Élite de la Mouline, la révélation de Pompadour
Si Étoile de Béliard, sacrée championne de France des chevaux de six ans lors de la Grande Semaine de concours complet, et très régulière cette saison avec Thomas Carlile, a sans nul doute le profil d’une grande crack, d’autres jeunes pousses se sont révélées au grand jour en 2020. La finale de Pompadour a ainsi permis de mettre en lumière Es Igual, Eventing de Fay et surtout Élite de la Mouline, vice-champion de France. Ce superbe gris est le fruit du travail d’éleveurs passionnés et de la patience d’un cavalier amoureux de son champion en herbe. Portrait.
Il est des épisodes de la vie qui peuvent parfois réorienter brusquement tout un cycle... Après avoir vu Eldorado de Hus (KWPN, Diarado x Balou du Rouet) se classer sixième de la finale nationale du Cycle classique des chevaux de dressage de quatre ans, en 2013 à Saumur, sous la selle de Gilles Botton, responsable de l’écurie de saut d’obstacles du haras de Hus, Danièle Doumergue l’a choisi pour faire saillir Samba du Lattay (SF, Joeris x Junior STV), sa jument pleine de sang présentant une excellente locomotion. “J’avais acheté cette jument, devenue borgne à la suite d’une uvéite, pour sa belle locomotion. Elle est issue d’une souche néerlandaise qui a produit quelques gagnants en dressage. Quand j’ai vu Eldorado, ce bel étalon orienté vers le saut d’obstacles et doté d’un caractère en or, j’ai décidé de l’utiliser pour produire des chevaux de concours complet.”
Le premier a été Élite de la Mouline, né le 22 mai 2014. “C’était un joli poulain, gentil et qualiteux. Cependant, il était émotif, alors j’ai choisi de le faire débourrer par mon fils et ma belle-fille, Philippe et Pauline Doumergue, afin de ne rien laisser au hasard. À trois ans, nous l’avons également présenté à Saumur, où il a terminé quatrième de la finale des hongres de France Dressage. C’était un croisement original.” Dès ses premiers pas sur les terrains de concours, le cheval suscite les convoitises. L’École nationale d’équitation (ENE) songe à l’acquérir, mais Élite est jugé tardif dans sa construction physique et sa petite taille finalement bloque la vente.
Après une visite chez Pauline et Philippe Doumergue, Jonathan Cisternas tombe à son tour sous le charme d’Élite. Le coup de foudre est immédiat. Le cheval intègre alors les écuries AJC, situées à Parigné-l’Évêque, dans la Sarthe, où il est pris en charge par Jonathan, cavalier binational montant en CCI sous les couleurs du Chili. “Élite nous a tout de suite plu malgré son émotivité et sa taille. L’hiver de ses trois à quatre ans, il a énormément grandi, d’environ dix centimètres! Anaïs Thibot, mon épouse, et moi avons débuté sa formation en saut d’obstacles et complet. Nous n’étions pas forcément vendeurs mais les aléas économiques font qu’il faut parfois se résoudre à se séparer de nos chevaux. Nous avons donc présenté Élite à une cliente britannique de Franck Bourny. Cependant, comme il était encore en pleine croissance, il a présenté une coquetterie à la visite vétérinaire et n’a pas été acheté. J’ai vu cela comme un signe du destin.”
Jonathan Cisternas doit toutefois s’armer de patience. “Élite était irrégulier. Ses deux premières saisons de formation, à quatre et cinq ans, ont été compliquées à cause de sa grande émotivité. Il pouvait avoir très peur des éléments qui bougeaient autour de lui. Il a toujours très bien bougé sur les rectangles de dressage, par exemple, mais avec une attitude de nuque trop haute et contractée, ce qui faisait baisser ses notes. Cela explique pourquoi les performances n’ont pas été au rendez-vous avant cette année. Parfois, il ne voulait même pas rentrer aux écuries et pouvait aller jusqu’à se mettre en danger. L’hiver dernier, il a beaucoup mûri, ce qui lui a permis de mettre en avant sa superbe locomotion et donc de grandement progresser en dressage et de pouvoir enfin déployer sa classe de galop au cross. Désormais, il survole ce test avec une grande facilité, sans se fatiguer. Dans son comportement, il s’est posé ; il est plus à l’aise. À l’hippique, il peut encore se déconcentrer.” Ses émotions lui ont notamment joué des tours à Marnes-la-Coquette et Sandillon, où des barres sont tombées à cause d’une banderole et d’un sapin.
“J’aimerais le garder en cheval de tête”, Jonathan Cisternas
Jonathan continue à travailler sur ces détails qui freinent encore l’ascension de son superbe gris. Ainsi, un petit changement de mors lui a permis d’aligner quatre sans-faute et d’espérer une belle performance au Mondial du Lion-d’Angers, qui s’est tenu mi-octobre (entre le bouclage et la sortie en kiosques de ce numéro). Mi-septembre au Haras national de Pompadour, le bien nommé Élite a bel et bien obtenu sa qualification pour ce championnat si prisé, qui plus est avec panache. À l’avenir, sa double nationalité devrait permettre à son cavalier, formé durant trois ans chez Ivan Scherer et deux ans chez le Néo-Zélandais Andrew Nicholson, d’obtenir plus facilement des sélections pour continuer à progresser. “C’est une belle récompense pour mon équipe! J’avais déjà participé au Mondial des six ans avec Bambino de l’Illate (SF, Orlando van de Heffinck x Be Bop III), un véritable maître d’école qui a été vendu au jeune cavalier italien Paolo Torlonia, avec lequel il concourt jusqu’en CCI 4*-L.”
Pour Élite de la Mouline, la possibilité d’une vente n’est pas exclue, mais... “en soit, je n’en ai pas envie. J’aimerais le garder en cheval de tête pour me lancer à haut niveau et me confronter aux tout meilleurs. Élite est mon champion et je l’adore!”, avance le pilote de trente-sept ans. “Jonathan est un cavalier très sérieux et appliqué, qui a su trouver un super cheval d’avenir”, salue Laurent Bousquet, qui l’entraîne depuis de nombreuses années et apprécie évidemment le couple. “Élite est le résultat d’un travail d’équipe avec les éleveurs, que je remercie: Laurent Bousquet, qui me suit depuis toujours, et Anaïs, une merveilleuse préparatrice de chevaux et poneys de Grands Prix, sans qui je ne pourrais pas réussir de cette manière. Elle est pour nous une aide morale plus que précieuse et un œil averti sur nos prestations en dressage”, salue à son tour Jonathan.
À Pompadour, l’élevage La Mouline a vécu une Grande Semaine riche en émotions. En effet, outre Élite, Gravure de la Mouline, elle aussi issue d’Eldorado de Hus et de Quandy de Hus (Z, Que Guapo x Chellano), l’autre poulinière de l’élevage, a conquis le titre de vice-championne de France des quatre ans avec Astier Nicolas. “C’est émouvant et tellement de bonheur pour un petit élevage comme le nôtre d’avoir deux produits très performants dans ces championnats de France”, confie Danièle Doumergue. “Pour l’avenir, je compte notamment sur Ho Lala de la Mouline, propre sœur d’Élite, qui a trois ans. Cette année, j’ai d’ailleurs décidé de faire saillir mes deux juments par Eldorado de Hus afin de reproduire les croisements qui ont donné Élite et Gravure. Quand on ne vit que pour nos chevaux, voir des cavaliers de haut niveau les apprécier et les mettre en valeur est une très belle récompense.”
Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX (n°121).