Championnats du monde: soixante-cinq ans d'histoire

À l'occasion de la huitième édition des Jeux équestres mondiaux à Tryon en septembre 2018, GRANDPRIX heroes avait retracé les soixante-cinq ans d'histoire de ces illustres championnats.



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Au terme d’une finale tournante de qualité, comptant notamment Ratina Z et Sissi de la Lande III, alias Miss San Patrignano, les cracks de l’Allemand Ludger Beerbaum et le Français Michel Robert, le surdoué allemand Franke Sloothaak, qui montait alors San Patrignano Weihaiwej, est devenu champion monde en 1994 à La Haye. 

“J’avais connu une série de succès qui pouvait laisser augurer de bonnes choses - j’avais remporté six Grands Prix d’affilée! Les chevaux allemands étaient au mieux de leur forme, l’équipe était solide, tandis que l’esprit et l’ambiance étaient excellents. Nous nous sommes avant tout focalisés sur l’épreuve par équipes, ne serait-ce que parce que c’est essentiel pour poursuivre en individuel. Ensuite, tout s’est enchaîné: nous avons remporté l’or par équipes, puis je me suis qualifié pour la tournante. Là, je savais que j’avais face à moi trois excellents cavaliers. Michel Robert était très fort. Il avait déjà beaucoup d’expérience et il était en forme. Ludger Beerbaum, je le connaissais parfaitement en tant que cavalier, donc je savais qu’il était capable de s’adapter à n’importe quel cheval! Quant à Sören Von Rönne, il avait déjà montré d’excellentes choses, et pas seulement avec Taggi. De fait, je crois qu’il y a rarement eu une finale avec quatre cavaliers aussi forts! En dehors de ma jument, c’est avec Ratina Z que j’ai eu les meilleures sensations. Et j’ai fini par décrocher ce titre individuel au bout de quinze ans d’efforts! Beaucoup ont pensé qu’il était temps. Après notre retour en Allemagne, Ludger m’a dit: “Personne ne peut se plaindre que tu sois devenu champion du monde. Tu avais les meilleurs résultats du moment et tu méritais ça depuis si longtemps.” J’ai toujours dit qu’il fallait avoir la chance de son côté pour conquérir l’or. Et je l’ai eue!”

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En 1998 à Rome, le Brésilien Rodrigo Pessoa a remporté son premier grand titre individuel avec Gandini Lianos, devançant le Français Thierry Pomel, qui avait dû se contenter de l’argent avec Thor des Chaînes pour avoir concédé du temps dépassé lors de la tournante.

“Je ne montais Lianos que depuis quelques mois, mais nous avions déjà remporté les Grands Prix des CSIO de Wiesbaden et de Rotterdam. Nous commencions à bien nous entendre, ce qui m’avait mis en confiance à l’approche des Mondiaux. Même si je ne partais pas favori, je savais que j’avais un cheval solide et capable de tenir jusqu’au bout. La Chasse était le challenge le plus difficile pour nous parce que Lianos n’était pas très rapide en l’air! Et nous avions finalement terminé septièmes de cette première épreuve! Au fil des manches suivantes, nous nous sommes approchés petit à petit de la finale à quatre. L’avant-dernière était dure et très technique. Marcello Mastronardi (le chef de piste italien de ces Mondiaux, ndlr) avait dessiné des parcours géniaux mais mis la barre haut! De fait, accéder à la tournante était déjà une grande réussite. Cette dernière épreuve était toujours difficile parce qu’incertaine, notamment par rapport à l’interprétation des chevaux, leur état de fatigue, le tirage au sort, etc. J’estime avoir été chanceux, carles trois autres chevaux étaient les meilleurs du moment. J’avais déjà monté un fils d’If de Merzé (le père de Thor des Chaînes, ndlr), qui lui ressemblait beaucoup, donc je me sentais très à l’aise. Il était dur dans la bouche et avait un mauvais galop mais il était très respectueux. Lorsque je devais raccourcir ses foulées, je devais m’y prendre tôt! (rires) En tout cas, c’était une très belle épreuve.”

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En 2002 à Jerez de la Frontera, l’Irlandais Dermott Lennon avait quelque peu déjoué les pronostics en se qualifiant pour la tournante avec Liscalgot, avant d’arracher la médaille d’or des mains d’Éric Navet! 

“J’avais préparé Liscalgot de façon optimale. Mon objectif était d’accéder à la finale. Ma jument avait été extraordinaire. Le parcours de la demi-finale individuelle était énorme. Ma femme avait même entendu Ludger Beerbaum dire à ses coéquipiers que la compétition allait réellement débuter à ce moment-là! Pour autant, je n’étais pas impressionné parce que je savais que Liscalgot, contrairement à d’autres, pouvait tout franchir. Je ne me suis jamais inquiété des autres, j’ai juste donné mon maximum. Personne ne me faisait peur! En finale, je savais que les trois autres cavaliers monteraient correctement ma jument. Et j’avais hâte d’essayer leurs chevaux! Fein Cera (la jument de l’Américain Peter Wylde, ndlr) était agréable à monter, vraiment très bien dressée; Dollar du Mûrier (le crack d’Éric Navet, ndlr) était un cheval très puissant et très agile; tandis que Mynta (la jument de la Suédoise Helena Lundbäck, ndlr) était plus petite et avait une technique bien à elle. Si j’avais dû choisir l’un de ces chevaux, j’aurais probablement jeté mon dévolu sur Dollar! Ce titre a changé mon statut parce qu’il reste. Aujourd’hui encore, lorsque j’entre en piste, je suis toujours annoncé comme le champion du monde de 2002! C’est génial, car je le serai toute ma vie. Cette médaille m’a apporté beaucoup de reconnaissance dans ce sport. En revanche, elle n’a rien changé d’un point de vue personnel. Je suis resté le même.”

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Alors associé au puissant Cumano, Jos Lansink est devenu champion du monde dans le stade le plus mythique de la planète équestre, en 2006 à Aix-la-Chapelle. 

“Cumano était un cheval très difficile, qui avait besoin de beaucoup travailler afin d’être sous contrôle. J’ai mis pas mal de temps à le dresser. Il était loin d’être le plus rapide, mais il était parfait pour les championnats parce qu’il enchaînait les sans-faute. Il n’y a pas de meilleur endroit qu’à Aix-la-Chapelle pour devenir champion du monde! L’atmosphère était incroyable. Il y avait soixante mille personnes, et comme c’est près de chez moi, beaucoup d’amis étaient venus m’encourager. Un championnat n’est jamais facile, qui plus est à Aix, mais Cumano s’y sentait bien. Pour autant, nous avions très mal entamé le championnat. Après la Chasse, je devais être quarante-deuxième. Il avait fait un temps horrible, et nous avions bouclé un parcours lent et concédé une faute. Sincèrement, je pensais que tout était fini pour nous. Et finalement, nous n’avons pas commis la moindre faute par la suite! La finale tournante a été très intense parce que nous avons tous signé des sans-faute, donc nous avons dû courir un barrage supplémentaire avec nos chevaux respectifs, ce qui était génial. J’ai beaucoup aimé monter Shutterfly et Pialotta (montures de l’Allemande Meredith Michaels-Beerbaum et de l’Australienne Edwina TopsAlexander, ndlr), bien plus qu’Authentic (le cheval de l’Américaine Beezie Madden, ndlr), avec lequel je n’avais pas accroché. J’étais parti en début de barrage et j’avais su mettre la pression sur mes concurrentes. Le suspense avait duré jusqu’au bout! C’est un souvenir que je garderai pour toujours.”

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Quatre ans après le sacre de Jos Lansink, Philippe Le Jeune a de nouveau fait briller la Belgique en devenant champion du monde à Lexington, en 2010, aux rênes de Vigo d’Arsouilles. 

“Ce championnat, je l’ai gagné jour après jour avec mon cheval. Monter la finale à quatre était un rêve que j’entretenais depuis ma jeunesse. Après la demi-finale, je ne voulais pas penser à l’or tout de suite, je voulais juste prendre du plaisir à monter cette épreuve, notamment avec un champion olympique comme Hickstead (le crack du Canadien Éric Lamaze, ndlr). Mon père m’a appris à respecter les animaux, et j’ai parfois tendance à les préférer aux hommes. Je me suis mis à l’écoute des quatre montures et les ai montées comme chacune me l’a dicté, sans jamais rien leur imposer. Et cela a payé! C’était pour moi une sacrée histoire que de gagner ce championnat avec Vigo d’Arsouilles. Vigo est un fils de Nabab de Rêve, que j’avais monté quelques années auparavant. Quand nous avons arrêté Nabab pour qu’il se consacre à la reproduction, Joris de Brabander, son propriétaire, m’avait dit que s’il y en avait un qui pourrait tout sauter, ce serait peut-être Vigo. Et il est devenu champion du monde! Au retour, j’avais gardé mes médailles (la Belgique avait aussi glané le bronze par équipes, ndlr) dans ma poche, d’autant que je devais les montrer à tous les gens qui m’accueilleraient à Bruxelles! Ce titre n’a rien à voir avec le reste, c’est vraiment le summum du summum. Surtout que je l’ai obtenu sans renverser le moindre obstacle, ce qui n’est quand même pas rien en cinq jours de compétition à 1,60m.”

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Champion olympique en 2000 à Sydney avec De Sjiem, Jeroen Dubbeldam a célébré son deuxième grand sacre individuel en 2014 à Caen, associé à son délicat mais excellent SFN Zenith. 

“J’ai eu un sentiment génial tout l’après-midi, même si la pression était vraiment énorme! Zenith m’en avait rajouté car il avait déjà réalisé un sans-faute avec Patrice (Delaveau, ndlr). Il m’a tellement donné cette semaine qu’il méritait de bien finir. J’étais fier de lui. Nous n’avions que trois minutes pour nous adapter aux autres chevaux, ce qui est très peu, mais ils ont été incroyables! Ils étaient très différents mais m’ont tous donné l’impression d’avoir envie de laisser toutes les barres sur leurs taquets. Avec Orient Express*HDC (le crack de Patrice Delaveau, ndlr), j’avais un sentiment génial au saut! Il avait beaucoup de sang et de force. En revanche, j’avais un peu peur de mon parcours avec Casall (cheval du Suédois Rolf-Göran Bengtsson, ndlr), que je trouvais fatigué et vidé et que je devais malheureusement monter en dernier. Je n’étais pas sûr de réussir un sans-faute, mais il m’a finalement donné un très bon sentiment. Cette victoire était différente des autres. Ma fille était là ce jour-là, et j’ai trouvé fantastique de pouvoir réaliser cela sous ses yeux. En arrivant à Caen, j’étais tellement motivé pour faire partie des quatre finalistes. À Jerez de la Frontera, j’avais terminé cinquième en ayant commis une grosse faute en demi-finale, ce dont je ne m’étais jamais pardonné. Accéder à la finale tournante a été le challenge le plus difficile, d’autant que je gardais en tête cet épisode de 2002 avec De Sjiem. Clairement, je voulais y participer au moins une fois dans ma carrière. Et je savais que si j’y accédais, j’aurais de bonnes chances de gagner parce que j’ai monté beaucoup de chevaux différents dans ma vie et que j’avais gagné les quatre tournantes auxquelles j’avais participé au CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle. C’est plutôt bon pour la confiance! Je n’oublierai jamais cette journée, où je me sentais fort et en confiance dès le matin. J’avais juste un bon pressentiment.”

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°107.

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