui a été chargée de faire découvrir les compétitions à la jeune Bibici à quatre ans. “Elle était très facile, assez sûre d’elle, et semblait assez normale aux écuries et au paddock. Elle se ménageait un peu et ne s’amusait pas beaucoup sur le plat. En revanche, dès qu’elle franchissait la ligne de départ, elle se transformait en vraie jument de concours et ne voulait pas toucher les barres. Bibici était aussi une jument de caractère et passer une flaque d’eau pouvait être compliqué”, se souvient l’amazone désormais installée en Normandie. À quatre ans, Bibici est exemplaire et ne tarde pas à taper dans l’œil de la famille Paillot, qui en fait l’acquisition en juin, avant la finale nationale. “Ils étaient venus la voir aux écuries et ne l’avaient même pas essayée”, précise Pauline Jouanneteau, qui mène la grise jusqu’à la quatrième place du championnat de France des juments, décrochant bien sûr la mention “élite”

Peu après, Bibici déménage à une trentaine de kilomètres au sud du haras de Villers, pour rejoindre ses propriétaires à Chamant, dans le bucolique haras de Plaisance de la famille Paillot. Alors cavalier au sein de la structure, Edgar Paillousse prend les rênes de Bibici à cinq ans. Son souvenir se rapproche d’ailleurs de celui de sa première cavalière. “Bien que sérieuse, Bibici n’était pas très démonstrative, voire même fainéante à la maison. Toutefois, dès qu’elle entrait en piste, elle se donnait à cent pour cent, c’était un vrai bonheur”, se remémore le formateur. “À l’époque, je ne savais pas évaluer ses moyens et dire si elle pouvait sauter les parcours les plus importants, d’autant plus qu’elle grognait sur chaque saut”, ajoute-t-il. Comme l’année précédente, Bibici répète les prestations impeccables et fait preuve d’une régularité remarquable. “Elle a dû laisser une seule barre à terre de la saison !”, souligne Edgar Paillousse, qui parfait les réglages aux côtés du cavalier de l’équipe de France Nicolas Delmotte. “Avant la finale de Fontainebleau, je l’ai travaillée avec Nicolas Delmotte, qui m’a aussi donné un coup de main lors du championnat. Sans faute les deux premiers jours, Bibici n’avait pas obtenu d’excellentes notes au modèle, ce qui nous avait mené à la dixième place avant la finale”, confie le cavalierLors de cet ultime rendez-vous, Bibici survole encore la concurrence, qui elle, flanche. “Les neuf couples devant nous ont tous fait des fautes, et c’est ainsi que Bibici est devenue championne de France. Je ne pensais pas qu’elle s’imposerait car beaucoup de bonnes juments la précédaient”, se souvient son cavalier avec fiertéCe dernier ne manque d’ailleurs pas de suivre et de se réjouir de l’ascension de celle qu’il décrit comme “une jument très attachante, vraiment gentille, et qui hennissait dès qu’elle nous voyait pour que l’on s’occupe d’elle”. 




“Grégory et Bibici se sont bien trouvés”, Marie Hécart

En 2017, Bibici avait traversé l'Atlantique pour se rendre à Wellington et concourir sous la selle d'Alexandra Paillot

En 2017, Bibici avait traversé l'Atlantique pour se rendre à Wellington et concourir sous la selle d'Alexandra Paillot

© Sportfot

Après ce premier grand titre, Bibici passe sous la selle d’Alexandra Paillot, qui lui fait traverser l’Atlantique pour s’aguerrir à Wellington, en Floride, où elle est installée chaque hiver. Fin 2017, Bibici est finalement confiée dans un objectif de commercialisation à Marie Hécart, installée chez les Paillot. 

La cavalière qui a connu ses plus beaux moments de sport avec Myself de Brève se souvient elle aussi d’une jument flegmatique. “Elle a toujours été très cool, vraiment bien dans ses baskets. À la maison, je ne la montais même pas moi-même, sauf parfois lorsqu’il s’agissait de sauter”, se rappelle-t-elle, consciente de monter une jument possédant de grandes qualités. “On ne peut jamais dire si un cheval atteindra un jour le plus haut niveau lorsqu’il est encore jeune, mais je savais que Bibici avait le potentiel pour prendre part à de beaux Grands Prix”. À sept ans, la grise enchaine encore les belles prestations, et lorsque Grégory Cottard fait part à Marie Hécart qu’il cherche un cheval à former vers le haut-niveau, cette dernière pense tout de suite à sa recrue. Un mariage qu’elle suit d’ailleurs rigoureusement et avec enthousiasme : “Je suis vraiment heureuse qu’elle soit désormais associée à Grégory, qui la monte exactement comme elle doit l’être. Tous deux se sont bien trouvés !”   

Dès le premier essai, Grégory Cottard n’a pas même besoin de sauter d’obstacles trop imposants pour tomber sous le charme de Bibici, qui fait aussi tourner le cœur de la fidèle propriétaire du Francilien, Marie-Caroline Besins. Bien qu’interloquée par les grognements de la grise à chacun de ses sauts, qu’elle qualifie de “parcours sonores”, celle qui exerçait auparavant le notariat à Paris fait l’acquisition de la fille de Norman Pré Noir à l’été 2018. 

“Lors de nos premiers parcours, j’ai mis un peu de temps à me mettre avec elle, mais en fin d’année de sept ans, elle avait déjà signé un double zéro dans une épreuve en manège à 1,45m, à Opglabbeek”, se souvient Grégory Cottard. À huit ans, Bibici confirme qu’elle peut être qualifiée de surdouée. Malgré deux Grands Prix manqués début 2019, elle se classe parmi les meilleurs dans les Grands Prix CSI 2* de Mons et CSI 3* de Deauville, Valence, Bonheiden. Surtout, elle signe un remarquable double zéro et une quatrième place dans le relevé Grand Prix CSI 4* de Rouen. “Déjà à huit ans, elle se baladait dans les Grands Prix CSI 3*”, s’exclame le champion de France Pro Élite de 2013 avec Pépyt’des Elfs. 

“Elle a toujours besoin d’un concours ou deux pour se mettre en route car elle est très respectueuse. Une fois enclenchée, elle est capable de sauter n’importe quel parcours !”, explique Grégory Cottard, qui lui a fait enchaîner un parcours à 1,30m par semaine lors du confinement afin de la garder en forme. Celle-ci a ensuite pris part aux stages fédéraux et évolué sous les yeux du sélectionneur national Thierry Pomel, de son adjoint Édouard Couperie, ainsi que du formateur de l’équipe de France Henk Nooren, pour finalement reprendre la compétition mi-juin lors d’un concours national à Bonneval. Bien qu’exemplaire lors de ce concours de reprise, Bibici n’a pas connu un retour aussi réussi en compétition internationale, chutant heureusement sans gravité. “Après Bonneval, nous devions enchaîner avec Grimaud, mais il y a eu un couac dans les sélections, donc nous n’avons pu y aller que deux semaines après. Lors de l’épreuve majeure du premier jour, Bibici sautait un peu trop haut car elle n’avait pas concouru depuis longtemps. Elle a regardé un obstacle, que nous avons traversé tous les deux. Deux jours après dans le Grand Prix, elle a commis deux fautes mais j’ai très mal monté. Nous avons ensuite mis deux concours à retrouver la confiance”, résume le Francilien



“Elle est très demandée, encore plus depuis dimanche”, Grégory Cottard

© Sportfot

Une fois cet épisode oublié, Bibici mène son cavalier à la sixième place du Grand Prix CSI 3* d’Opglabbeek, “un Grand Prix énorme. Je crois que nous n’avions encore jamais sauté un tel parcours, sauf peut-être à Rouen”, dit-il. Après une faute mais un beau comportement dans les Grands Prix CSI 3* de Deauville et CSI 4* de Grimaud, la belle pommelée prend part à son tout premier Grand Prix CSI 5*, à Grimaud encore, le 20 septembre. Sur un tracé délicat, Bibici se déjoue de toutes les difficultés avec aisance, comme en témoigne la vidéo ci-dessous. Seul un point de temps dépassé la prive du précieux ticket d’accès au barrage. “Elle était magique ! C’était à son image, exceptionnel ! Lorsque je reconnais un parcours, je ne m’inquiète ni de la technicité, ni de la hauteur, je sais qu’elle est capable de tout. De temps en temps, il m’arrive même de la mener à la faute car je compte presque trop sur sa qualité”, avoue le cavalier français. Lorsqu’il s’agit de trouver des qualités à sa protégée, Grégory Cottard ne manque pas d’arguments. “Elle est très généreuse, respectueuse, courageuse et possède de gros moyens. Elle a tout !” Presque tout dirons-nous plutôt, puisqu’il lui manque un bout d’oreille, vestige d’une petite péripétie lorsqu’elle était encore pouliche…

“Au paddock, elle ne fait pas spécialement rêver. Elle a l’air très normale, d’autant plus que je ne lui fais jamais sauter au-delà d’1,40m, même avant un Grand Prix à 1,60m. En piste, elle se transcende”, précise le quadragénaire installé à Drocourt. Comme ses cavaliers précédents, il souligne aussi la paresse de cette lady. “Elle est vraiment molle… Sur le plat, elle n’a aucun sang et il faut être motivé pour deux, c’est une catastrophe. Elle est vraiment flemmarde. Je la compare parfois à Ourasi, le mythique trotteur appelé le « Roi fainéant ». Elle grogne constamment. Dès que je lui demande un départ au galop, que je mets la jambe, ou qu’elle saute, elle grogne sans arrêt. Elle ronchonne, quoi ! En dehors de cela, c’est un vrai bonheur de s’en occuper au quotidien, elle est très normale. En extérieur, il lui arrive de regarder les tâches sur le sol, mais j’ai remarqué que cela était souvent le cas avec des chevaux respectueux”, complète-t-il. “Pour le moment, je crois qu’il s’agit du seul cheval de mon écurie avec lequel je n’ai pas gagné d’épreuve, mais plutôt parce que j’ai eu le temps de la construire. Il est certain qu’elle en gagnera à l’avenir”, ajoute le cavalier. 

Sous le feu des projecteurs grâce à ses qualités et ses résultats, Bibici suscite évidemment beaucoup d’intérêt. “Elle est très demandée, encore plus depuis dimanche. Mais ceux qui sont intéressés n’avaient qu’à l’acheter avant nous (rires) ! Beaucoup l’ont essayée avant moi d’ailleurs”, lâche Grégory Cottard. “Bien sûr, elle attire les convoitises. L’objectif est pour l’heure de la garder car elle pourrait permettre à Grégory de retrouver le chemin du haut niveau et d’y participer durablement. Ils le méritent car ils forment un véritable petit couple”, précise sa propriétaire Marie-Caroline Besins, qui a marié sa protégée à Cornet Obolensky grâce à un transfert d'embryon attendu pour l'an prochain.  

“J’ai eu une discussion avec Thierry Pomel pendant le CSI 5* de Grimaud. Il m’a fait savoir qu’il comptait sur moi et aimerait que j’intègre l’équipe première l’an prochain”, s’enthousiasme Grégory Cottard, désireux de porter à nouveau la veste de l’équipe de France. “On ne peut rien lui reprocher, elle répond toujours présente. En quinze jours à Grimaud, elle s’est améliorée à chaque parcours. J’ai déjà monté des juments exceptionnelles comme Pépyt’des Elfs, Régate d’Aure ou Urhelia Lutterbach, mais Bibici est la première qui réunit autant de qualités. Elle a vraiment le profil d’une jument de championnat car elle est capable d’enchaîner les parcours sans faute et se bonifie de parcours en parcours. Elle a les épaules pour cela”. Espérons donc que ces deux la pourront un jour s’exprimer lors de grandes échéances.