“En équipe de France, je sais que je n’ai pas le droit à l’erreur”, Anna Szarzewski

À treize ans, Anna Szarzewski a déjà tout d’une grande. Sélectionnée en équipe de France Poneys, elle a commencé l’équitation grâce à sa maman, elle aussi cavalière, sur le dos du Shetland Napolitain, alors qu’elle avait cinq ans. Elle qui ne se voyait pas évoluer à haut niveau y brille pourtant avec Vaughann de Vuzit, sur la scène nationale, mais aussi en CSI et l’an passé dans la série Jumping Ponies’ Trophy. Et depuis peu, elle monte aussi des chevaux! Rencontre.



Anna Szarzewski et Vaughann de Vuzit au Jumping de Bordeaux 2020

Anna Szarzewski et Vaughann de Vuzit au Jumping de Bordeaux 2020

© Scoopdyga

Comment avez-vous déniché vos deux poneys, Air Force One et Vaughann de Vuzit? 

 Une amie de ma maman suivait Vaughann depuis qu’il était petit. Quand il a été mis en vente, elle nous a prévenues et nous sommes allées l’essayer en Bretagne chez Pomme Cilote. Pour Air Force, je cherchais un deuxième poney et j’ai vu qu’il était à vendre. Je suis allée l’essayer chez Sixtine Morvillers. L’éleveuse a vu que cela se passait très bien et me l’a confié. Et puis, nous l’avons acheté!  

 Pouvez-vous nous parler du couple que vous formez avec Vaughann?   

Il n’est pas commun. Je pense que peu de personnes forment un couple comme le nôtre. Nous nous connaissons par cœur et depuis longtemps. Je sais quand il a envie ou non de travailler. Cependant, même quand il n’a pas envie, il fait tout pour réussir. Sur les barres, il est extraordinaire, il me donne tout. Il fait tout pour nous mettre en sécurité. Il sait se débrouiller, et le faire correctement!   

Avez-vous toujours ambitionné de concourir à haut niveau en Poneys?  

 Non, quand j’ai commencé à monter, je n’imaginais pas cela. Quand j’ai eu Vaughan, j’avais huit ans et lui six, alors cela ne me venait pas à l’esprit. Je ne savais même pas ce que voulait dire le mot Grand Prix. Je ne connaissais vraiment presque rien en équitation, je voulais simplement me faire plaisir. Mes parents voulaient vraiment me faire plaisir. Puis, au fil de notre progression, j’ai commencé à me dire que je parviendrais peut-être un jour à monter en équipe de France et à réussir ce que j’ai réussi jusqu’à présent. J’ai encore des rêves, à commencer par les championnats d’Europe et de nombreux autres rendez-vous avec l’équipe de France ou en individuel.   

 Juste avant le deuxième confinement, vous avez gagné le Grand Prix Excellence de la Super As Poney Élite de Barbizon avec Vaughann. Comment avez-vous vécu ce deuxième coup d’arrêt dans votre saison?    

Cela m’a rendu un peu triste. Je restais sur une victoire, je me disais que je m’étais bien relancée depuis le CSIOP de Fontainebleau (organisé par GRANDPRIX events fin août, ndlr) et j’espérais continuer à gagner encore plein d’épreuves. Quand j’ai appris ce re-confinement, je me suis dit que cela n’avancerait jamais, que nous ne pourrions pas continuer à progresser sans concours. Ce fait, cela manque aussi aux poneys parce qu’eux aussi aiment ça.   

 Depuis fin novembre, vous montez une nouvelle jument, Dilana au Coq, Selle Français de sept ans. Vous l’a-t-on confiée? Quels sont vos projets avec elle?   

C’est Isabelle Delferriere, l’éleveuse d’Air Force One, qui me l’a confiée. Nous apprenons à nous connaître, et tout se passe très, très bien. Dans les années à venir, j’espère pouvoir la monter en CSI Enfants, et peut-être même en Juniors.  

 En revanche, vous vous êtes séparée il y a peu d’Éva du Coq, jument de six ans que vous avez jugée “trop compliquée” pour vos débuts à cheval. Pouvez-vous nous en dire plus?   

C’était un choix de mon coach, Jean-Luc Vernon, ainsi que de ma maman, d’Isabelle Delferriere, l’éleveuse d’Eva, et moi. Nous savions que cela risquait d’être compliqué avec Éva. Ce n’était pas du tout le type de jument que nous recherchions. Elle a beaucoup de force et un vrai coup de saut, c’est une très bonne jument de saut d’obstacles. Cependant, même avec l’aide de ma coach de dressage, Clémence Hamet, qui la faisait travailler trois fois par semaine, elle était un peu trop compliquée pour mes débuts à cheval. Isabelle nous a alors proposé de reprendre Éva et de la remplacer par Dilana. Je pense que c’est un bon choix, car Dilana a beaucoup plus d’expérience et m’aide vraiment plus dans mon apprentissage à cheval.



“Jamais je n’aurais pensé me retrouver en finale du Jumping Ponies’ Trophy”

Air Force One et Anna Szarzewski

Air Force One et Anna Szarzewski

© Collection privée

Quelles différences ressentez-vous entre travailler à poney et à cheval? 

 Je ne trouve pas qu’il y ait une grande différence. Cela demande de s’appliquer davantage, car les chevaux sont très délicats, à l’image d’Éva et Dilana. Il faut se montrer léger dans ses actions de mains et de jambes. Pour autant, je dois forcément employer beaucoup plus mes jambes parce que les chevaux sont plus lourds pour moi qui suis encore petite. Sur Vaughann par exemple, j’emploie moins de jambes qu’avant, mais j’arrive à m’adapter aux chevaux autant qu’aux poneys.   

Qu’est-ce qui, selon vous, vous permet de construire une vraie relation avec vos poneys et chevaux? 

 Pour moi, le travail sur le plat est important. Nous ne sautons pas beaucoup à la maison, une fois par semaine, voire deux fois, mais très rarement. Avec les chevaux, nous travaillons beaucoup sur des barres au sol pour mécaniser leur technique et apprendre à vraiment bien les connaître. Nous faisons beaucoup de gymnastique, d’autant qu’ils sont jeunes. On leur apprend à sauter, entre guillemets, même s’ils savent déjà le faire. Cela me permet d’avoir de bonnes sensations et de savoir ce que nous devons rechercher dans le futur. Avec les poneys, c’est un peu différent, car je les connais quasiment par cœur. Je sais quels exercices ils aiment ou non, ceux qu’il faut leur demander ou non.    

Que vous a apporté le fait d’évoluer en équipe de France?   

En équipe, je sais que je ne suis pas toute seule et que je n’ai pas le droit à l’erreur. Je dois donc vraiment me concentrer, pour moi mais aussi mes coéquipières. Il me fallait prouver que j’avais ma place dans cette équipe. Pour cela, il faut réussir des sans-faute et rien que des sans-faute. Toutes les personnes qui entourent l’équipe nous aident vraiment. Ils nous disent ce que nous devons faire pour que notre équitation s’améliore, et je trouve cela génial. En effet, même si mon coach m’apprend énormément, j’apprends aussi de nouvelles choses en équipe ou lors des stages fédéraux.    

Quels sont vos objectifs pour les années à venir?   

Les championnats d’Europe sont l’objectif prioritaire, mais j’ai aussi envie de participer à tous les concours où l’on peut être sélectionné en équipe de France. Pour autant, je sais aussi qu’il est important de laisser le temps à Vaughann de se reposer. Aussi, j’aimerais monter Air Force One au niveau Grand Prix. En 2021, l’essentiel sera de réussir une bonne saison avec mes deux poneys.    

L’an passé à Malines, vous aviez terminé cinquième de la finale du Jumping Ponies’ Trophy. Comment aviez-vous vécu cette compétition?   

Pour moi, c’était vraiment un exploit. Jamais je n’aurais pensé me retrouver là-bas. Surtout après le CHI de Longines Equita Lyon, où je n’avais été sélectionnée que pour la Super As. Du coup, je me suis lancée sur ce circuit à Stuttgart (terminant onzième du Grand Prix, ndlr), puis on m’a rappelée pour la finale. Cette expérience m’a appris énormément de choses. Je trouve que mon équitation a évolué. Désormais, je sais tout construire, travailler et retravailler. J’étais vraiment heureuse de représenter la France, et cela s’est d’ailleurs très bien passé. Le dernier jour, j’ai commis huit points lors de la dernière manche, mais je pense que c’était lié au stress. Je n’avais pas l’habitude de cela, et je pense que je saurai désormais mieux le gérer.   L’année 2020 aura vraiment été particulière, en raison de la crise sanitaire en cours. 

Comment préparez-vous la prochaine saison?   

J’espère surtout qu’il n’y aura pas de pause énorme comme cette année. Cela gâche un peu tout. Par exemple, le CSIP de Malines a été annulé alors que j’aurais vraiment aimé y participer, de même que la finale du circuit des Coupes des nations Jeunes à Opglabbeek… Heureusement, nous avons eu la chance de pouvoir disputer le CSIO de France à Fontainebleau (avec à la clé une victoire dans la Coupe des nations et une deuxième place dans le Grand Prix, ndlr). Bref, j’espère que l’année 2021 sera complète et que je pourrais disputer autant de compétitions que possible.



“Je suis vraiment une compétitrice, j’ai envie de tout gagner”

La fameuse photo prise à Deauville

La fameuse photo prise à Deauville

© Pixels Events

   Comment vous organisez-vous entre vos études, le travail de vos poneys et chevaux, les compétitions et vos amis?   

Sans les compétitions, je peux voir mes amis tous les week-ends alors qu’en temps normal, entre les compétitions et le travail des poneys, je ne peux pas trop les voir. J’essaie de les voir le plus possible durant la semaine. Pour mes études, je fais en sorte de travailler au maximum pendant mes pauses. Je termine aux alentours de midi puis je reprends avec les poneys vers 14h, alors je travaille mes cours à ce moment-là.   

 Qu’est-ce qui vous plaît dans la compétition?   

Je ne saurais pas trop l’expliquer. C’est quelque chose qui me tient à cœur, je suis vraiment une compétitrice, j’ai envie de tout gagner. Pour moi la compétition est très importante. J’aimerais en faire tout le temps, mais je sais que mes chevaux doivent se reposer et en ont besoin. Quand je suis en compétition, je ne pense plus à rien. Dans ma tête, quelque chose change et je ne suis pas la même à la maison.   

Comment vous mettez-vous en condition avant une épreuve?   

Je ne stresse pas trop et je reste un peu avec mes amis pour me changer les idées. Une demi-heure avant la reconnaissance, je me mets dans ma bulle, je me concentre et me rappelle tout ce que je dois faire. Après la reconnaissance, je suis seule au monde, je ne pense plus à rien. Je connais mon parcours, je sais ce que je dois faire entre les lignes. J’ai essayé de tout analyser, je me suis refait le parcours dans ma tête. Je sais à peu près comment cela doit se passer, alors j’essaie de faire mon maximum pour que mon poney réussisse un sans-faute. Vaughann m’aide énormément, il est extraordinaire et fait tout pour ne pas toucher de barre, même quand je me trompe!  

 Votre compte Instagram est suivi par plus de 21.000 abonnés, et une photo de vous prise à Deauville par Pixels Events leur a beaucoup plu! Pouvez-vous nous parler un peu de ce cliché où vous vous envolez au-dessus de Vaughann?   

Cette photo est hyper drôle! (rires) Elle a été prise au bon moment! C’était à l’occasion d’un Grand Prix à Deauville. Nous étions le seul couple sans faute et nous pouvions remporter ce Grand Prix. Juste devant le dernier l’obstacle, quand Vaughann a pris sa foulée d’appel, mes jambes sont parties en arrière, sans que je m’explique pourquoi! Au plané, j’ai voulu les remettre à leur place et elles se sont envolées en faisant une sorte de grand écart. J’ai réussi à atterrir sur la selle pour ne tomber qu’’après, sur le côté. J’ai eu de la chance den pas directement tomber sinon j’aurais pu me faire très mal. C’est une photo qui me fait vraiment rire, je l’ai même dans ma chambre, car c’est un bon souvenir même si je suis tombée!   

Y a-t-il des cavaliers qui vous inspirent et que vous suivez particulièrement? Avez-vous eu l’opportunité de rencontrer quelques champions?   

Tous les cavaliers de haut niveau m’inspirent. Mais je suis particulièrement Kevin Staut, Simon Delestre et Marcus Ehning. J’ai eu la chance de rencontrer Kevin et Simon lors de mon passage au Salon du cheval de Paris. J’ai été sélectionnée pour monter sur la grande piste et nous commencions à détendre nos chevaux vers 7h du matin. Comme les grands cavaliers étaient là, nous avons pu en profiter pour échanger avec eux sur nos poneys, la gestion de notre stress, etc. C’était vraiment bien!