Entre sport et élevage, Charlotte Mordasini et Mark McAuley construisent leur futur en Haute-Savoie

La Tuilière compétition, l’écurie de Charlotte Mordasini McAuley et Mark McAuley, se pare de nouveaux bâtiments et finalise actuellement ses travaux pour accueillir toujours plus de jeunes chevaux. La Franco-Suédoise et l’Irlandais entendent développer leur élevage et leur système de valorisation. L’occasion de se pencher sur cette structure située à Viry, en Haute-Savoie, à trois kilomètres de la frontière suisse et à une encablure de Genève, ville natale de Charlotte. Entre rêves de victoires, poulains et plaisirs au quotidien, elle se confie sur son passé, son présent et son futur.



Charlotte McAuley et Engerupgaard’s Cézanne investissent le nouveau manège récemment rénové, aux dimensions plus généreuses.

Charlotte McAuley et Engerupgaard’s Cézanne investissent le nouveau manège récemment rénové, aux dimensions plus généreuses.

© Marion Régin-Belin

Depuis quelques jours, les photos de nouveaux locaux peuplaient les stories des réseaux sociaux de l’écurie la Tuilière. Y aurait-il du changement dans l’air? “En effet, nous développons notre écurie!”, répond avec enthousiasme Charlotte Mordasini McAuley, gérante de la structure. “Nous sommes toujours sur le même terrain mais nous avons agrandi notre manège, mesurant désormais 53 x 30m, et avons construit de nouveaux boxes et commodités. Nous l’avons fait car il y a de plus en plus de chevaux dans notre domaine, ce qui est le fruit de notre politique d’élevage et d’achats de jeunes chevaux.” L’amour des chevaux symbolise une longue affaire familiale pour la jeune femme. Mon arrière-grand-père, d’origine suédoise, était déjà cavalier de saut d’obstacles. Il a transmis cet amour à ma grand-mère, Eva Lundin, qui est à son tour devenue cavalière de concours hippique. Installée en Suisse, elle a elle-même partagé sa passion du cheval avec ses deux filles, Mona et Nicola, ma mère.”

Désirant faire reproduire sa jument de concours, Idille Park (SF, Herbier, Ps x Diable Rouge), Eva avait choisi Diamant (SF, Red Star II, Ps x Juriste), un étalon stationné à proximité, et avait obtenu un jeune fringuant poulain nommé Pirate de Romblaz (ISO 127, de Lomblaz sur le SIRE), né en 1981. Après l’avoir vendu, Eva l’avait quelque peu perdu de vue par jusqu’à le voir mentionné dans un article traitant de la Grande Semaine de l’élevage de Fontainebleau, à sa grande surprise et à sa grande joie. “Cet heureux croisement l’a incitée à se lancer dans l’élevage. Trente-cinq ans plus tard, elle se réjouit toujours de l’arrivée de nouveaux poulains aux côtés de ma mère et moi”, sourit Charlotte. Son époux, l’Irlandais Mark McAuley, auparavant installé dans les écuries de la famille Valenzano Menada, à San Remo, sur la côte ligure, a rejoint la structure en 2015. Le couple s’est marié en 2018 et a donné naissance à deux jeunes enfants, âgés de deux ans et demi et un an.

“Ma famille est établie sur ces terres depuis 1983”, reprend Charlotte. “Nous avons la chance d’avoir du terrain, trente hectares ici à Viry et trente autres dans la structure de ma mère, située à La Roche-sur-Foron, à une trentaine de kilomètres d’ici. En tout, nous avons une quarantaine de boxes, un manège récemment agrandi, une carrière de dressage, une carrière de saut d’obstacles et quinze paddocks clôturés en bois. Nous tenons à ce nos chevaux sortent tous les jours à l’extérieur et puissent marcher librement. Cependant, comme nous sommes à presque 500m d’altitude, la météo ne nous facilite pas toujours la tâche.” Huit personnes s’activent à la Tuilière: les deux cavaliers internationaux, un cavalier maison ainsi que cinq grooms/cavaliers.

Élue star montante de l’année 2015 au gala annuel de la Fédération suédoise, Charlotte Mordasini McAuley, qui avait représenté la France aux championnats d’Europe Jeunes Cavaliers de Prague en 2008, terminant quatrième par équipes, et de Hoofddorp en 2009, avec Kalimba Champeix (ISO 153, SF, Baloubet du Rouet x Imam d’Or), embrasse la nationalité suédoise en 2015. Elle commence cette même année les compétitions avec Valentino Tuilière (ISO 168, SF, Diamant de Semilly x Silvio I), dont elle est la naisseuse. En 2016, elle finit quatrième puis troisième des Coupes des nations des CSIO 5* de Rotterdam et Dublin avec Romane du Theil (ISO 166, SF, For Pleasure x Quidam de Revel). Forte de ses beaux résultats, le couple est sélectionné comme réserviste au sein de l’équipe suédoise pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro.



“L’idéal est d’avoir des chevaux de chaque tranche d’âge”

La nouvelle sellerie a reçu beaucoup de compliments sur les réseaux sociaux, à commencer par la Suissesse Janika Sprunger, qui aimerait bien s’en inspirer pour sa propre écurie, actuellement en construction, en partenariat avec son compagnon suédois Henrik von Eckermann!

La nouvelle sellerie a reçu beaucoup de compliments sur les réseaux sociaux, à commencer par la Suissesse Janika Sprunger, qui aimerait bien s’en inspirer pour sa propre écurie, actuellement en construction, en partenariat avec son compagnon suédois Henrik von Eckermann!

© Collection privée

L’année 2017 a été synonyme de transition. En effet, Charlotte vend aux États-Unis ses deux meilleurs chevaux, Romane du Theil et Tiny Toon Semilly (ISO 159, SF, Diamant de Semilly x Kannan), puis donne naissance à son premier enfant début février 2018. Quelques mois plus tard, la jeune mère reprend le chemin des compétitions avec Valentino Tuilière, Babylone Tuilière (ISO 141, SF, Epsom Gesmeray x Silvio), Engerupgaard’s Cézanne (DWB, Balou du Rouet x Lucky Light), Foot Loose MFS (KWPN, Baltic VDL x Cavalier) et Vivaldi du Theil (ISO 167, SF, Quincy et Romane du Theil). Si Charlotte évolue le plus souvent en CSI 2* et 3*, elle gagne néanmoins une épreuve à 1,50m avec Valentino lors du CSI 5*-W de Sharjah, aux Émirats arabes unis. Enceinte de son deuxième enfant, la Suédoise confie alors Valentino à son partenaire époux, avant de le vendre fin 2019 à l’Américaine Eve Jobs. “Cette vente n’était pas préméditée”, commente Charlotte. “Cependant, nous recevions beaucoup d’offres, ce qui constituait une pression, et les frais de fonctionnement d’une écurie de compétition sont ce qu’ils sont… Nous sommes très heureux de sa nouvelle vie. Eve, qui nous avait déjà acheté Tiny Toon presque trois ans auparavant, nous a proposé de nous le revendre car il était arrêté pour une petite blessure. Aujourd’hui, Tiny Toon va très bien et reprend le chemin des concours. Il n’a que treize ans mais a déjà sa place réservée dans nos prés pour une belle retraite!”

Du reste, la gérante de la Tuilière vient aussi de vendre Vivaldi du Theil aux États-Unis. “Les chevaux ont encore le droit de voyager, mais hélas pas le personnel qui leur est attaché. Le marché américain est en recherche de chevaux aptes à concourir tout de suite à bon niveau et les clients potentiels sont prêts à y mettre le prix, ce qui n’est pas vraiment le cas en Europe. Ici, mieux vaut miser sur les jeunes chevaux et l’élevage”, analyse-t-elle. D’où la légère réorientation de la structure haut-savoyarde. “Jusqu’ici naissent environ quatre poulains par année mais nous souhaitons en avoir huit à dix”, révèle Charlotte McAuley. Ces poulains grandissent chez Nico, la mère de Charlotte, où ils sont ensuite débourrés et formés jusqu’à six ans environ, avant de rejoindre la Tuilière compétition. “Il est important de pouvoir compter sur un grand nombre de jeunes chevaux. Sur une dizaine, seule une poignée pourra tutoyer le haut niveau. Nous espérons tous les voir briller, mais cela dépend bien sûr de leur évolution. Nous avons donc le double objectif de monter à haut niveau et de vendre des chevaux. C’est un délicat équilibre, dans le sens où il faut déterminer le meilleur moment pour vendre. Parfois, il vaut mieux attendre et poursuivre la valorisation. En pratique, nous gardons peu de poulains entiers, sauf s’ils présentent un modèle incroyable les destinant à la reproduction.” Ce sera peut-être le cas du très beau Jameson Tuilière (SF, Quabri de l’Isle et Dænerys de Fondcombe par Lando), né en 2019. “Il faut prévoir du temps pour les jeunes chevaux, leur donner la chance de développer leurs capacités sans pression. Nous souhaitons avoir toujours un flux de jeunes pour épauler les plus âgés. L’idéal est d’avoir de bons produits issus de chaque génération, afin que le cavalier n’ait pas de trou dans sa progression sportive et qu’il puisse proposer des montures de tranches d’âge différentes pour les besoins de chaque client.”

La Tuilière a d’ailleurs fraîchement acquis trois poulains Selle Français aux ventes aux enchères Nash, à Saint-Lô: Hippocampe Batilly (SF, Montender x L’Arc de Triomphe), qui va prendre la direction de l’Irlande, Hindy Mouche (SF, Carpe Diem J&F Champblanc x Quartz du Chanu), top price, et Harwen de Fondcombe (SF, Cash du Plessis x Con Air). “Harwen est le troisième produit de l’élevage de Fondcombe que nous acquérons puisque nous avons acheté Gabriac de Fondcombe (SF, Vigo d’Arsouilles X Tinka’s Boy) l’an dernier aux ventes Fences et que nous avons dans notre écurie Dænerys de Fondcombe (SF, Lando x Diamant de Semilly), qui concourt avec Mark”, relève la Suédoise. “Il y a souvent des chevaux très intéressants dans ces ventes aux enchères. C’est un bon moyen de mettre la main sur des souches de qualité, une stratégie qui nous a donné raison par le passé. Que le cheval soit né à l’élevage ou que nous l’ayons acquis jeune, notre but est de révéler pleinement son potentiel. Et quand ils partent vers de nouveaux horizons, nous gardons la fierté d’avoir fait de notre mieux pour les mettre en valeur.”

L’écurie de la Tuilière est en constante recherche de jeunes chevaux pour le sport ou le commerce. Ils profitent d’une vie au pré chez Nico, la mère de Charlotte. © Jessica Rodrigues/La Tuilière



2020, une année charnière

“Entre mes deux jeunes enfants et le chantier de la nouvelle écurie, je n’ai pas vraiment pu me concentrer sur les chevaux cette année, mais j’espère m’y remettre l’année prochaine”, relate Charlotte McAuley. “Je peux néanmoins compter sur un piquet de trois chevaux: Tiny Toon Semilly, treize ans, Engerupgaard’s Cézanne, neuf ans, et Dulcinée de Kerglenn (ISO 133, SF, Mylord Carthago x Diamant de Semilly), sept ans. Ils sont expérimentés et faciles à monter en concours. Je me fais plaisir avec eux sans avoir nécessairement le temps de les faire travailler quotidiennement. Mark me propose souvent de monter ses jeunes mais je ne veux pas me lancer dans la formation d’une jeune monture si je n’en ai pas le temps. J’adore ça, mais cela nécessite à mon sens une assiduité que je n’ai pas à l’heure actuelle. Cela dit, j’ai déjà les yeux sur quelques jeunes pour 2021, dont O’Hara ELS (CH, Ogano Sitte x Liandero), huit ans, qui me rappelle Romane du Theil, ou encore Origi de Tiji (BWP, Elvis Ter Putte x Nonstop), six ans, achetée à Fences à trois ans et actuellement montée par notre jeune cavalier italien, Matteo Soleri, qui travaillait déjà avec Mark à San Remo.”

Cette année, comme bien d’autres très bons cavaliers, Mark McAuley, actuellement soixante-septième au classement mondial Longines des cavaliers, a eu du mal à accéder aux quelques beaux concours ayant résisté à la pandémie. “C’est une année difficile car il y a eu peu de concours, et encore moins de haut niveau. Cela a été bénéfique pour les chevaux de sept et huit ans mais bien moins pour ceux d’âge. La concurrence pour obtenir les invitations s’est fortement accrue. À moins d’acheter sa participation (à travers une pay-card, ndlr), c’est très compliqué… Mark a une dizaine de chevaux dans son piquet, dont évidemment Miebello (SWB, Quite Easy x Cardento), toujours vaillant à presque dix-sept ans. Il est très sain et a un cœur énorme, donc nous devons toujours le refréner. Il nous dira quand il souhaitera partir à la retraite. Les concours indoor lui conviennent bien. Après une pause de deux mois, il a repris la compétition au CSI 4* de Saint-Lô (avec à la clé notamment un sans-faute à 1,50m). Il se projette désormais sur le CSI 4*-W de Vérone, et la Coupe des nations de Vejer de la Frontera, programmés en novembre. Nous espérons bien sûr participer ensuite au CHI de Genève, Palexpo étant situé à quinze kilomètres d’ici.”

En attendant des conditions sanitaires améliorées et la reprise, enfin, du cours normal de nos vies, le beau Valentino Tuilière trône en peinture – cadeau de mariage – dans la nouvelle luxueuse sellerie de la Tuilière et couve de ses doux yeux l’avenir sportif qui s’annonce pour le couple de compétiteurs. “Mark garde en tête l’objectif des Jeux olympiques de Tokyo. Il était déjà sur la longue liste avec Jasco van den Bisschop (sixième dimanche du Gand Prix CSI 4* de Saint-Lô, BWP, Dulf van den Bisschop x Krunch de Brève). Étant donné qu’il n’a que onze ans, ce report lui a été plutôt bénéfique. Quant à moi, je rêve de Paris 2024. Il faut savoir se fixer de grands objectifs pour espérer les atteindre”, conclut en un sourire la pétillante cavalière et éleveuse.



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