Antonin Schuchard et Antoine Nowakowski, les deux jeunes loups de Verden

Sélectionnés pour la première fois de leur carrière aux championnats du monde des jeunes chevaux de dressage, Antonin Schuchard avec Ninjago, six ans, et Antoine Nowakowski avec Quater Girl, sept ans, ont rendez-vous du 9 au 13 décembre à Verden. Issus de la même génération, ces deux cavaliers, respectivement âgés de vingt-sept et vingt-neuf ans, partagent de nombreux points communs. Portrait croisé.



Antonin Schuchard présentera quant à lui Ninjago dans le championnat du monde des six ans.

Antonin Schuchard présentera quant à lui Ninjago dans le championnat du monde des six ans.

© Les Garennes

Une belle surprise. Voici comment Antonin Schuchard et Antoine Nowakowski ont qualifié l’annonce de leur sélection pour les championnats du monde des jeunes chevaux de dressage. “C’était l’objectif”, avoue tout de même le premier, ce qui ne l’empêche de vivre “un rêve éveillé”. “Je m’y étais préparé”, admet le second, “car la saison a été pavée de très bons résultats.” Pour autant, il le reconnaît, “Verden, c’est la cerise sur le gâteau”. Rendez-vous est donc pris du 9 au 13 décembre dans cette petite ville allemande située à moins de cinquante kilomètres au sud-est de Brême, en Basse-Saxe, où l’événement se déroulera exceptionnellement en indoor, ayant été reporté en raison de la satanée pandémie de Covid-19. Leur objectif commun? “Tout donner” bien sûr, et pourquoi pas sur qualifier pour la finale. “Ce serait le top” pour Antoine. “Si je présente une reprise très propre lors de la petite finale, ce sera déjà très bien!”, temporise Antonin. “Parmi les concurrents, il y aura quand même des cavaliers de niveau olympique, donc je garde les pieds sur terre.” 

À vingt-neuf et vingt-sept ans, Antoine Nowakowski et Antonin Schuchard franchiront à n’en pas douter une nouvelle étape de leur carrière. Pourtant, il y a encore quelques années, ni l’un ni l’autre ne se destinait à concourir à ce niveau de compétition, même si le cheval a toujours occupé une place importante dans leur vie… et leur emploi du temps. Après avoir obtenu son bac, Antoine, originaire de Lille, choisit d’intégrer une école de commerce à Bruxelles plutôt qu’à Paris. “J’ai privilégié une ville plus proche de la campagne, permettant de monter à cheval plus facilement”. À dix-huit ans, le Lillois effectue ses premiers pas en compétition de dressage avec Paco du Montois (SF, Urville du Montois x Veneur du Montois), sous la houlette de Ludovic Henry, sélectionné à de nombreuses reprise en équipe de France avec le vénérable After You, y compris aux Jeux olympiques de Rio. Pour celui qui débuté l’équitation à l’âge de douze ans en jumping, c’est une révélation. 

En 2013, Antoine acquiert Vidermie (KWPN, Osmium x Edison), une jument présentant davantage de potentiel, et choisit de s’entraîner aux Pays-Bas, l’une des nations reines de la discipline. S’ensuivent alors deux ans marathon pour le jeune homme. La journée, il monte à cheval, et à 18h, il prend sa voiture direction Bruxelles, pour suivre les cours du soir de l’ICHEC Management School. “À mon arrivée en Belgique, je n’étais pas du tout parti pour faire de l’équitation mon métier”, raconte-t-il. “Du reste, mes parents, qui travaillaient dans l’immobilier, ne voyaient pas le cheval comme une opportunité de carrière. C’est pourquoi je me suis lancé dans ces études.”

Antonin n’a jamais été exposé à une telle pression familiale. Il faut dire que le jeune homme a grandi dans l’écurie familiale de la Villebertin, à La Houssaye-en-Brie, à cinquante kilomètres à l’est de Paris, en Seine-et-Marne. Séverine et Christophe, ses parents, exploitent une structure comptant une trentaine de boxes entourés de quelques hectares de pré. “Tout petit, Antonin nous aidait déjà aux écuries. Il adorait les chevaux, alors il n’a jamais rechigné à la tâche, ni après ses journées à l’école, ni pendant les vacances scolaires”, se souvient sa mère. C’est pourtant dans le cadre d’un centre aéré que le petit garçon apprend à monter à poney. Pendant les grandes vacances, il profite de stages donnés dans un autre centre équestre de la région. 



Des rencontres décisives

Et puis une amie de ses parents lui donne “son vieux cheval”, Winnetou (KWPN, Cruyff x Kenwood). C’est avec lui qu’Antonin débute la compétition en dressage, en 2010, au modeste niveau Club 3, “avec son gogue, comme tout le monde”, se rappelle Séverine Schuchard avec tendresse. Le couple progresse rapidement, jusqu’à atteindre le niveau Pro 3. Malgré son incontestable passion pour la compétition, le Francilien choisi lui aussi de poursuivre des études. “De fait, mon premier métier aujourd’hui, c’est l’enseignement”, explique ce professeur des écoles, en charge cette année d’une classe de maternelle. “Cela n’a pas été facile, mais j’ai toujours mené mes deux passions de front.” 

Pour Antonin comme pour Antoine, cette “double vie” a été bouleversée par des rencontres décisives. Avec Yanna Denis, qu’il a épousé quelques années plus tard, le second nommé devient finalement cavalier professionnel et s’installe à son compte, aux écuries du Moulin, situées dans le village belge de Thorembais-les-Béguines, à cinquante kilomètres au sud-est de Bruxelles. Ensemble, ils se lancent alors dans la valorisation des jeunes chevaux et l’indispensable commerce, “un peu à contrecœur” pour le cavalier. Il y a un peu plus de deux ans, leur activité les mène dans un élevage d’Allemagne où ils espèrent trouver de prometteurs jeunes chevaux. Dans le couloir d’une écurie, Yanna et Antoine ressentent “un véritable coup de foudre” pour une jument alezane nommée Quater Girl (Han, Quaterhall x Don Henrico). “Elle était attachée dans un coin”, raconte l’internationale belge Françoise Hologne-Joux, qui entraîne le cavalier chaque semaine. Celle-ci avoue que les débuts “ne présageaient pas vraiment d’un avenir à haut niveau”. “Quater Girl était très verte dans le travail. Elle ne tournait pas, et je n’avais pas beaucoup de contrôle sur elle”, confirme le dresseur, qui parvient néanmoins, avec le temps, à tisser une véritable relation de confiance avec sa partenaire. 

Encore aujourd’hui, ce lien amuse Yanna. “C’est étrange, mais on dirait vraiment qu’ils se comprennent. Quand il s’occupe d’elle, elle le cherche du regard, le suit partout. Ils ont une super complicité.” Selon Antoine, c’est justement cette harmonie qui les a portés jusqu’à cette qualification pour les Mondiaux Jeunes Chevaux. “Quaty me donne tout. Bien sûr, je pense que c’est dû au programme d’entraînement que je lui ai concocté”, explique-t-il. “Comme tous mes autres chevaux, elle sort au pré tous les jours, quel que soit le temps. J’effectue aussi des séances de travail en cordelette, et un peu de saut. Sincèrement, je pense qu’on peut concourir en dressage au haut niveau en laissant, parfois, la gourmette et les éperons aux écuries.”

Cette philosophie n’est pas si éloignée de celle de la cavalière olympique Jessica Michel-Botton. Depuis de nombreuses années, la reine du Cycle classique travaille sur la décontraction et l bien-être du cheval dans ses programmes d’entraînement. Ce système a séduit Antonin, qui s’est inscrit à un stage organisé par la cavalière du haras de Hus il y a trois ans à Saumur. Conquis par cette expérience, il participe à d’autres stages et demande à Jessica de le coacher en concours. “Elle m’a donné un cadre et des objectifs à atteindre. Cette rencontre m’a fait passer de nombreux caps”, salue-t-il. Avec elle, Antonin développe sa passion pour le dressage des jeunes chevaux, “ce qui n’était pas ma spécialité au départ”, admet-il.

Antoine vit et partage sa passion avec son épouse, Yanna Denis. © Collection privée



Grand Prix or not Grand Prix?

Un coup malheureux du destin va forcer les choses: au moment où Antonin rencontre Jessica, il perd son fidèle Winnetou, qui ne survit pas à une opération. Le cavalier a d’autres chevaux, dont Ferris, un Hanovrien de quatre ans, mais il se rend tout de même aux ventes de Verden. “C’est là que j’ai acheté Ninjago (Han, Negro x San Remo), ce n’était d’ailleurs pas prévu.” Tout de suite, le cheval noir se montre “volontaire, travailleur et compétiteur”. Avec les conseils de Jessica et l’entraînement de Marina Saint-André, le couple se fait une place sur le Cycle classique, se classant quatrième du championnat des chevaux de cinq ans en 2019 à Saumur. Le cavalier francilien fait notamment valoir son calme et sa sérénité. “Antonin est très sérieux dans le travail, c’est même un grand maniaque! Pour autant, il ne se met pas de pression. Il est très posé, avec les chevaux comme avec les enfants”, confie Sévérine Schuchard.

Antoine aussi garde la tête froide en toutes circonstances. De son propre aveu, il supporte même très bien la pression. Pour cela, il s’impose “une grande assiduité dans le travail”, explique son épouse. Depuis peu, cette persévérance va de pair avec une ambition non dissimulé: hisser Quater Girl jusqu’au niveau Grand Prix. “C’est un véritable objectif, pas un rêve”, garantit-il. “À sept ans, Quater Girl a un très bon piaffer et un beau passage. Elle sera au niveau. Nous nous y préparerons progressivement en 2021.” Même si elle admet que son élève manque encore un peu d’expérience, Françoise Hologne assure que le Grand Prix “est une finalité à sa portée. La jument a le potentiel, et Antoine a le talent. À deux, ils vont y arriver, j’en mets ma main au feu.”

Pour Antonin et Ninjago, qui n’a encore que six ans, la question n’est pas à l’ordre du jour. “On verra déjà ce que donnera le championnat des sept ans en 2021. Le haut niveau, le Grand Prix? C’est mon cheval qui décidera.”