“Je tire un bilan mitigé des Coupes des nations de Vilamoura et Vejer de la Frontera”, Thierry Pomel

Du 16 au 19 novembre, puis du 26 au 29 novembre, l'équipe de France de saut d'obstacles a couru ses premières et dernières Coupes des nations de l'année - pandémie de Covid-19 oblige - aux CSIO 3* de Vilamoura et Vejer de la Frontera. Sélectionneur des Bleus, Thierry Pomel tire un bilan en demi-teinte de ces deux rendez-vous par équipes, qui se sont soldés par une deuxième et une neuvième places. Revenant au cas par cas sur chaque couple, et évoquant les prochains grands rendez-vous de ses cavaliers, le sexagénaire a livré son analyse.



Comment allez-vous et comment abordez-vous cette période de répit total pendant les fêtes de fin d’année? 

Je vais bien! J’essaie de rester motivé et surtout très prudent en cette période particulière, en espérant que l’on puisse rapidement retrouver une vie normale. Le vaccin nous fait reprendre un peu espoir… Il est normal que le calendrier de concours se calme à partir de début décembre, mais nous avons encore pas mal de choses à faire avec les stages fédéraux, et il reste encore une étape du Grand National ce week-end à Mâcon. Ensuite, nous entrerons dans une période de préparation de l’année 2021, avec les Jeux olympiques et les championnats d’Europe en ligne de mire. Cela fait pas mal de travail de bureau, mais on fait avec! 

Quel bilan tirez-vous des deux seules Coupes des nations de l’année, qui se sont tenues aux CSIO 3* de Vilamoura et Vejer de la Frontera? 

J’en tire un bilan mitigé puisque nous avons terminé deuxièmes à Vilamoura, puis neuvièmes à Vejer de la Frontera. Au-delà de ces classements, il faut remettre les choses dans leur contexte: dans les deux cas, l’objectif était pour moi de tester de nouveaux cavaliers ou de nouveaux chevaux. Ces deux Coupes des nations m’ont permis d’engranger pas mal d’informations. Le concours de Vilamoura s’est bien déroulé et notre deuxième place a confirmé ce que j’espérais. C’est davantage une déception pour celui de Vejer, où nous n’avons pas pu repartir en seconde manche à cause de quatre points de trop, comme le veut le règlement dans certaines Coupes des nations de deuxième division. Il y avait des équipes très fortes en face et je savais que les choses seraient difficiles. 

À Vilamoura d’abord, le seul sans-faute de l’équipe de France a été signé par Grégory Cottard et Bibici. Quel regard portez-vous sur ce couple et cette belle entrée en matière de Grégory Cottard? Ce dernier avait récemment déclaré dans une interview à GRANDPRIX.info qu’il regrettait ne pas avoir été sélectionné davantage avec cette jument, en laquelle il croit beaucoup...

Tout vient à point à qui sait attendre. Je passe beaucoup de temps à observer les couples et à suivre les résultats. Aussi, je ne suis pas seul et je travaille avec un staff, composé notamment d’Édouard Couperie comme adjoint et Henk Nooren comme formateur, donc j’observe moi-même et je reçois aussi beaucoup d’informations. Je sais que Grégory était en attente de quelque chose, et il a montré qu’il était prêt à atteindre la première ligue, ce qui sera normalement le cas dès l’année prochaine. Il s’est montré très serein et a livré une belle prestation! J’espère pour lui qu’il va continuer à progresser et arriver complètement au niveau de la première ligue. 

Kevin Staut a lui signé un tour à quatre points puis un sans-faute avec Tolède de Mescam Harcour. Comment avez-vous trouvé ce duo? Au regard du piquet de chevaux plus réduit dont il dispose depuis qu’il développe sa propre structure et du fait qu’il ne soit plus numéro un français, Kevin Staut est-il encore votre pilier de l’équipe de France? 

Kevin est bien sûr l’un des piliers de l’équipe de France, de par son expérience et son charisme. C’est un élément très important pour moi pour les plus grandes échéances. Tout le monde le sait: Kevin Staut arrive à tirer la quintessence des chevaux et sait chercher le résultat. Sa place, dans n’importe quelle équipe, est indiscutable. Aujourd’hui, il peut compter sur un cheval que j’aime énormément et qui a montré de très belles choses jusqu’ici: Viking d’la Rousserie. Tolède de Mescam Harcour pourrait lui servir de très bon deuxième cheval, et il a également Visconti du Telman qui est en train de progresser. Quant à Cheppetta, je ne peux pas encore me prononcer car je n’ai vu que quelques parcours (à Grimaud, où l’alezane a disputé huit épreuves dans des CSI 4*, et terminé vingt-deuxième d’un Grand Prix après avoir écopé de quatre points, avant d'opérer une pause pour faire des transferts d'embryon, ndlr). Kevin est en train de faire monter des chevaux en puissance, mais je compte évidemment sur lui pour les prochains rendez-vous. 

Edward Levy et Mathieu Billot ont signé des prestations en demi-teinte avec Uno de Cerisy et Quel Filou 13. Quel regard portez-vous sur la progression de ces deux couples? 

Un peu comme Laurent Goffinet à Vejer de la Frontera, Mathieu Billot était celui que je considérais comme le pilier de mon équipe à Vilamoura - en tout cas, celui sur lequel j’aurais parié. Ce couple a été un peu moins en forme que d’habitude et ça arrive. Ils n’ont rien à prouver et sont très compétitifs, mais sont toujours dans une phase de réglages. Mathieu est en recherche permanente d’amélioration. Son cheval Quel Filou 13 a des moyens gigantesques et une amplitude incroyable, mais il montre une petite faiblesse au niveau du chronomètre. Malheureusement, ils n’ont pas sorti le résultat escompté. Quant à Edward Levy et Uno de Cerisy, ils étaient là pour prendre de l’expérience. Le cheval était un peu en-dessous lors de la deuxième manche, mais je ne veux pas m’arrêter à un parcours, donc je vais dire “à revoir”.



“Honnêtement, j’ai à cœur de garder Alexis Deroubaix dans le coup pour les belles échéances”

À Vejer de la Frontera, Marc Dilasser a été le meilleur Français dans la première manche de la Coupe des nations avec Arioto du Gevres. Comment avez-vous trouvé sa performance? 

J’ai récemment eu une bonne discussion avec Marc à propos d’Arioto et de son évolution. Cette année 2020 aura été une année de réglages pour ce couple. Il a montré de belles choses en fin de saison, et je compte sur lui pour l’avenir. Marc est quelqu’un qui a beaucoup de qualités et a beaucoup d’expérience, notamment celle des championnats d’Europe (en 2017, à Göteborg, avec Cliffton Belesbat, ndlr). Ce couple doit désormais confirmer dans de plus gros concours. En tout cas, il a ce qu’il faut à mon avis! Il a signé un beau sans-faute dans la Coupe et un parcours honorable dans le Grand Prix, fautant bêtement sur l’obstacle numéro 3. 

Les regards ont été beaucoup tournés vers Juliette Faligot et l’incroyable Arqana de Riverland lors de ce CSIO. Qu’avez-vous pensé de sa prestation dans la Coupe? Puis dans le Grand Prix, où la Française est malheureusement tombée? 

Heureusement, cette chute n’a eu aucune conséquence et tout le monde va bien, qu’il s’agisse de la jument ou de la cavalière. Pendant ce Grand Prix, Juliette a commis une erreur de distance, mais c’est le métier qui rentre! Je sais que ce concours à Vejer était une échéance importante pour Juliette. Elle a écopé de quatre points en première manche de la Coupe, mais a réalisé un très bon parcours malgré tout. Je pense qu’elles sont sur la bonne voie! Les concernant, l’objectif est d’abord de leur faire intégrer l’équipe de seconde division l’année prochaine ; cela fait partie du processus. 

Quid d’Alexis Deroubaix et Kitona de Muze et Laurent Goffinet et Atome des Étisses? 

Comme je l’ai dit, Laurent Goffinet faisait un peu office de pilier dans cette Coupe des nations avec Atome, et nous avons forcément été un peu déçus de ces deux fautes. Atome n’était pas très en forme ce week-end-là, car il a également concédé huit points dans l’épreuve qualificative pour le Grand Prix, mais cela peut arriver. Quant à Alexis, dont chacun connaît le talent, sa jument n’a pas encore beaucoup de métier mais montre énormément de qualités et semble très volontaire. Honnêtement, j’ai à cœur de garder Alexis dans le coup pour les belles échéances. Il est en train de former un piquet de chevaux pour être à nouveau capable d’atteindre le haut niveau. Pour l’instant, il ne faut pas penser aux Jeux olympiques, peut-être pas aux Européens non plus, mais aux échéances futures. Peut-être, et j’espère, que dans deux ans, Kitona de Muze et Carmen du Plessis (autre jument du Nordiste, âgée de huit ans, ndlr) auront atteint le très haut niveau et Alexis sera là!



“Je n’ai pas eu de très bons échos et je dois dire que nous n’avons pas reçu la moindre invitation pour ce concours depuis deux ans...”

La France est-elle invitée au CSIO d’Abou Dabi, aux Émirats arabes unis, qui se tiendra mi-janvier? 

Normalement, non. Je n’ai pas eu de très bons échos et je dois dire que nous n’avons pas reçu la moindre invitation pour ce concours depuis deux ans... Nous sommes en train d’échanger avec nos cavaliers sur ce sujet, car nous avons de belles tournées en Espagne et au Portugal notamment, donc je pense qu’ils iront plutôt se préparer là-bas. La saison sera vraiment lancée à partir du championnat de France, fin avril. 

Certains cavaliers français, à savoir Roger-Yves Bost, Kevin Staut, Julien Épaillard et son élève Jeanne Sadran, vont participer non loin de là à la tournée de Riyadh, en Arabie Saoudite, du 9 au 19 décembre.  Certains prévoient-ils d’aller à Wellington? 

Certains réfléchissent effectivement à aller à Wellington, mais cela représente un certain coût. Je dois dire que nous avons tous connu une année creuse, mais il faut se mettre en tête qu'elle n’était pas perdue. D’autant que nous, Français, avons eu la chance d’avoir eu des concours à Grimaud ainsi que des concours 3 et 4* en France (dont le Longines Deauville Classic mi-août et le CSI 4* de Saint-Lô fin octobre, ndlr). Je pense qu'à un moment donné, il faut savoir poser ses valises... La saison va repartir très vite mi-janvier avec une tournée de quinze jours à Oliva. Je n’ai rien imposé à personne pour ce mois de décembre: chacun connaît ses chevaux. Le plus important, c’est que les chevaux soient prêts au bon moment.

Le nouveau circuit européen des Coupes des nations va vivre sa première édition l’année prochaine, avec une étape au Touquet notamment. De quel œil voyez-vous l’arrivée de ce nouveau circuit et que pensez-vous de l’étape du Touquet?  

Je vois l’arrivée de ce circuit d’un très bon œil car elle crée une vraie émulation. Cette nouvelle série, en parallèle des Coupes des nations de première division, me permettra de former de nouveaux couples sur ce genre de format. Tout le monde sait bien que les épreuves par équipes ont une atmosphère différente. Pour ce qui est du Touquet, je suis très heureux car ce concours présente des infrastructures incroyables et irréprochables, avec une piste magnifique. Ils seront prêts pour 2021 m’ont-ils dit! 

Êtes-vous confiant quant à la tenue du CSIO 5* de La Baule, dont le président vient de juste de changer? 

Pas plus tard que ce matin, j’étais au téléphone avec Pierre de Brissac (nouveau président du concours, qui a récemment accordé sa première interview à GRANDPRIX.info, ndlr)! Je suis confiant, bien sûr. Depuis que le terrain a été refait, nous sommes toujours restés sur notre faim à propos de la qualité du sol. Compte-tenu du niveau de la compétition, il faut présenter une belle pelouse et un terrain de qualité, et il faut que les carottages et l’épandage de sable soient irréprochables. Je me suis entretenu avec Pierre de Brissac ce matin, qui m’a expliqué les projets du CSIO de La Baule, et je lui ai fait part de toute ma confiance. Je suis persuadé de toute la bonne volonté de l’équipe d’organisation, mais je lui ai dit que je voulais malgré tout entretenir une certaine pression à propos de la qualité du terrain afin de garantir la haute qualité du sport qui s’y jouera. Il faut tout faire pour que les étrangers soient contents de ce concours et aient envie d’y revenir. L’année prochaine, nous serons en année olympique et le CSIO 5* de La Baule sera mon premier concours test important. A priori, l’équipe qui y sera sélectionnée sera l’équipe des JO, et je n’ai aucune envie qu’un cheval se fasse mal.