Les centres équestres font face au reconfinement
Bis repetita. Dès vendredi 30 octobre, les centres équestres ont à nouveau dû fermer leurs portes, l’ensemble des cours ayant été annulés. Selon leur taille, leur situation géographique, la façon dont ils ont surmonté le premier confinement, vécu la rentrée, selon aussi s’ils disposent d’un “volet” écurie de propriétaires avec des pensions, ils sont plus ou moins sereins, inquiets, parfois même agacés. Se posent bien évidemment des questions brûlantes : gestion de la cavalerie, prise en charge des frais au quotidien, accès des propriétaires et cavaliers à leurs montures… GRANDPRIX vous donne les grandes lignes de la situation qui évolue sans cesse, agrémentées de témoignages à chaud.
Depuis Jeudi 29 octobre à minuit, afin de faire face à la seconde vague du Coronavirus, la France est reconfinée. Si les sportifs professionnels et de haut niveau vont pouvoir continuer à exercer, que ce soit au quotidien ou en compétition, les structures pédagogiques dispensant des cours sont à nouveau fermées, et ce jusqu’au 1er décembre - pour le moment ! C’est Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des Sports, qui l’a officiellement annoncé le 30 octobre : “Tous les équipements recevant du public (ERP) couverts (de type X) ou de plein air (de type PA) du territoire sont fermés au public”. Au-delà du fait que cela prive les licenciés de leurs précieuses leçons d’équitation, la situation pose un réel souci de gestion des équidés. En effet comme le précise Emmanuel Feltesse, président du Comité ragional d’équitation d’Ile-de-France (CREIF), dans un communiqué publié le 31 octobre, “nos poneys et nos chevaux ne sont pas des ballons que l’on stocke pendant le confinement, ils ont besoin de soins quotidiens !”. Heureusement, la loi se montre clémente avec les propriétaires, comme l’a précisé ce dimanche 1er novembre le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie dans un tweet : “Les propriétaires (et les cavaliers des équidés pris en pension dans les centres) sont autorisés à s’y rendre pour aller nourrir, soigner ou assurer l’activité physique indispensable à leurs animaux.” Dans la foulée, le Groupement hippique national (GHN) a apporté des précisions : “Pour les propriétaires, le déplacement est possible au-delà d'un kilomètre de leur domicile en cochant la case « consultations, examens et soins ne pouvant être assurés à distance » sur l'attestation dérogatoire. (…) Il est préférable de circuler avec les justificatifs nécessaires à présenter aux forces de l'ordre en cas de contrôle (carte de propriété, contrat de prise en pension, déclaration de lieu de détention pour les équidés hors structure…). (…) Pour les établissements équestres, le travail se poursuit pour obtenir la sécurisation de cette autorisation d'accueillir des propriétaires sur la structure”.
J’ai reçu de nombreuses questions sur les dérogations pour aller soigner ses animaux, et notamment les chevaux :
— Julien Denormandie (@J_Denormandie) November 1, 2020
Vous pouvez bien vous déplacer au-delà d’1km en cochant la case « consultations, examens et soins ne pouvant être assurés à distance » sur l’attestation.
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Qu’en est-il des cavaleries de club ? Il faut les sortir, les nourrir, les abreuver, les soigner, et s’il avait été - plus ou moins - relativement facile de les installer au pré au printemps, à l’aube de l’hiver la situation n’est clairement pas la même. Afin de tenter sinon de prévenir une catastrophe annoncée, ou du moins d’en limiter les prévisibles dégâts, des initiatives régionales ont été prises. Ainsi par exemple, comme le stipule Emmanuel Feltesse dans son communiqué, le CREIF a immédiatement saisi les Préfectures des huit départements franciliens, en leur demandant “que les clubs puissent définir une liste de cavaliers licenciés auprès de la FFE, autorisés à venir s’occuper des poneys et chevaux dans la limite de 2 cavaliers par équidés et sous réserve d’un respect strict du protocole sanitaire et d’un planning permettant la gestion des flux”. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les préfectures de Seine-et-Marne (77) et des Hauts-de-Seine (92) ont validé la mesure. Le GHN insiste sur ce point : “Il est également nécessaire de pouvoir généraliser la possibilité d'accueillir des cavaliers pour les équidés appartenant à l'établissement qui ont également besoin d'une activité physique pour leur bien-être.” Ça gronde également en régions. La preuve avec Jacob Legros, président du Comité régional équitation Occitanie et candidat à la présidence de la Fédération française d’équitation (FFE) en 2021, qui a fondé le Collectif Alternative et Progrès : “Pour autant de bonnes raisons qui permettent d’envisager une reprise des activités équestres, avec précautions et de manière responsable, et parce qu’aucune de nos structures et qu’aucun de nos professionnels ne dit être sacrifié comme dégâts collatéraux, j’en appelle à la mobilisation de tous pour sauver nos clubs, nos emplois, nos chevaux, nos poneys”. Qu’en disent les principaux concernés ?
La parole aux gérants de structures
Flavien Charbonnier, enseignant au centre équestre de La Gourmette (33)
“On n’est pas au bout de nos surprises. Certes, il est nécessaire de protéger la santé de tous, mais pour nous, il y a danger ! Lors du premier confinement, nous avons tous fait des efforts, respecté les mesures sanitaires, mis en place des protocoles afin que les clients soient en confiance, et d’ailleurs cela a payé, la reprise a été satisfaisante, et nous avons été heureux de connaître une belle rentrée - même si nous ne récupérerons jamais le chiffre d’affaire perdu. Le problème aujourd’hui, c’est que tout est flou. Il n’y a pas de réelle prise de position des autorités. Tant qu’aucun décret officiel n’est publié, je ne recevrai pas les propriétaires. Ils se montrent compréhensifs car ils savent qu’on s’occupera bien de leurs chevaux, d’ailleurs au terme du premier confinement ils les ont tous retrouvés en pleine forme. Le vrai problème se pose pour la cavalerie de club, car 80 % de notre chiffre d’affaires est généré par l’école d’équitation. Nous sommes une structure urbaine, nous avons quelques paddocks mais pas de grands prés. Nous subissons avec ce second confinement une surcharge de travail colossale : il faut sortir les chevaux, faire les boxes, sans parler des frais afférents. Nous avons besoin que les instances prennent de vraies décisions qui vont dans notre sens. On ne sait pas combien de temps tout cela va durer, et déjà, de nombreuses structures équestres ne se sont pas relevées du premier confinement. Il y a urgence”.
Eléonore Marguerit, enseignante et gérante de Soucirac Cheval Club (46), centre équestre et structure de commerce de chevaux
“Nous avons bien vécu le premier confinement car nos propriétaires nous ont fait confiance, ils ont mis les chevaux au travail, et avec les aides de l’état nous avons pu maintenir notre trésorerie à flot. Ce deuxième confinement va certes nous donner une charge de travail supplémentaire, mais en même temps il n’y aura pas les cours, donc ça va aller. Je fonctionne essentiellement sur un système d’abonnement annuel, les cours seront rattrapés le moment venu. Pour la gestion des chevaux de club je ne m’inquiète pas, car de toute façon les miens vivent dehors à l’année. En revanche j’imagine que la situation doit être très difficile pour les structures urbaines qui ont tous leurs chevaux en box. Le vrai souci, c’est le flou dans lequel on se trouve. Nous avons besoin d’être mieux informés, soutenus, et que de vraies mesures officielles soient prises. Par exemple, j’attends toujours de savoir si oui ou non je peux recevoir mes propriétaires, et sous quelles conditions, car ce qu’a dit le ministre ne suffit pas, ce n’est pas clair”.
Sophie Viallet, enseignante et propriétaire du centre équestre de Wambrechies (59)
“Financièrement, ça va. Les propriétaires sont fidèles, nous avons assez d’espace pour travailler les chevaux, les laisser s’ébrouer, les cours ont été payés à l’année et tout sera rattrapé, comme lors du premier confinement. Mais ce qui est embêtant c’est qu’on est dans le flou, il semblerait que les propriétaires puissent venir, mais les conditions ne sont pas précisées et ce n’est pas officiel, on a besoin que des mesures précises nous soient transmises”.
Fabrice Bossuyt, instructeur au centre équestre du Polo de Paris, co-gérant avec son épouse du centre équestre Les Poney d’Alice (27), maire de Mesnil-sur-l’Estrée (27)
Concernant le centre équestre du Polo de Paris (à différencier de l’écurie de propriétaires qui comprend soixante chevaux, ndlr) : “Les clients ont payé à l’année, donc en trésorerie ça devrait aller, et on essaiera de récupérer les cours. Mais en attendant, la surcharge de travail est colossale. Je dispose d’une cavalerie de douze chevaux, en box, que je dois sortir et dont je dois assurer l’entretien au quotidien tous les jours, et pour cela nous ne sommes que deux. Sans parler de ma collègue du poney club qui se retrouve avec dix-sept poneys sur les bras. Beaucoup de frais sont engagés. Et puis ce côté remake est inquiétant, les clients vont finir par se lasser, leur fidélité a des limites et c’est compréhensible”.
Concernant Les Poney d’Alice : “là c’est vraiment problématique. Nous sommes un petit centre équestre de campagne, les clients paient essentiellement à la carte, nous n’avons pas de pension et nous avons déjà été sérieusement mis à mal en début d’année. Et nous ne sommes pas les seuls, loin de là ! On ne peut pas remettre simplement les poneys au pré, il n’y a plus rien à manger, donc on doit piocher dans les réserves de foin que nous avons constituées. Résultat, en 2021 nous allons arriver au bout de notre trésorerie, c’est très inquiétant. Heureusement que je cumule plusieurs emplois sinon on aurait déjà coulé. On ne comprend pas toujours ce que veut la FFE, ni ce qu’elle fait, même si les dernières communications tendent à être plus positives, notamment celle du CREIF. La communication sur les initiatives prises n’est pas claire, et je n’ai pas senti qu’elle était particulièrement montée au créneau (notamment pour les publics majeurs) pour nous défendre, même si j’ai bien conscience qu’elle n’est qu’une structure délégataire du ministère. Je suis dubitatif aussi sur nos syndicats, que je ne trouve pas très actifs. En gros les mots que j’ai envie de prononcer sont : déception et inquiétude”.