Comment les cavaliers amateurs s’adaptent-ils au re-confinement?

Comme l’a annoncé le 1er novembre le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, les propriétaires non professionnels peuvent se rendre à l’écurie où leurs chevaux sont logés “pour aller nourrir, soigner ou assurer l’activité physique indispensable à ces animaux”. Hier soir, la Fédération française d’équitation a annoncé avoir obtenu une dérogation similaire pour les chevaux et poneys de clubs, auxquels leurs cavaliers habituels peuvent désormais accéder sous conditions strictes. Comment ces cavaliers amateurs, propriétaires, demi-pensionnaires ou assidus des centres équestres, vivent-ils ce re-confinement ? GRANDPRIX leur a donné la parole.



Dans un tweet daté du dimanche 1er novembre, Julien Denormandie a publié: “Les propriétaires (et les cavaliers des équidés pris en pension dans les centres, ndlr) sont autorisés à (se rendre à l’écurie) pour aller nourrir, soigner ou assurer l’activité physique indispensable à leurs animaux.” Dans la foulée, le Groupement hippique national a apporté des précisions: “Pour les propriétaires, le déplacement est possible au-delà d’un kilomètre de leur domicile en cochant la case ‘consultations, examens et soins ne pouvant être assurés à distance’ sur l’attestation dérogatoire. […] Il est préférable de circuler avec les justificatifs nécessaires à présenter aux forces de l’ordre en cas de contrôle (carte de propriété, contrat de prise en pension, déclaration de lieu de détention pour les équidés hors structure…). […] Pour les établissements équestres, le travail se poursuit pour obtenir la sécurisation de cette autorisation d’accueillir des propriétaires sur la structure.”

La FFE a également consacré une foire aux questions (FAQ) au sujet sur son site internet. Ainsi, au sujet de la question cruciale: “Puis-je sans risque monter mon cheval là où il est en pension?”, voici sa réponse: “Les propriétaires de chevaux peuvent continuer à se déplacer pour s’occuper d’eux. Ils peuvent venir pour nourrir, soigner et assurer l’activité indispensable de leur équidé. Cela peut impliquer de monter le cheval en fonction de ses besoins physiques.” Quant aux demi-pensionnaires des équidés, ils sont logés à la même enseigne, comme le stipule encore la FAQ en ligne de la FFE: “La tolérance annoncée par le ministre de l’Agriculture concerne les propriétaires et les cavaliers des équidés pris en pension dans les établissements équestres. Ces derniers bénéficient donc des mêmes aménagements.” 

Comme elle le souhaitait et l’avait exprimé publiquement avant l’annonce du re-confinement décrété par le Gouvernement pour endiguer la seconde vague de Covid-19, la Fédération française d’équitation a obtenu hier des ministères de l’Agriculture et des Sports que les cavaliers licenciés dans des poney-clubs ou centres équestres puissent de nouveau accéder aux équidés qu’ils montent habituellement. D’une certaine manière, les poneys et chevaux stationnés dans des structures accueillant du public sont désormais logés à la même enseigne que ceux hébergés dans des écuries de propriétaires. Tout cla est plutôt très positif, surtout quand on se souvient des conditions drastiques imposées dans la même situation lors du premier confinement, de mars à mai dernier. Notons toutefois qu’aucune attestation spécialement dédiée n’existe à ce jour et que, si l’on est pointilleux, force est de constater que le flou juridique demeure… Témoignages.



“Nous n’avons pas le droit de nous plaindre”

Justine Ambite, cavalière de saut d’obstacles et propriétaire au centre équestre du Pont de la Madeleine (Lot): “Clairement, la situation n’a rien à voir avec celle du premier confinement. Les structures restée ouvertes pour nous, propriétaires. Les chevaux se sentent mieux, car on peut continuer à assurer les soins et l’entraînement dont ils ont besoin. Ce sont des athlètes, ne l’oublions pas! Durant le premier confinement, cela n’avait pas été possible, car le personnel autorisé au sein de la structure ne pouvait pas tout faire! En tout cas, pas chez nous. Je suis rassurée et sereine car je peux m’occuper de ma jument. J’ai le droit de la monter pour son entretien physique, j’en suis contente. Les mesures annoncées ne disent cependant rien sur le coaching, donc je me contente de travailler sur le plat, seule. En revanche, même si l’on sait qu’on n’enfreint pas la loi, rien de véritablement officiel n’a été publié, ce qui est embêtant.

Christelle Barbosa, cavalière de saut d’obstacles et propriétaire au haras des Saules (Seine-et-Marne): “Le confinement, V2… 2020 est synonyme de chutes à répétition! Des entraînements morcelés, le travail des années précédentes anéanti, des concours annulés, un sentiment d’objectifs non atteint. C’est difficile, mais nous n’avons pas le droit de nous plaindre. L’équitation nous apprend à nous adapter, mais surtout à nous relever à chaque fois que nous tombons! Alors comme on dit chez nous: ‘Devant le fait accompli, on sert les jambes et on attend.’ Ce second confinement était prévisible, alors en bonne cavalière, je l’aborde sereinement. Ce qui compte c’est que mes proches, mon cheval et moi-même soyons en bonne santé. Ce qui m’inquiète est bien plus important que mes besoins de cavalière. C’est le fait d’être propriétaire, d’être responsable du bien-être d’un animal qui ne comprend pas mes absences et ce changement de rythme perpétuel. Ma priorité est de pouvoir m’occuper correctement de lui à une période où le climat ne facilite pas la tâche du propriétaire de notre structure. Nous restons quotidiennement à l’écoute des annonces nationales, de la FFE et du ministère de l’Agriculture. Tout cela reste compliqué.

J’ai la chance d’être dans une petite structure où il n’y a que des propriétaires. Chacun son cheval, chacun son matériel, donc le respect des gestes barrières est facilité. En Seine-et-Marne, le préfet autorise les propriétaires à s’occuper de leur équidé. Alors on s’organise, on crée des groupes de cinq, par tranches horaires de deux heures, pour maintenir les sorties et soins quotidiens des chevaux. Même s’il n’y a plus de cours collectifs ou individuels, un cavalier amateur est capable d’assurer seul les bases du travail d’un cheval pour le maintenir en bonne santé. Nous adaptons nos séances, avec au minimum de exercices simples d’assouplissement. Les séances de saut d’obstacles sont interdites pour éviter les accidents. Inutile de surcharger les hôpitaux avec des blessures de cavaliers… On patiente et on attend la fin de cette épidémie, que l’on savourera comme la première balade du printemps…”



“Un crève-cœur de rester à la maison sans objectif sportif”

Alexandra Bernard-Laroche, cavalière de saut d’obstacles et propriétaire au haras du Mascaret (Gironde): “Lors du premier confinement, j’étais très inquiète: même si nous savions que nos chevaux allaient bien et qu’on s’occupait bien d’eux à l’écurie, il était très frustrant de ne pas pouvoir les voir pendant aussi longtemps. Là, ce n’est pas du tout la même chose. C’est beaucoup plus facile, je travaille quasi-normalement: je vais monter mon cheval comme en temps normal, quatre fois par semaine. De plus, j’évolue dans une écurie accueillant exclusivement des propriétaires, à échelle humaine, ce qui facilite les choses. Mettre en place un protocole sanitaire n’a pas été difficile: il est aisé de ne jamais être plus de trois ou quatre dans l’enceinte de la structure. Je fais juste bien attention, lorsque je me rends à l’écurie, d’avoir avec moi un dossier avec ma licence, les copies de mes cartes de propriétaires, mon attestation et la copie du document préfectoral stipulant que j’ai bien le droit d’aller m’occuper de mes chevaux et les monter. En revanche, il est vraiment embêtant de devoir une nouvelle fois interrompre notre saison de concours…”

Yunaë Croizier, cavalière de saut d’obstacles à poney et propriétaire au Clos Saint Maurice (Sarthe): “J’ai beaucoup de chance, car en tant que propriétaire, je peux aller monter dans mes écuries sans problème avec mon attestation. Néanmoins, je ne trouve pas cette situation idéale, car je ne peux pas monter avec mes amis, qui ne possèdent pas forcément de chevaux ou n’en ont pas non plus en demi-pension. Or, ce qui me réjouit aussi dans ce sport, c’est de pouvoir le pratiquer avec des personnes, en groupe ou entre amis. Il y a aussi la question des compétitions: je concours en As Poney Élite Excellence avec mon poney, Tonic d’Aspe, et les épreuves ont évidemment toutes été annulées à cause de la pandémie et parce que nous ne sommes pas des cavaliers professionnels. Il ne me restait que trois Grands Prix à courir avant mes seize ans (limite d’âge à poney, ndlr). La pandémie a éloigné cette perspective, qui restait un rêve pour moi. Mon poney aime vraiment les concours et c’est un crève-cœur de rester à la maison sans objectif sportif.”

Amélie Brochon, cavalière d’un cheval en demi-pension aux écuries de la Garde (Puy-de-Dôme): “Je suis cavalière dans une petite écurie. L’annonce de ce second confinement a posé de nombreuses questions pour mon cas de figure. La publication de la préfecture du Puy-de-Dôme autorisant les cavaliers des équidés pris en pension à aller s’occuper des chevaux a été un vrai soulagement. Dès le 3 novembre, le préfet nous a en effet autorisés à nous rendre auprès des chevaux pour nous en occuper et les monter, même si nous n’en sommes pas propriétaires. Lorsqu’on habite dans un appartement, pouvoir passer ne serait-ce qu’un après-midi dans la semaine à l'extérieur est primordial. Bien sûr, nous respectons les gestes barrières et nous nous relayons pour aller nous occuper des chevaux. À l’approche de l’hiver, ils ont d’autant plus besoin de nous pour les nourrir et les soigner!”