By Ceira d'Ick, la belle histoire

Bien qu’il n’ait jamais concouru, By Ceira d’Ick connaît un réel engouement depuis deux saisons auprès des éleveurs. À la Grande Semaine de Fontainebleau, son nom était sur les lèvres de tous observateurs avisés, conscients de la qualité hors norme de ses produits. Pour son naisseur et propriétaire, Richard Dick, c’est une belle histoire avec un cheval dont il est littéralement amoureux.



Avant la Grande Semaine de Fontainebleau, By Ceira d’Ick faisait partie des étalons qui avaient attiré l’attention de la rédaction (lire GRANDPRIX heroes n°118) en raison des statistiques très intéressantes de ses produits, même si leur nombre était encore restreint. En effet, sur les douze descendants de By Ceira d’Ick ayant évolué cette saison sur le Cycle classique, huit se sont qualifiés pour les finales nationales, soit les deux tiers. C’est la meilleure proportion parmi les cent cinq étalons comptant plus de dix produits présentés sur le Cycle classique en 2020. Cinq filles et fils de By Ceira d’Ick ont participé aux finales avec, là encore, des résultats impressionnants, puisque quatre d’entre eux n’ont touché aucune barre. Ainsi, Girl Power DK (SF, mère par Cash) a obtenu le titre de vice-championne des femelles de quatre ans, finissant quatre rangs devant Give Me One Reason DK (SF, mère par Diamant de Semilly), tandis que Baby Face DK (Z, mère par Mr Blue) a conquis un Label SHF et terminé neuvième dans la catégorie des chevaux de quatre ans inscrits dans un autre stud-book que le Selle Français ou l’Anglo-Arabe. Chez les cinq ans, Funny Girl DK (SF, mère par Kannan) a terminé septième et aurait été vice-championne sans un point de temps dépassé lors de la seconde qualificative. Seul Filotin Courcelle (SF, mère par Heartbreaker), crédité d’un sans-faute lors de la première qualificative puis de huit points dans la seconde, ne s’est pas classé. Autre fille de By Ceira d’Ick, Irréelle de Talma (SF, mère par Quincy) s’est classe treizième du championnat de France de Selle Français de deux ans, obtenant la deuxième meilleure note au saut en liberté (18,12/20) dans le cadre de l’Événement femelles du Stud-book. 

Outre ces excellents résultats, les produits de By Ceira d’Ick se sont également fait remarquer par leur qualité de saut qui attire l’attention. De l’avis de beaucoup, Girl Power DK a été celle qui a fait la plus forte impression parmi les chevaux de quatre ans présentés. Du reste, seule une moins bonne note au modèle l’a privé d’un sacre. By Ceira est né chez Richard Dick, qui était tombée sous le charme de sa mère, la célébrissime Fein Cera (Holst, Landadel x Cor de la Bryère), médaillée de bronze individuelle des Jeux équestres mondiaux de Jerez de la Frontera 2002, puis d’or par équipes aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004 avec l’Américain Peter Wylde. “J’ai toujours été à l’affût de la meilleure génétique possible, et influencé par les chevaux qui étaient de grands performers au moment où je me suis lancé dans l’élevage, dans les années 2000. Fein Cera m’avait particulièrement marqué, bien évidemment à Jerez, où elle avait été le meilleur cheval de la finale tournante, mais elle a aussi gagné beaucoup d’autres grandes épreuves. Elle me faisait rêver. Je me souviens d’interviews, où Peter Wylde disait que sa jument était extraordinaire, d’une finesse exceptionnelle, qu’il la montait sans éperons. Plus tard, j’ai croisé la route de Fein Cera chez Keros, en Belgique, où j’emmenais des juments se faire saillir. J’ai demandé s’il y avait une possibilité de produire et d’acheter des embryons de la jument. Il y avait alors un poulain d’Atlantic et Fein Cera (Amsterdam Z, ndlr), qui ne me plaisait pas spécialement, un embryon avec Stakkato, mais aussi la possibilité de racheter Fein Cera. Vu son âge, je n’étais pas certain de pouvoir obtenir d’autres poulains d’elle, donc j’ai acheté l’embryon. Le poulain est né chez moi. Il était très beau, avec beaucoup d’œil, de présence et un très bon galop. Je l’ai élevé et me suis rendu compte que j’avais vraiment affaire à un animal hors du commun, aussi bien sur le plan génétique qu’en termes de qualité de saut”, raconte l’éleveur installé à Saint-Sylvestre-de-Cormeilles, dans l’Eure.



UNE GÉNÉTIQUE EXCEPTIONNELLE

Pour un amoureux de génétique, il s’agissait effectivement d’une opportunité à ne pas laisser passer. Très grand performer sous la selle de l’Allemande Eva Bitter, avec laquelle il a accompli toute sa carrière sportive, Stakkato (Han, Spartan x Pygmalion) a été champion des cinq ans en Allemagne avant de se classer dans de nombreux Grands Prix à 1,60m. Stakkato a engendré de nombreux performers au plus haut niveau, dont Souvenir 29 (Han, mère par Lemon, Ps) avec l’Allemand Philip Weishaupt, Saint Amour (Han, mère par Sherlock Holmes) avec Svante Johansson, Satisfaction FRH (Han, mère par Calypso II) avec l’Allemand Marco Kutscher, Spartacus TN (Han, mère par Grannus) avec le même Marco Kutscher et le Néerlandais Henk van de Pol, Scendix (Han, mère par Dinar) avec le Belge Brecht Bille et le Canadien Éric Lamaze, Ukato (Han, mère par Literat) avec le Néerlandais Willem Greve, Sambuca (Han, mère par Calypso II) avec Eva Bitter, Stranger 30 (Han, mère par Cheenook) avec l’Américain Andrew Ramsay ou encore Filou de Muze (BWP, mère par Rubens du Ri d’Asse) avec le Belge Philippe Le Jeune et son épouse Lucia Le Jeune Vizzini. 

Fein Cera a été l’une des meilleures juments du début du vingt et unième siècle (lire à son sujet l’article paru dans le n°113 de GRANDPRIX heroes). Elle a permis à Peter Wylde d’obtenir les deux médailles sus-citées, mais aussi de briller dans de nombreux Grands Prix, remportant notamment ceux de Bruxelles et Düsseldorf. Elle fut l’unique produit de Cera, qui a brillé avec l’Irlandais Paul Darragh puis l’Allemand Otto Becker, avec lequel elle a remporté le championnat d’Allemagne et la Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle. Dans cette famille maternelle, développée par le célèbre éleveur allemand Harm Thormählen, on trouve de nombreux gagnants au plus haut niveau tels Gera VI (Holst, Calando I x Capitano) avec l’Américain Michael Morrissey, Caracho 14 (Holst, Cento x Acodetto I) avec l’Américaine Lucy Davis, Cero I (Holst, Calido I x Come On) avec le Belge François Mathy Jr, Daron (KWPN, Vleut x Corland) avec la Japonaise Ai Harada, Vicktor R (KWPN, Hors la Loi II x Corland) avec l’Irlandais Conor Swail ou encore le très bon étalon Lacapo (Holst, Landgraf I x Capitano). Fein Cera a eu cinq produits, dont une fille, Kleine Cera (Holst, Calato), qui présente une très belle descendance Holsteiner. Elle est ainsi la mère de Capriccio 53 (Come On), gagnant à 1,50m avec l’Allemand Uwe Schmitz, Zera 23 (Cero I), vue jusqu’à 1,60m avec le Slovaque Pato Muente et elle-même mère de Castlefield Dream (Clinton I), qui débute à 1,50m avec l’Irlandais Brian Cournane, et surtout l’olympique Ornellaia (For Pleasure), grande gagnante avec le Britannique John Whitaker puis la Finlandaise Anna-Julia Kontio et l’Irlandais Peter Moloney. Via Pretty Cera (Holst, Contender), Kleine Cera est aussi la grand-mère d’Echo of Light (Holst, Come On), performant jusqu’à 1,60m avec John Whitaker.



MAUDITE BLESSURE...

À deux ans et demi, By Ceira d’Ick se montre impressionnant en liberté et tape dans l’œil du plus grand éleveur et étalonnier belge, Joris de Brabander. “Il est tout de suite tombé très amoureux du cheval et a voulu m’acheter des paillettes de lui. Comme je n’étais pas étalonnier, je me suis rendu compte que j’aurais du mal à gérer moimême sa carrière à l’élevage, car étalonnier est un métier à part entière. J’ai saisi l’arrivée de Joris comme une opportunité. Aussi, il a racheté un tiers du cheval, qui est parti en Belgique pour faire la monte. Malheureusement, By Ceira s’est blessé et je l’ai repris chez moi pour le soigner. Parce que je l’adorais, je l’ai croisé à mes juments et j’ai obtenu deux bonnes générations, d’où sont sortis beaucoup de très bons chevaux très prometteurs pour l’avenir. Il y a ceux qui étaient cette année à Fontainebleau, mais également d’autres qui ont été préservés, comme Black Cera DK (Z, mère par For Pleasure) ou Floralie DK (SF, mère par Diamant de Semilly), achetée lors des ventes Fences par le haras des Coudrettes, qui croit énormément en elle. Je pense que ces deux chevaux, programmés pour le très haut niveau, vont percer. Après ces deux premières générations, d’autres éleveurs ont utilisé By Ceira et en sont très contents”, explique Richard Dick. 

Après avoir sailli essentiellement les juments de son propriétaire et engendré une trentaine de poulains en trois ans, la carrière d’étalon de By Ceira d’Ick décolle véritablement lorsqu’il est loué par France Étalons en 2017, saillissant soixante-quatre juments, puis cinquante-quatre l’année suivante et cent soixante-quinze en 2019, quand ses premiers produits ont commencé à pointer le bout de leur nez. Cette saison, il a passé la barre des deux cents saillies et devrait sûrement rester à ce niveau l’an prochain, vu l’engouement des éleveurs et les résultats en concours de ses premières générations. Même s’il a moins travaillé en Belgique qu’en France, By Ceira compte déjà trois étalons approuvés outre-Quiévrain: Perseus de Muze (BWP, mère par Quidam de Revel), issu de sa première génération, ainsi que Ruud DC (BWP, mère par Mylord Carthago) et Bombay ter Doorn (Z, mère par For Pleasure), approuvés par le BWP en début d’année. Denis Hubert et Michel Guiot, qui dirigent France Étalons, croient beaucoup en lui et le voient comme la figure de proue de leur catalogue pour les années à venir. “À la base, je ne pensais pas spécialement chercher un distributeur en France”, avoue Richard Dick, très satisfait de cette collaboration. “France Étalons m’a contacté. Je m’entends très bien avec l’équipe, qui est très dynamique et à qui le succès du cheval doit beaucoup.”

Pour Richard Dick, By Ceira a beaucoup de qualités complémentaires avec celles des juments de l’Hexagone. “Je pense que c’est un cheval qui correspond très bien à la jumenterie française. Quand je le voyais à deux ans, avec sa grande sortie d’encolure, je me disais que c’était génial, car il allait bien croiser avec les juments françaises qui sont souvent un peu courtes dans leur bout de devant. Globalement, il amène de la taille, de la force, des rayons et il transmet véritablement son respect, sa sensibilité et un fort passage de dos avec une bonne technique. Avec le recul, je dirais qu’il faut plutôt lui apporter des juments assez chic, même si Black Cera DK Z, par exemple, est une gravure de mode. By Ceira a beaucoup de sang et ses produits n’en manquent pas. En général, ils ont du sang sous la masse. De plus, il a une qualité de semence extraordinaire. Enfin, les produits que j’ai eus présentent des radios très propres, comme lui étant jeune.“

Outre ses qualités d’étalon, une véritable histoire d’amour lie Richard Dick à son cheval. “Je ressens un attachement très profond pour ce cheval, et réciproquement. Je l’adore, il a un caractère incroyable. C’est un cheval extrêmement stable, mais d’une sensibilité phénoménale. Quand je lis les propos de Peter Wylde concernant Fein Cera, je retrouve beaucoup de points communs. Il peut être très dominant avec les autres entiers, mais il respecte l’homme et se montre attentif à tout. J’ai des très bons chevaux dans mes écuries, dans lesquels je fonde de grands espoirs sportifs, mais avec By Ceira, il y a quelque chose en plus. C’est mon cheval de cœur. Il n’a pas concouru et je ne suis pas étalonnier, alors c’est une belle histoire. Il n’a que neuf ans, ses premiers produits arrivent. Le fait qu’il ne concoure pas le rend encore plus disponible pour les éleveurs. Avec lui, c’est vraiment le bouche-à-oreille qui a fonctionné. Je ne pense pas que ce soit juste un effet de mode. Je suis vraiment très amoureux de mon cheval et très fier de la façon dont il produit.“

Cet article est paru dans le dernier numéro de magazine GRANDPRIX (n°121).