“Le sport sera toujours là après la Covid-19”, Cian O’Connor

Alors que se profile une saison indoor réduite comme peau de chagrin, en raison des restrictions sanitaires décrétées pour endiguer la deuxième vague de Covid-19, les cavaliers, habitués à parcourir l’Europe et le monde en quête de points comptant pour le classement mondial Longines et pour la Coupe du monde Longines, sont contraints et forcés de revoir leur programme et leurs objectifs. C’est notamment le cas de Cian O’Connor, qui estime que cette période plus calme n’a rien de dramatique et qu’elle devrait profiter aux meilleurs chevaux en vue des grandes échéances programmées en 2021.



Comme beaucoup le prédisaient, l’automne arrivant, la pandémie de Covid-19 a frappé l’Europe d’une deuxième vague. Les restrictions sanitaires se renforcent dans la plupart des pays face à l’augmentation des indices de mesure de circulation du virus et de l’engorgement des hôpitaux, si bien que les concours indoor sont annulés les uns après les autres. Traditionnel fil rouge de luxe de la saison hivernale sur le Vieux Continent, la ligue d’Europe de l’Ouest de la Coupe du monde Longines s’est considérablement réduite ces derniers mois puisqu’il ne reste plus que cinq étapes au calendrier de la série 2020-2021. À l’échelle de la planète, seuls trois CSI 5*, dont deux en salle, sont programmés d’octobre à décembre, contre douze l’an passé. Le nombre restant de CSI 4* au cours de la même période est de sept, dont trois sous toit, contre treize en 2019.

Comment les meilleurs cavaliers de la planète envisagent-ils une saison hivernale marquée par tant d’incertitudes et si peu d’épreuves indoor? Après Kevin Staut pour GRANDPRIX, Cian O’Connor a répondu aux questions de World of Showjumping. Il estime notamment que seuls les chevaux les plus expérimentés et âgés bénéficieront d’une pause. “Il y a toujours des périodes différentes dans nos vies, et nous devons faire ce qui nous convient à chaque étape. Même sans Covid, courir les épreuves semaine après semaine – bien que ce soit excitant – n’est pas nécessairement le meilleur choix pour moi”, souligne l’Irlandais, médaillé de bronze individuel des Jeux olympiques de Londres en 2012 avec Blue Loyd 12, puis médaillé d’or par équipes et de bronze individuel des Européens Longines de Göteborg en 2017 avec Good Luck.

“Ces deux ou trois dernières années, j’ai eu tendance à favoriser le commerce de chevaux. Nous en avons beaucoup vendu, y compris en 2020. Grâce à cela, nous avons pu construire notre propre base en Irlande et avoir notre dernière maison ici à Karlswood (un domaine situé dans le comté de Meath, à vingt kilomètres au nord-ouest de Dublin, ndlr). La pandémie m’a donné le temps d’être à la maison pour prendre des décisions et terminer les travaux. En fin de compte, je me retrouve avec quelque chose de très beau réunissant toute une vie de travail. C’est le résultat de beaucoup d’efforts de ma part et de la part de Ruth, mon épouse”, ajoute Cian O’Connor. “Toutefois, je dois aussi avoir des chevaux si je me maintenir dans le grand sport. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir constituer un syndicat pour garder PSG Final sous ma selle en vue des Jeux olympiques. Ces deux derniers mois, j’ai également réussi à constituer un joli piquet de jeunes chevaux pour évoluer à un niveau élevé l’an prochain. J’en ai maintenant deux très bons de huit ans, que je viens d’acheter, un de dix ans, ainsi que Careca LS Elite (ancienne partenaire de Michel Robert et Pénélope Leprevost, ndlr) et PSG Final (ex-Tuliman della Caccia). Cela fait cinq chevaux qui pourront probablement concourir à 1,50m et plus l’an prochain – ce dont on a vraiment besoin si l’on veut être au sommet.”



“Jadis, les chevaux restaient parfois l’hiver entier au repos”

Concernant la saison indoor très réduite qui s’annonce en Europe, “nous devons nous rappeler que, jadis, les chevaux restaient parfois l’hiver entier au repos. Certains diront que leur carrière durait plus longtemps simplement grâce à cela”, poursuit le capitaine de route de la sélection irlandaise. “Tous les grands de l’histoire de notre sport – que ce soit Nick Skelton, Harvey Smith ou John Whitaker – ont passé des mois en hiver sans aller compétition et tous ont monté des chevaux qui concouraient encore au plus haut niveau à vingt ans. Concourir toutes les semaines est devenu la norme pour beaucoup d’entre nous, mais je me demande souvent si c’est la meilleure chose pour nos chevaux? Au plus haut niveau, on pourrait affirmer que douze à quinze CSI 5* par an, c’est assez pour un cheval. En fait, c’est une chose que j’ai poussée lorsque j’étais membre du comité de saut d’obstacles de la Fédération équestre internationale (de fin septembre 2018, date de son élection au poste de représentant des cavaliers de saut d’obstacles, à août 2019, date de sa démission, liée à un conflit ouvert avec l’état-major de la FEI, ndlr). À mon avis, il devrait y avoir un nombre limité de concours par an et par cheval”, argue posément Cian O’Connor.

“Avoir un hiver plus calme que d’habitude peut sembler être la fin du monde, mais nous pouvons, en tant que cavaliers, profiter de ce temps pour réfléchir à notre travail de routine, peut-être promener nos chevaux en forêt, les faire travailler en pente pour développer leur musculature, leur proposer des exercices de gymnastique pour améliorer leur technique, ou les entraîner sur des barres au sol ou cavaletti pour gagner en maniabilité entre les obstacles. Nous tombons parfois dans un piège en participant à tous ces concours, en nous laissant dicter notre rythme par un calendrier international bien plus chargé qu’autrefois”, développe le jeune quadragénaire. “Je ne crois pas que nos chevaux aient autant besoin de sauter que nous le pensons. Mieux vaudrait moins en faire. Quand Philippe Le Jeune est devenu champion du monde en 2010, Vigo d’Arsouilles n’avait sauté que quelques concours cette année-là (seulement cinq concours et dix épreuves au total, alors qu’il se remettait d’une blessure, ndlr). Bien sûr, les jeunes chevaux ont besoin d’expérience en concours, mais ils peuvent l’obtenir en participant aux tournées de préparation (organisées dans le sud de l’Europe et en Floride, ndlr). Je parie que les chevaux qui iraient normalement d’Oslo et Helsinki en octobre à Malines en décembre, et qui vont cette année profiter d’une pause de quelques mois, seront plus performants quand débutera la saison l’an prochain et vivront sûrement de plus longues carrières.”

Cian O’Connor a traversé une saison extérieure calme en raison des restrictions sanitaires liées à la pandémie. Il est resté en Irlande tout l’été, concourant au niveau national. L’Irlandais n’a repris les CSI qu’en septembre à Fontainebleau, à l’occasion du Summer Tour de GRANDPRIX Classic, puis a passé quelques semaines à Vejer de la Frontera avec ses nouveaux et plus jeunes chevaux. Depuis ce week-end, et pour quelques autres encore, il forme ses dernières recrues à Valence, toujours en Espagne.



“J’espère participer aux JO et aux championnats d’Europe”

“En 2021, nous prévoyons de reprendre la compétition en Floride. De toute évidence, nous rendre là-bas nous demande désormais quelques efforts supplémentaires, compte tenu des difficultés logistiques, mais cela en vaut vraiment la peine pour moi car cela me permet de me sédentariser pendant une longue période avec ma famille. De plus, je m’y rendrai dans une perspective commerciale, afin de promouvoir nos activités de coaching et de commerce ainsi que nos infrastructures de Karlswood, un centre d’excellence à visiter en Europe. Enfin, le niveau très élevé de la concurrence à Wellington me permettra de me mesurer à certains des meilleurs cavaliers du monde en début de saison extérieure. Cela devrait servir ma préparation olympique, comme cela avait été le cas en 2012. Si je ne peux finalement pas pouvoir y aller, je participerai au Sunshine Tour de Vejer, qui se déroule sur de merveilleuses installations. L’environnement est très sûr, avec pas moins de dix-huit pistes, très bien réparties, ce qui permet d’appliquer aisément la distanciation social. D’ailleurs, les protocoles sanitaires sont respectés et fonctionnent très bien. Je prévois de revenir en Europe en avril et de donner un peu de répit aux chevaux en Irlande. Ensuite, j’alternerai entre des étapes du Global Champions Tour et quelques Coupes des nations. J’espère participer aux Jeux olympiques de Tokyo ainsi qu’aux championnats d’Europe de Riesenbeck. Si tout cela est maintenu, ce sera fantastique. Sinon, nous devrons jouer avec les cartes qui nous seront distribuées, et tirer le meilleur parti de la situation.”

“C’est une période difficile, pour tout le monde”, conclut Cian O’Connor. “Nous devons tous nous remuer, et travailler plus dur pour concrétiser des ventes. Les cavaliers qui montent des chevaux pour le compte de propriétaires se demandent probablement s’ils les garderont à l’entraînement, compte tenu du faible nombre de concours. Tout le monde en prend un coup, quel que soit le niveau auquel il évolue. Que l’on concoure en national, que l’on saute les plus beaux Grand Prix ou que l’on vive du commerce de chevaux, on perdra forcément 25 à 30% de recettes. Personne n’est épargné par cette pandémie. Pour autant, il faut garder à l’esprit que ces difficultés commerciales et sportives sont insignifiantes par rapport à ceux qui ont été ou sont directement touchés par la maladie, mais aussi que le sport sera toujours là après la Covid-19.”



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