“La filière équestre a souffert et son équilibre demeure précaire”, Emmanuel Feltesse

Lourdement touchés par le confinement de deux mois décrété pour endiguer la pandémie de Covid-19, les centres équestres et poney-clubs ont vécu leur grande rentrée voici un mois. Comment s’amorce cette nouvelle année? Le point avec Emmanuel Feltesse, directeur du haras de Jardy, à Marnes-la-Coquette, et président du comité régional d’équitation d’Île-de-France (CREIF), en pointe sur ces questions depuis le début de la crise.



Comment se passe la rentrée des centres équestres et poney-clubs en Île-de-France?

Il y a encore quelques mois, nous craignions une rentrée profondément morose. Aujourd’hui, nous sommes plutôt rassurés par le taux de renouvellement des licences ainsi que par l’arrivée de nouveaux pratiquants dans nos établissements. C’est évidemment un soulagement, même si nous devons garder à l’esprit que nous manquons encore de recul, que la filière a souffert et que son équilibre demeure précaire. Les équidés reprennent doucement leur travail, avec le temps nécessaire pour les remettre en forme physique et mentale.

Nous avons misé sur une communication sans précédent dans nos régions pour plébisciter la pratique de l’équitation: annonces dans la presse papier et digitale, grandes affiches dans des lieux stratégiques, portes ouvertes, publicité dans les transports. Depuis que je suis dans ce métier, je n’avais jamais connu un tel plan de communication pour notre sport! Les activités de plein d’air attirent particulièrement en ce moment car les pratiquants ont sans doute besoin d’une certaine liberté. Il semble que la distanciation sociale naturellement garantie par le cheval ou le poney rassure les parents, par exemple. Nous avons le sentiment que l’équitation continue à attirer et plaire.

Les aides provenant de sources publiques et de l’élan de solidarité né au sein de la filière équestre ont-elles pu jouer leur rôle?

En temps normal, les centres équestres atteignent leur équilibre financier grâce leurs clients. Comme on le sait, les mesures de confinement ont fermé l’accès des clubs aux pratiquants, ce qui a entraîné la perte des revenus liés aux cours, stages et concours. Les charges sont, elles, demeurées identiques, dans le sens où les chevaux avaient toujours besoin de nourriture, de soins et de personnel pour s’occuper d’eux. La situation a d’ailleurs été particulièrement compliquée pour les structures ne disposant pas d’herbages ou de paddocks, notamment dans les grandes agglomération. Avec l’appui de notre comité régional d’équitation, par exemple, la région Île-de-France a débloqué des aides pour que les structures équestres puissent acheter l’indispensable fourrage.

Par chance, ce dernier a été au cœur de toutes les attentions et de tous les dons. Les clubs ont pu compter sur la générosité des dons alimentaires de particuliers et professionnels du secteur (à l’image notamment de la championne olympique Pénélope Leprevost, qui avait fait don de cinquante tonnes de foin, ndlr). Impulsés par deux autres champions olympiques, Philipe Rozier et Roger-Yves Bost, les “Stages du cœur” ont également permis de soutenir les centres équestres après la période du confinement. Julien Courbet et Guillaume Canet ont profité de leur notoriété pour relayer cette opération et ainsi toucher plus de public. Tous ces dons ont bien sûr été grandement appréciés et valorisés. Pour relancer l’activité économique de nos structures, le CREIF a financé, grâce à la région Île-de-France, des stages d’équitation destinés aux jeunes et organisés tout l’été. Cette opération est d’ailleurs reconduite durant les vacances d’automne et de fin d’année. Nous engageons tous nos moyens pour aider les structures dans leur plan de relance.



“L’heure est au soutien physique et moral”

Face à la deuxième vague de contaminations, on peut craindre un nouveau confinement. Qu’en est-il pour la pratique de l’équitation en Île-de-France?

À ce jour, les manèges sont considérés comme des espaces clos et couverts et donc soumis à des restrictions sanitaires. Si les mineurs y sont acceptés, les majeurs ne le sont plus. La saison hivernale qui arrive ne se prêtant pas du tout à cette absence d’abri et de confort, nos pratiquants risquent fort de ralentir le rythme des séances… Nous sommes actuellement en discussion avec le Gouvernement pour placer l’équitation en exception. Avec le volume d’air d’un manège et les distanciations sociales naturellement établies à cheval, nous avons bon espoir de pouvoir faire entendre nos arguments.

Quid de la vague de mutilations de chevaux qui a malheureusement accompagné cette rentrée?

Les horribles agressions perpétrées en ce moment sur les équidés vivant en box ou pâture sont éminemment éprouvantes pour tout le monde du cheval. Les propriétaires, clubs et élevages sont à bout et se sentent impuissants. Le CREIF finance des caméras pour les structures qui ne peuvent pas exercer une surveillance rapprochée. La région Île-de France a débloqué un budget de 50.000 euros pour ces équipements. L’heure est au soutien physique et moral, en espérant que cette intenable situation cesse au plus vite.