“La situation nous contraint à prévoir trois Jumping de La Baule pour n’en délivrer finalement qu’un”, Pierre de Brissac

Élu à la présidence de la Société des concours hippiques (SCH) de La Baule le 26 août dernier, à la suite de la démission de Rémi Cléro, en poste depuis 2012, Pierre de Brissac aurait sûrement préféré que la transition intervienne dans une situation plus stable que celle imposée par les crises sanitaire et économique liées à la pandémie de Covid-19. Pour autant, il s’est vite attelé à la préparation de l’édition 2021 du Jumping international Longines de La Baule, hôte du prestigieux CSIO 5* de France. Annulé en 2020, l’événement aura bien lieu en 2021, et ce pour la soixantième fois, “avec autant de public que possible”, assure le cavalier, entrepreneur et pilote d’hélicoptères de quarante-six ans, avec lequel il était grand temps, aussi, de faire plus ample connaissance. Quelques heures avant l’assemblée générale de la SCH, le Baulois s’est prêté au jeu de l’interview.



Comment allez-vous?

Je vais très bien, merci. Il fait un temps magnifique à La Baule. Depuis mon bureau de la SCH, j’ai une vue imprenable sur la piste du stade François-André. L’herbe pousse, et elle est bien verte. Nous préparons notre assemblée générale ordinaire, ce qui demande toujours un peu de travail.

Comment s’annonce l’édition 2021 du Jumping de La Baule?

C’est un chantier compliqué. Pour adopter un langage équestre, nous travaillons sur un événement à trois allures possibles: au galop, avec un taux d’occupation de nos tribunes de 70% ou plus, ce qui est naturellement notre option prioritaire, au trot, avec une jauge d’un demi ou d’un quart de nos capacités, option la plus probable, et au pas, ce qui signifierait à huis clos. Je reste très confiant quant à la possibilité d’obtenir un jauge supérieure ou égale à 50%. Je nourris de grands espoirs vis-à-vis des vaccins contre la Covid-19, dont on nous parle plus précisément depuis quelques semaines et qui laissent présager d’une année plus “normale”. En attendant, nous travaillons donc de façon concomitante sur trois scénarios, notamment en termes de sécurité, d’accueil d’exposants ainsi que de montage de tribunes temporaires et d’espaces de restauration. Naturellement, le Jumping de La Baule est et restera un événement gratuit pour le public, donc sans revenus de billetterie, mais la jauge a un impact direct sur la location d’espaces d’expositions. En tout cas, nous n’imaginons pas une nouvelle annulation.

Dans quel état d’esprit sont vos partenaires? Seront-ils tous là? Et aussi généreux?

Pour l’instant, tous ont décidé de nous suivre. J’en ai rencontré le plus grand nombre depuis mon entrée en fonction. D’ailleurs, j’ai une pensée pour la maison Hermès Paris, qui a malheureusement dû annuler cette semaine l’édition 2021 de son traditionnel Saut Hermès… Quant à l’ampleur de leur engagement, nous leur avons présenté ce plan à trois allures. Je n’ai pas trop de craintes quant à leur contribution en termes stricts de sponsoring. En revanche, d’éventuelles restrictions sanitaires auraient forcément des impacts sur le taux d’occupation des espaces de réception que nous leur réservons… Pour autant, notre Jumping de La Baule n’a jamais été et ne sera jamais un concours paillettes. C’est d’abord et surtout un rendez-vous sportif, et c’est cela qui séduit en premier lieu nos partenaires.

Le soutien de la ville, du conseil départemental et du conseil régional sera-t-il toujours aussi fort?

J’ai pu rassurer à plusieurs reprises les élus de ces trois collectivités essentielles à notre événement, et tous nous soutiennent à fond dans l’organisation de la soixantième édition. À l’échelle de la ville de La Baule bien sûr, mais aussi de la Loire-Atlantique et des Pays-de-la-Loire, région très fortement liée au cheval, notre Jumping est un grand événement sportif. En termes d’image, les retombées sont très importantes depuis toujours.



“ J’espère que nous donnerons le bon exemple aux autres beaux rendez-vous de l’année 2021”

Y aura-t-il des festivités particulières pour cette édition anniversaire?

Nous avons beaucoup d’idées et de projets, mais nous devons rester prudents sur le plan budgétaire, malgré le soutien de tous nos partenaires publics et privés. Plutôt que du faste, qui ne correspondrait pas à ce que nous sommes ni au moment que nous traversons, nous avons prévu des clins d’œil. Ils auront trait à l’histoire du concours. J’aimerais aussi partager un grand gâteau avec le public, si les règles sanitaires le permettent, bien évidemment. Et nous entendons associer à tout cela la fondation JustWorld International, que nous soutenons depuis de nombreuses années déjà. Je n’en dirai pas plus tant que nous n’aurons pas une idée plus précise des conditions sanitaires dans lesquelles pourra se dérouler le concours. Cette soixantième édition coïncidera avec l’année du cheval, organisée par la vill de La Baule. À cette occasion, il y aura notamment une chevauchée sur la plage. J’entends bien y participer avec le nouveau maire, Franck Louvrier, qui a pris ce pari!

Quel a été l’impact de l’annulation de l’édition 2020 sur les finances de la SCH?

Grâce à l’excellente gestion de Rémi Cléro, mon prédécesseur, nous avons quelques foulées de trésorerie devant nous, ce qui nous permettra d’assurer en partie l’édition 2021. L’impact a été limité parce que nous avons annulé le concours assez tôt dans l’année (dès le 17 mars, ndlr). Nous avons bien dû payer quelques prestataires, mais cela n’a pas mis en danger l’avenir du concours. Alice et Rémi sont chez eux durant ces quatre jours et nous espérons les avoir à nos côtés pour fêter la soixantième édition. 

Quelle contacts entretenez-vous avec les autres organisateurs de CSIO?

À vrai dire, j’ai davantage de contacts avec les autres organisateurs français. J’ai d’ailleurs transmis toute ma peine à Sylvie Robert (présidente de GL events Equestrian Sport, ndlr) lorsqu’elle a dû annuler son Longines Equita Lyon au dernier moment (en raison de la montée de la deuxième vague de Covid-19, ndlr), cet automne. L’an prochain, le CSIO 5* de La Baule sera le premier grand rendez-vous européen en extérieur (trois CSI 5* sont toutefois programmés à Grimaud, dans le cadre de l’Hubside Jumping, mi-avril et début mai; et deux CSI 5* sont prévus le même week-end que le Jumping de La Baule, à Windsor et Hambourg…, ndlr). J’espère que nous donnerons le bon exemple aux autres beaux rendez-vous de l’année 2021. Mais encore une fois, ce ne sera pas simple, car la situation nous contraint à prévoir trois Jumping de La Baule pour n’en délivrer qu’un… ce qui demande vraiment beaucoup de travail.

À titre personnel, il ne doit pas être évident de prendre les rênes d’un tel événement au cours d’une année si particulière…

Non, c’est clair. Cependant, cette élection à la présidence du Jumping représente pour moi une consécration, et je ne vais pas m’en plaindre. Je porte un véritable amour à La Baule et à cet événement exceptionnel, alors il faut prendre les choses comme elles viennent. Au moins, pourvu que ce virus soit enfin derrière nous, les éditions suivantes devraient être plus simples à organiser.

Qu’avez-vous appris en tant que membre du conseil d’administration depuis 2012?

En dehors des incertitudes liées à la Covid-19, j’ai découvert les aléas de l’organisation d’un tel événement. Une année, nous avions dû composer avec la grippe équine; d’autres fois, avec la météo. Pour autant, tous ceux qui œuvrent à la réussite de ce rendez-vous, qu’il s’agisse du personnel permanent comme de nos prestataires et autres, sont parfaitement rodés.

À ce titre, à la faveur du changement de président, y a-t-il eu des mouvements dans l’équipe? 

Non, pas du tout. On ne change pas une équipe qui gagne! Nous continuons donc à travailler avec Nadia Poirier, directrice du concours, qui est épaulée par Fleur Leroyer et Célia Langlais. De même, Frédéric Cottier, qui est d’ailleurs venu il y a quelques jours inspecter le terrain et discuter de l’avant-programme, reste notre directeur technique. Je lui parle très régulièrement au téléphone et j’apprécie énormément son travail, ses choix et sa manière d’envisager ce sport.



“Je veux associer la jeunesse à ce magnifique événement”

Qu’en sera-t-il des autres événements baulois, d’ampleur locale ou régionale, voulus par le nouveau maire de La Baule, Franck Louvrier, qui a succédé en juin dernier à Yves Métaireau? Y aura-t-il de nouveaux concours dès 2021?

D’abord, je partage pleinement cette nouvelle orientation. Il ne faut pas oublier que ce sont les Bauloises et Baulois qui paient l’entretien de ces magnifiques infrastructures. Dès mon accession à la présidence, j’ai exprimé ma volonté d’organiser plusieurs nouveaux événements au stade François-André, mais aussi au centre équestre attenant, en collaboration avec Damien Haddad, cavalier professionnel qui gère cette structure. C’est plus facile à dire qu’à faire, compte tenu des contraintes liées à notre terrain en herbe. Toutes ces pistes sont capricieuses, on le sait, mais l’envie est là. Pour 2021, compte tenu de la situation, nous allons sûrement nous concentrer sur notre Jumping international, mais il faudra faire plus à l’avenir. Je pense notamment à un concours Poneys, pour lequel je veux travailler en collaboration avec la Fédération française d’équitation. Et dès 2021, nous ferons participer aux remises des prix du Jumping les plus méritants jeunes cavaliers des trois centres équestres baulois. Je veux associer la jeunesse à ce magnifique événement.

Le terrain en herbe de La Baule est toujours au centre des préoccupations des protagonistes de l’Officiel de France. La regrettable annulation de l’édition 2020 a-t-elle permis à l’herbe de mieux s’enraciner?

À l’instant présent, le terrain est absolument magnifique. Je l’ai sous mes yeux. Les services techniques de la ville sont en train d’effectuer des carottages pour mesurer la profondeur des racines. J’irai les voir tout à l’heure. Le gazon doit encore être nourri pour prendre de la force, mais ne pas être trop arrosé, sans quoi il ne s’enracine plus en profondeur. Nous sommes très vigilants à ce sujet, dont je discute très régulièrement avec Frédéric Cottier, et les services techniques municipaux y travaillent deux fois par semaine.

Cossé-Brissac est un nom qui résonne depuis longtemps dans le monde du cheval. Qu’évoque-t-il pour vous? Vous sentez-vous héritier d’une dynastie d’hommes de cheval?

On ne choisit pas la famille dans laquelle on naît, mais il y a bien pire que la mienne! Face à tel ou tel patronyme, c’est surtout le regard des autres qui peut changer, en fonction de ce qu’il représente. Dans le monde du cheval, ce nom n’est donc pas toujours simple à porter. Pour ma part, j’essaie de le porter de la meilleure manière qui soit, et je suis content de le faire résonner à mon tout petit niveau à La Baule et dans le monde équestre. Mon grand-père, Pierre de Cossé-Brissac, puis mon père, François de Cossé-Brissac, ont tous deux présidé le Jockey Club de Paris. Mon père a aussi présidé l’hippodrome d’Angers. J’ai été baigné dans l’univers du cheval dès mon enfance. Et je suis également fier et reconnaissant de succéder à René Pasquier, qui a fait en grande partie de ce stade et de ce concours ce qu’ils sont aujourd’hui. L’histoire est capitale dans tout cela. L’an prochain, le fils de René Pasquier remettra les prix du Derby de La Baule à mes côtés, ce dont je suis très heureux.

Vous avez aussi joué au polo. Comment conciliez-vous votre passion pour le cheval, animal terrien s’il en est, avec votre profession, plutôt aérienne, de gérant-salarié de la société bauloise Héliberté?

Être à cheval ou aux commandes d’un hélicoptère, c’est du pilotage. Dans les deux cas, il faut faire preuve de finesse et regarder loin devant. Il y a quelques années, j’avais eu l’occasion d’emmener Patrice Delaveau à un Jumping en hélico. Je l’avais laissé piloter, et il s’était comporté comme quelqu’un qui avait déjà vingt heures de vol à son actif. D’ailleurs, cela reste un très bon souvenir avec un cavalier que j’apprécie beaucoup. Après mon service militaire et mes débuts professionnels au sein du groupe LVMH, j’ai rapidement passé mon brevet de pilote de ligne. Ensuite, je me suis orienté vers l’hélicoptère, qui représente selon moi la quintessence du pilotage, notamment lorsqu’on intervient en montagne pour porter secours. Depuis dix ans, je suis installé à La Baule, où j’ai piloté pour le SAMU, de même qu’à l’île d’Yeu. Et tout se passe bien, d’autant que l’équipe de la SCH travaille dur et bien. Et en cas de besoin urgent, je me rends disponible dès que je le peux.