Les conseils d’Éric Louradour pour travailler en extérieur
Si le travail en extérieur est parfois négligé, craint, voire évité par certains cavaliers, il est pourtant un excellent moyen de diversifier l’entraînement du cheval de sport. Très conscients des bienfaits d’un environnement naturel sur le moral et le physique de leurs partenaires équins, de plus en plus de cavaliers professionnels en sont adeptes. Éric Louradour, ancien cavalier international et instructeur réputé, fait part de ses astuces pour des promenades actives et efficaces.
Que l’on cherche à améliorer le souffle de sa monture, développer sa masse musculaire ou entretenir son moral, le travail à l’extérieur est toujours une bonne idée. Idéal pour mettre un cheval en condition, les sols variés, vallonnés ainsi qu’un environnement naturel et changeant, sont les meilleurs alliés d’un équidé sain de corps et d’esprit. “Il y a plusieurs effets bénéfiques”, affirme Éric Louradour. “Il ne faut pas oublier que le cheval est un nomade. De par ce biais, il aura bien plus d’enthousiasme au travail s’il peut évoluer en extérieur. Il pourra même travailler sans s’en rendre compte, que ce soit au niveau de ses muscles, de son souffle ou de son cardio. Il y a de grandes chances qu’il y mette également beaucoup plus de volonté.”, poursuit-il. Et il n’est pas le seul à l’affirmer. Grand adapte des longues promenades en forêt de Fontainebleau, Thierry Rozier, envisage le travail en extérieur comme un moyen de rendre l’entrainement plus complet. “Il est plus qu’intéressant que de varier l’équilibre en fonction du relief. Plus le temps passe, plus je trouve que les cavaliers s’aperçoivent que leurs chevaux donnent des mouvements en extérieur qu’ils ne font pas sur la carrière”. assure le Francilien.
Se rapprocher de la nature pour mieux communiquer
Pour Éric Louradour, toute séance d’équitation devrait commencer par une introspection de la part du cavalier. “Bien souvent, le cavalier amateur arrive aux écuries en pensant à ses problèmes du boulot et ses soucis du quotidien, ce qui fait qu’il n’est pas toujours dans le bon état d’esprit pour monter à cheval. Peu de cavaliers se font un examen de conscience avant de monter à cheval. C’est ce qui fait que certains cavaliers ont parfois tendance à défouler leurs nerfs à cheval dès que celui-ci fait le moindre pas de travers.”, déplore-t-il. “Monter en extérieur permet de se ressourcer et se rapprocher de la nature afin d’être plus serein.” En effet, partir marcher quelques temps dans la nature avant de commencer une séance en carrière peut s’avérer être un bon moyen de se recentrer sur soi-même et entrer en communion avec son cheval. Motivé par le fait de découvrir de nouveaux lieux, celui-ci n’en reviendra que plus disponible et détendu. À propos de l’importance du rapport du cheval à la nature, le cavalier poursuit: “Je déplore souvent que l’on ait déplacé les centres équestres près des centres-villes pour des raisons commerciales, éloignant souvent les chevaux à leur environnement naturel, ce qui est à mon sens regrettable. On voit d’ailleurs de plus en plus d’écuries de haut niveau s’équiper de pistes de galop ou de vastes terrains en herbe. On retourne progressivement vers ce contact avec la nature, c’est ce que de plus en plus de cavaliers recherchent. Même au niveau amateur, ce serait très bénéfique. Un cheval blasé et las perdra inévitablement de sa générosité. Or, il est vraiment très important pour un cavalier amateur d’avoir un cheval susceptible de l’aider et d’accepter ses erreurs. Plus on réfléchit à cela, plus on a de chance de mettre son cheval de son côté et de le rendre coopératif.”
Inévitablement, partir en s’entraîner en extérieur avec son cheval implique le risque de se voir confronté à des situations inhabituelles, effrayante, voire dangereuses pour le cavalier et sa monture. Selon le cavalier, il s’agirait précisément de l’une des raisons pour lesquelles il est important de s’astreindre à cet exercice. “Dehors, le cheval va devoir affronter ses démons, mais même lorsqu’il y a de l’appréhension de la part du cavalier, c’est justement là que cela devient intéressant et que doit intervenir la relation entre les deux partenaires. Il faut affronter cela comme un travail obligatoire qui doit faire partie de l’entraînement”, affirme-t-il. Il poursuit: “J’ai personnellement un cheval de nature très craintive. Pour y remédier, j’ai fait deux promenades avec lui, à pied, au cours desquelles je le rassurais à chaque fois qu’il avait peur de quelque chose. Lors de la troisième promenade que j’ai faite sur son dos, il avait pris confiance. Lui qui avait l’habitude de faire des demi-tours, je n’avais plus qu’à lui parler pour qu’il passe à côté des éléments qui l’effrayaient. Aller régulièrement en extérieur permet d’obtenir des chevaux beaucoup plus sûrs et qui passent partout, ce qui peut s’avérer très utile en compétition.”
Quels exercices pour sortir de la routine ?
Il n’est pas rare, pour des cavaliers amateurs, de tomber dans une routine de travail à force de s’entraîner seul. Ce cercle vicieux, souvent provoqué par commodité ou par manque d’idée pour innover, est à la fois néfaste pour l’apprentissage du cheval et de son cavalier. Et comme le dit Miche Robert: “L'ennemi juré de tout couple cavalier-cheval, c'est la répétition. Elle endort tout le monde!” Pour autant, il n’est pas toujours simple de diversifier son entraînement lorsque notre activité équestre ne représente au mieux que quelques heures par jour. Selon Éric Louradour, il n’est pas nécessaire de se compliquer la tâche: “On peut parfaitement monter son cheval en extérieur comme on le fait habituellement en carrière et en manège, en commençant par des choses simples. On peut lui demander d’adopter n’importe quelle attitude, tout dépend de l’aspect sur lequel on souhaite travailler. En extension, rassemblé, ou au contraire, le nez au vent pour davantage travailler sur le souffle”, explique-t-il.
Pour commencer, rien de mieux qu’une session de trotting. Excellent exercice de mise en souffle pour le cheval, il peut s’avérer extrêmement bénéfique aussi bien le plan musculaire que moral, à condition de respecter les capacités et les limites de sa monture. Pour cela, l’instructeur a quelques conseils: “Au début, il faut fractionner les phases de trot. Le meilleur repère est la transpiration. À partir du moment ou le cheval commence à transpirer, il faut faire une pause. Ensuite, en fonction de cela, on peut se fixer des objectifs en prenant sa montre et en se disant par exemple « là je vais faire sept minutes de trot sans m’arrêter ». C’est comme lorsque nous allons à la salle de sport, on fait des pauses régulièrement de façon à laisser les muscles s’oxygéner à nouveau et pouvoir retravailler les même exercice dont le bienfaits ne seront que plus grands.”
Adapter son allure en fonction du sol
Si l’idée d’un galop effréné dans les champs peut faire envie à plus d’un amateur de sensations fortes, attention toutefois à ne pas mettre sa monture en danger sur un sol inadapté. Outre les pierres, trous, taupinières et autres obstacles naturels qui pourraient faire trébucher le cheval, les tendons et les articulations des équidés peuvent également souffrir d’un sol trou mou ou trop dur en fonction de l’allure choisie. Pour éviter cela, on préfèrera galoper sur des sols sablonneux, mais pas trop profonds ou bien de l’herbe. Au trot, on s’assurera d’évoluer sur un sol vierge de dangers. “Le cavalier doit toujours garder à l’esprit qu’il est la tête pensante du cheval. Il doit pouvoir prévoir où sa monture va poser les pieds. Il peut même parfois être utile de faire une reconnaissance du chemin à pieds, en vélo ou à cheval, au pas, de manière à pouvoir partir sereinement sans faire prendre de risque à sa monture.”, rappelle Éric Louradour. “Beaucoup de cavaliers dans le tourisme équestre, par exemple, ne sont pas suffisamment sensibilisés à cet aspect là, ce qui fait que l’on y voit souvent des chevaux irréguliers. Avec des chevaux de concours, il faut être beaucoup plus attentif.”, avertit l’homme de cheval. Il poursuit : “D’un point de vue purement physique, le fait d’évoluer sur des sols changeants, avec des montées, des descentes et des profondeurs différentes, constitue toutefois une aide à ne pas négliger. Même lorsque l’on a à disposition que des petites routes de campagne goudronnées, on peut s’y promener au pas, voire au petit trot, pour endurcir les tendons. On a pris l’habitude de toujours faire travailler les chevaux sur des terrains plats et sablonneux, ce qui fait que les articulations travaillent toujours de la même manière. Lorsque le le cheval se déplace sur un terrain plus dur, le niveau de flexion des phalanges est beaucoup plus important que sur un terrain mou. Il descendra davantage ses talons et l’articulation s’assouplira.” L'ostéopathe équin Jérôme Legraverant, basé à Saint Lô, confirme: “Il faut trouver le juste milieu entre les sols mous, qui sollicitent les tendons, et les sols durs. Travailler en extérieur est une bonne solution, car souvent en carrière les chevaux sont trop comprimés et étriqués. Une fois à l’extérieur ils s’étendent, ce qui leur fait énormément de bien”.