“Aux Mondiaux, mes chevaux auraient pu réaliser une performance encore meilleure que celle de l'an passé”, Benjamin Aillaud

L’édition 2020 des championnats du monde d’attelage à quatre chevaux aurait dû se dérouler ce week-end, au sein de la propriété néerlandaise de Boyd Exell. Longtemps maintenue, l’échéance a finalement été annulée il y a un peu plus d’une semaine, ce que beaucoup ont vécu comme une surprise. Benjamin Aillaud fait partie de ceux-là. Deuxième des championnats d’Europe l’an passé, le meneur français s’est confié à GRANDPRIX.



Vous attendiez-vous à l’annulation des championnats du monde d’attelage à quatre chevaux?

À vrai dire, l’organisation de cet événement représente un tel travail que je ne pensais vraiment pas que ces championnats du monde seraient annulés. Personnellement, je pense qu’ils n’étaient peut-être pas tout à fait prêts et qu’ils ont mis ça sur le dos du Covid, mais qu’il n’est pas forcément la seule raison de cette annulation, d’autant que l’événement aurait dû se dérouler à huis clos. En plus, il y avait des gens qui étaient contre le fait que ce soit organisé chez Boyd Exell, qui avait au moins le mérite d’organiser la compétition.

Quel programme aviez-vous suivi avec vos chevaux pour préparer cette échéance?

Après notre deuxième place aux championnats d’Europe, nous avions mis en place des protocoles de préparation, et je pense que les chevaux auraient pu réaliser une performance encore meilleure que celle de l’an passé. En termes de préparation physique, de dressage, de maniabilité, j’ai l’impression que nous avions encore plus de marge de manœuvre qu’aux championnats d’Europe l’année dernière. Actuellement, le team commence à mûrir et nous pouvons maintenant compter sur l’expérience des chevaux, alors je pense que nous aurions pu réaliser une très belle performance.

Il y a un mois, vous avez terminé à la huitième place du CAI 3*-H4 de Lähden, en Allemagne. Avez-vous disputé cette compétition avec les chevaux qui auraient dû vous accompagner aux championnats du monde?

Cette année, comme nous ne savions pas trop où nous allions en raison de la crise sanitaire, j’ai pris la décision de lancer de jeunes chevaux en compétition pour préparer les saisons à venir. À Lähden, j’avais donc un team différent de celui que j’aurais dû emmener aux championnats du monde, et notamment un cheval qui ne faisait là que son deuxième concours. Je devais me rendre aux Pays-Bas avec le même team que celui que j’avais l’an passé aux championnats d’Europe, qui a d’ailleurs peu concouru depuis puisque l’un des chevaux, le plus stable de l’attelage, n’a pris part à aucune compétition depuis l’échéance de l’an passé.

Quels sont vos objectifs à venir?

Actuellement, les chevaux vont bien, l’équipe humaine est en forme et je fais partie des dix meilleurs meneurs du classement mondial. Je vais donc pouvoir prendre le départ de l’étape coupe du monde de Lyon, dans deux semaines. Avant cela, nous allons courir les championnats de France, à Lignières-en-Berry la semaine prochaine (du 15 au 18 octobre, ndlr). Je m’y rends pour les sponsors, pour l’équipe, mais aussi pour sortir un peu les chevaux.

Vous êtes à la tête d’une structure regroupant de nombreuses activités dans le domaine de l’équitation, comme la formation ou encore le spectacle. Comment la crise sanitaire impacte-t-elle ce pan de votre activité?

Avec le Covid, rien n’est facile. Les déplacements ne sont plus possibles, et cela a cassé la dynamique des personnes qui sortent en compétition. Par contre, nous avons pu dégager plus de temps pour former de nouvelles personnes, pour notre équipe de grooms par exemple. Nous avons également donné beaucoup de stages depuis la fin du confinement. Enfin, cela nous a permis de travailler sur nos installations et de nous concentrer sur l’entraînement et la formation des jeunes chevaux, mais du côté de la compétition, nous avons vécu une vraie saison blanche. Normalement, nous sortons en concours vingt-cinq semaines par an. À la fin de cette année, nous n’aurons pris part qu’à cinq week-ends de compétition !



"Plus vous avancez dans vos méthodes de travail, et plus vous êtes capable de préparer les chevaux pour les grandes échéances sans aller en compétition", Benjamin Aillaud

Benjamin Aillaud lors du marathon des Jeux Équestres Mondiaux de Tryon, en 2018

Benjamin Aillaud lors du marathon des Jeux Équestres Mondiaux de Tryon, en 2018

© SCOOPDYGA / Pierre Costabadie

À l’instar de ceux existant pour le saut d’obstacles ou encore le concours complet, un circuit de formation des jeunes chevaux d’attelage est mis en place par la Société Hippique Française. Représente-t-il un bon moyen pour vous de former vos futurs complices pour le haut niveau?

Ce circuit est très intéressant, car il permet de présenter les jeunes chevaux proprement, de les amener en compétition dans le calme puisqu’ils n’ont pas de marathon à courir avant d’atteindre les grosses épreuves. En ce qui me concerne, je n’y prends pas part, car les nombreuses épreuves internationales auxquelles je participe ne m’en laissent pas le temps. Les épreuves ont, de plus, souvent lieu dans le Nord de la France, et nous devrions faire beaucoup de kilomètres pour nous y rendre.

Quelles méthodes privilégiez-vous pour préparer vos chevaux?

Comme je pratique beaucoup de disciplines dans l’équitation, nous avons des méthodes de travail très diversifiées. Nous allons chercher des points de compréhension, de construction physique et de validation des acquis dans d’autres disciplines que l’attelage. J’aime bien préparer les chevaux, les amener à être confiants et conscients de leur métier. Plus vous avancez dans vos méthodes de travail, et plus vous êtes capable de préparer les chevaux pour les grandes échéances sans aller en compétition ou en sortant peu. À partir du moment où ils sont prêts à concourir, je fais très rapidement grandir mes chevaux en compétition. Mais avant ça, ils connaissent une préparation basée sur la pluridisciplinarité. Ils travaillent en liberté, sur le plat, et beaucoup en extérieur. Je fonctionne aussi de cette manière car il y a encore du travail à faire sur certaines pistes de concours au niveau national, qui ne sont pas très cohérentes pour les chevaux.

De par les nombreuses disciplines que vous pratiquez, vous avez une approche globale du monde du cheval. Aujourd’hui, le bien-être du cheval est une dimension dont il est de plus en plus question. Pensez-vous que l’attelage a encore des progrès à faire dans ce domaine?

Je pense que tous les sports équestres ont des progrès à faire dans ce domaine. L’attelage a beaucoup évolué ces dernières années et doit encore subir de nombreuses transformations. Présenter des chevaux qui sont contents de faire ce qu’on leur propose ne peut être que bénéfique pour nous. Nous y gagnons du point de vue des performances, mais aussi du plaisir que nous prenons avec eux. Pour moi, c’est surtout un point de vue qu’il faut réussir à faire évoluer, car j’entends encore des cavaliers qui considèrent, quelle que soit la discipline qu’ils pratiquent, que le cheval doit accepter, se soumettre. Je pense que c’est de là que vient cette problématique, car lorsque l’on pense comme ça, on ne peut pas être dans la collaboration avec ses chevaux. Pourtant, sans collaboration, il n’y a pas de performance à haut niveau, ou en tout cas pas sur la durée. Un cheval libre et heureux performera toujours plus qu’un cheval contraint ! C’est donc à nous de les amener le plus loin possible, et ce dans la compréhension, pour qu’ils soient à l’écoute, performants, et qu’ils aient envie de donner. Pour moi, c’est vraiment le chemin que doit prendre le sport de haut niveau, mais aussi pour la société actuelle, dans laquelle il faut que l’on redonne une place à la réflexion à l’égard de l’autre.