“L’IFCE est et doit rester au service de la filière française du cheval”, Alain Tisseuil

Le 24 septembre, via un décret du Président de la République, Alain Tisseuil a été nommé président du conseil d’administration de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) pour une durée de trois ans. Le maire d’Arnac-Pompadour et vice-président de la communauté de communes de Pompadour-Lubersac, a succédé à Jean-Michel Marchand, ancien maire de Saumur et toujours président de la communauté d’agglomération Saumur Val-de-Loire, en poste depuis janvier 2017. Kinésithérapeute âgé de soixante-trois ans, l’élu corrézien assure qu’il se cantonnera pas à la défense du site de Pompadour, regroupant le plus grand nombre d’agents de l’IFCE, mais qu’il poursuivra la mue d’un établissement public plus que jamais au service de la filière du cheval et de ses problématiques actuelles et futures.



Comment devient-on président de l’IFCE? Outre l’implantation de ses services sur le territoire de votre commune, qu’est-ce qui vous a poussé à viser cette fonction?

D’abord, l’année ne fut pas simple. En raison de la pandémie de Covid-19, le conseil d’administration de l’IFCE ne s’est pas réuni pendant dix mois, entre le 4 décembre 2019 à Villepinte, en marge du Salon du cheval de Paris, et le 17 septembre dernier au Haras national de Pompadour. Nos réunions prévues à la fin de l’hiver et au printemps n’ont pas pu avoir lieu à cause de la situation sanitaire. Lors de notre conseil d’administration de rentrée, les débats ont été menés par le commissaire du Gouvernement, en attendant la nomination d’un nouveau président.

On devient président de cet établissement parce qu’on le connaît, qu’on en a envie et qu’on en manifeste la volonté auprès des personnes qui peuvent peser sur cette nomination. Pour ma part, mon désir était un secret de polichinelle! J’ai successivement rencontré l’ancien et l’actuel ministres de l’Agriculture (Didier Guillaume puis Julien Denormandie, ndlr), à qui j’en ai fait part. Je n’étais sûrement pas le seul sur les rangs. De plus, c’est à Pompadour qu’il y a le plus grand nombre de salariés de l’IFCE. Pour autant, je n’ai pas postulé à la présidence de l’IFCE dans le seul intérêt de faire avancer Pompadour mais bien de servir la stratégie et le fonctionnement de tout cet établissement public. J’ai beaucoup travaillé avec mon prédécesseur, Jean-Marie Marchand, qui m’a montré la voie. Je m’inscris d’ailleurs pleinement dans la continuité de son action.

Quel est votre rapport personnel au cheval et à son univers?

Je ne suis ni cavalier ni éleveur, mais cet univers me passionne dans toute sa diversité. De plus, je vis en face du stade équestre du Puy Marmont, alors je vois des chevaux et cavaliers tous les jours. Je veux croire que le fait de ne pas être issu de ce milieu est une force, dans le sens où je ne suis associable à aucune chapelle et que l’on ne pourra pas m’accuser de vouloir tirer la couverture à tel ou tel secteur de la filière. Je n’ai aucun a priori ni aucune certitude, donc je suis très à l’écoute et capable de prendre du recul quand c’est nécessaire. 

J’ai un long passé associatif dans le monde sportif, notamment dans l’univers du rallye automobile. Je suis arrivé à Pompadour depuis près de quarante ans pour mener ma carrière professionnelle. J’adore cette commune et ce territoire. Je me suis investi au sein du conseil municipal au moment où il le fallait, alors que mon prédécesseur était en poste depuis trente-sept ans. J’ai eu envie de mobiliser toutes les forces vives autour du cheval et de trouver des solutions pour repartir de l’avant après le départ du Club Méditerranée et la fin des activités d’étalonnage public au Haras. 

Qu’avez-vous appris depuis que vous avez intégré le conseil d’administration de l’IFCE, en février 2017?

Que cet établissement technique et scientifique est au service de la filière française du cheval. Il l’est aujourd’hui et doit le rester demain, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de performance (COP), qui le lie à ses deux ministères de tutelle, celui de l’Agriculture et celui des Sports. C’est la voie qui nous est tracée. Ensuite, il appartient aux administrateurs d’élaborer des stratégies et d’impulser des dynamiques permettant à l’IFCE d’atteindre ses objectifs et de bien remplir ses missions de service public.

L’IFCE, fruit de la fusion des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation, a déjà beaucoup évolué depuis sa naissance, voici dix ans. Quelles sont les mutations encore nécessaires à l’atteinte des objectifs du COP 2018-2022?

En 2010, le désengagement de l’État dans l’étalonnage a été vécu comme une décision terrible par toute la filière. Dans un premier temps, cela a pu faire oublier tout ce que pouvait apporter notre établissement. D’année en année, l’IFCE s’est recentré sur des missions précises d’appui et de soutien à la filière, de recherche, de développement et d’innovation qui n’ont pas forcément été bien comprises au départ. Comme je l’ai dit, son utilité est incontestable dans bien des domaines. Ses personnels (six cent soixante-huit équivalents temps pleins, ndlr) sont des experts, auxquels on ne fait d’ailleurs pas suffisamment appel. Nous devons poursuivre nos efforts en termes de communication pour le faire savoir. Un vrai travail de fond a déjà été mené depuis plusieurs années. C’est l’une des missions du président, alors j’entends poursuivre et amplifier cette dynamique, à travers beaucoup de dialogue, de rencontres et de présence sur le terrain. Je mise beaucoup sur le dialogue et l’empathie, mais aussi sur la direction de l’IFCE, qui accomplit un travail incroyable (depuis octobre 2018, Jean-Roch Gaillet occupe le poste de directeur, ndlr).



“Il a fallu dix ans pour trouver la sérénité”

Pouvez-vous préciser votre vision de l’ancrage territorial de l’IFCE? Depuis le désengagement de l’État dans l’étalonnage, beaucoup de sites ont fermé, puis été repris par des collectivités locales, des sociétés d’économie mixte ou des acteurs privés… Où en est-on aujourd’hui ?

En termes de patrimoine bâti, il ne reste plus que le Haras national du Pin, qui va faire l’objet d’un plan de rénovation de ses infrastructures équestres et d’accueil, l’École nationale d’équitation de Saumur et le Haras national de Pompadour, où des gîtes sont actuellement en construction. À Pompadour et Saumur, les difficultés sont comparables: les collectivités soutiennent nos investissements, mais ne veulent pas contribuer à notre financement. Je peux le comprendre, d’ailleurs. En outre, nos deux villes se battent pour avoir le droit d’ouvrir un casino, avec l’aide des parlementaires, ce qui pourrait nous donner de nouvelles marges de manœuvre.

À l’image d’autres établissements publics, l’IFCE a parfois été critiqué, dans ses fondements et surtout son fonctionnement, y compris par la Cour des comptes. Cette année, il a su se rendre utile en situation de crise, comme d’autres acteurs de la sphère publique. Cette crise aura-t-elle eu la vertu de mettre en valeur cette efficacité?

Qu’il s’agisse des conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, particulièrement à travers un travail d’analyse et la prise en charge de l’attribution des aides publiques aux centres équestres, comme de la problématique des mutilations de chevaux, avec un travail de sensibilisation des propriétaires notamment, l’IFCE sait se montrer réactif et pertinent, et met son expertise au service de tous. Durant la période de confinement, puis durant la phase de déconfinement, un travail sérieux a été accompli. Je tiens à souligner la confiance que l’État a témoignée à l’établissement.

Il n’a plus rien à voir avec ce qu’étaient les Haras nationaux il y a vingt ou trente ans. La Cour des comptes reprochait surtout à l’IFCE sa lenteur à reconvertir ses personnels, notamment ceux issus de l’étalonnage, mais tout cela ne se fait pas en un jour. Certaines personnes exerçaient ces missions depuis plusieurs décennies… Globalement, c’est une réussite. Je voudrais d’ailleurs saluer le travail remarquable mené par la direction et les organisations syndicales. Celles-ci ont défendu les intérêts des salariés avec une grande intelligence et un bel esprit d’ouverture. Pour ainsi dire, il a fallu dix ans pour trouver la sérénité. Rien n’est acquis, mais j’ai confiance en l’avenir.

 

Par un arrêté ministériel du 3 septembre, publié le 17 septembre au Journal Officiel, outre Alain Tisseuil, ont été nommés ou confirmés administrateurs de l’IFCE Isabelle Devaux, vice-présidente de la communauté d’agglomération Saumur Val-de-Loire, présidente de la commission ruralité, agriculture, cheval et filière bois, Andrée Cyprès, en tant que personnalité exerçant son activité dans le secteur des courses hippiques, dans le domaine du galop, Caroline Sionneau, en tant que personnalité exerçant son activité dans le secteur des courses hippiques, dans le domaine du trot, Odile Audinot, en tant que personnalité exerçant dans le secteur de l’élevage des équidés de sports et de loisirs, Véronique Monteil, en tant que personnalité exerçant ses activités dans le secteur de l’élevage des chevaux de trait et des races asines, Martine Fernet et Thierry Gausseron, en tant que personnalités compétentes dans le domaine des sports équestres, ainsi que Philippe Rozier, en tant que sportif de haut niveau. Au sein du conseil d’administration siègent également de plein droit le président de la Société hippique française, le chef des sports équestres militaires et le président de la Fédération française d’équitation.