Djibouti de Kerizac, taillé pour l'olympe

À la Grande Semaine de Fontainebleau début octobre, Djibouti de Kerizac a décroché l’or au championnat de France réservé aux chevaux de sept ans, montrant un potentiel qui semble le prédestiner aux plus grosses épreuves. Cet hongre, né chez Marion Giraud, a été le seul cheval à ne renverser aucune barre lors des quatre parcours du championnat.



Bruno Rocuet a vu passer quelques très bons chevaux durant sa carrière de compétiteur et de marchand, et a également obtenu de nombreux titres de champion à Fontainebleau. Mais le sacre de Djibouti de Kerizac (SF, Quaprice Boimargot x Le Tot de Semilly) lors de la Grande Semaine début octobre représente quelque chose de spécial pour le Breton, radieux à l’issue de la finale des chevaux de sept ans et du doublé de sa fille Margaux avec Djibouti et Dubaï du Cèdre. “Ce titre a quand même une saveur particulière parce que j’ai acheté Djibouti à quatre ans et que je saoule tout le monde avec ce cheval parce que je l’adore et que j’y crois vraiment dur comme fer!”, raconte Bruno Rocuet en souriant. “J’étais vraiment très heureux. J’ai parfois remporté des titres à la Grande Semaine avec des chevaux qui n’étaient pas vraiment des cracks, et certaines victoires ont été un peu des holdup. Djibouti de Kerizac a tenu la route au fil des quatre parcours et a enchaîné les sans-faute avec la manière, et il a prouvé qu’il avait un petit quelque chose en plus. Je suis ravi car je rêvais de le voir sacré champion de France! Il forme un nouveau couple avec Margaux (Rocuet, sa fille et cavalière de Djibouti, ndlr) car ils n’évoluent ensemble que depuis le début de l’année. Au début, c’était un peu couci-couça, mais c’est un cheval qui a un caractère exceptionnel et qui s’est vraiment bien adapté à Margaux en très peu de temps. Vu le talent de Margaux, nous aimerions bien qu’elle puisse compter sur un cheval pour aller sauter des épreuves à 1,60m. À en juger par ce qu’il a montré pour l’instant, Djibouti est peut-être taillé pour les championnats. Nous avons la chance d’avoir des propriétaires suisses qui ont investi dans le cheval pour que nous puissions, pour l’instant, le conserver malgré pas mal de propositions. J’aimerais bien que Margaux ait la chance de faire du grand sport. Ceci étant dit, la route est encore longue et Djibouti est encore un adolescent et reste très tendre.”



UNE SOUCHE DE CHAMPIONS

Au vu de la manière avec laquelle il a survolé ce championnat et de l’aisance dont il a fait preuve face à la concurrence, on peut effectivement penser que Djibouti de Kerizac a tout d’un futur grand cheval. Non seulement il dévoile un potentiel extrêmement intéressant, mais c’est également un cheval qui fait preuve d’application et d’envie de bien faire. Ménagé à quatre ans, disputant quelques parcours sous la selle de Valentin Besnard avant de retourner au pré, il a ensuite toujours répondu présent, signant une excellente saison à cinq ans, ponctuée par une sixième place à la finale de Fontainebleau. Il termine dixième l’année suivante chez les six ans, avant de remporter le titre de champion des sept ans. Un parcours irréprochable pour ce cheval né dans le Morbihan, près de Vannes, chez Marion Giraud, originaire du Pas-de-Calais venue s’installer en Bretagne après avoir obtenu son diplôme de vétérinaire. Hubert Giraud, son père, avait acquis la grand-mère de Djibouti, Balzane de Pierre (SF, Quat’Sous x Kalmiste). 

“Mon père faisait un petit peu d’élevage, à petite échelle, avec une poulinière”, raconte Marion Giraud. “Lors d’une vente organisée après la disparition du Dr Herbeau, fondateur de l’élevage de la Pierre, mon père a acheté Balzane de Pierre, la grand-mère de Djibouti. Nous l’avons fait saillir plusieurs fois et avons vendu tous ses poulains, sauf Namibie de Géode (SF, Le Tot de Semilly), la mère de Djibouti. Outre ce dernier, Namibie a eu d’autres produits que j’ai vendus à des clients de mon écurie de propriétaires et qui évoluent dans des compétitions Amateurs. Les deux derniers poulains de Namibie (Iowa de Kerizac et Janeiro de Kerizac, nés en 2018 et en 2019, ndlr) sont deux propres frères de Djibouti, que Bruno Rocuet a achetés et qui grandissent actuellement chez moi. Comme je n’ai pas conservé de fille de Namibie pour l’élevage, et qu’elle commence à prendre de l’âge, je vais peut-être essayer une injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ISCI) pour tenter d’avoir une pouliche pour perpétuer cette souche”, raconte Marion Giraud, qui a connu un beau moment d’émotion avec le titre de son protégé: “Je ne suis pas très émotive de nature, mais j’avoue que j’ai versé ma petite larme quand j’ai vu que Djibouti avait été sacré champion à Fontainebleau... Je compte peu de naissances et je fais de l’élevage pour me faire plaisir, mais cette réussite est très motivante. Que ce soit avec Valentin Besnard ou maintenant avec Margot Rocuet, Djibouti a eu la chance d’avoir pu être très bien formé et entraîné. Je m’entends très bien avec Bruno Rocuet, qui me donne toujours des nouvelles et m’envoie régulièrement des vidéos.”

En achetant Balzane de Pierre, Hubert Giraud avait vu clair en s’offrant une souche performante depuis plusieurs générations et à l’origine d’excellents chevaux. Floralie (SF, Kalmiste et Nonchalante, par Maroc, AA), la mère de Balzane, a laissé une production exceptionnelle, engendrant notamment Jessika (SF, Cranfast, Ps), mère de Quintolet du Parc (ISO 155, SF, Galoubet A), performant à haut niveau avec Laurent Elias dans les années 1990; Nubie de la Pierre (SF, Fury de la Cense), mère d’Alma de Rouhet (ISO 144, SF, Almé) et de Balrine de Pierre (IDR 157, SF, Melkior du Montois); Opium de la Pierre (ISO 138, SF Jalisco B); Riche Pierre (ISO 158, SF, Jalisco B), gagnante internationale avec Bertrand Darrier; Tornade de Pierre (SF, Foudre de Guerre), mère de Nymphe de la Bastière (ISO 150, SF, Quidam de Revel); Urgande de Pierre (SF, Foudre de Guerre), mère de Gigi du Fraigneau (ISO 141, SF, Kissovo), et surtout Loripierre (ISO 175, SF, Foudre de Guerre). Championne de France des chevaux de sept ans et très grande gagnante internationale sous la selle du Tricolore Gilles de Balanda, Loripierre est la mère de Dollar dela Pierre (ISO 177, SF, Quidam de Revel), champion du monde par équipes à Jerez de la Frontera avec Reynald Angot en 2002, ainsi que de Kamtchatka (SF, Le Tot de Semilly), mère de l’illustre Orient Express*HDC (ISO 176, SF, Quick Star), vice-champion du monde par équipes et en individuel sous la selle de Patrice Delaveau aux JEM de Normandie en 2014.



TOUT D’UN FUTUR CHAMPION

Grand cheval un poil lent, perdant un peu de temps en l’air tellement il prend de marge et décompose ses sauts, Djibouti de Kerizac a entamé son championnat des sept ans par un sans-faute dans l’épreuve de vitesse d’ouverture, se classant tout de même plutôt loin des meilleurs, à la trente-sixième place, à près de quatre points de la tête. Bouclant un score vierge dans la deuxième étape, il aborde la finale en treizième position. Avec son point de temps dépassé en première manche de la finale, Djibouti remonte à la cinquième place, avant d’aligner un ultime sans-faute qui lui permet de ravir le titre suprême. Margaux Rocuet était aux anges, d’autant que la Bretonne a également pris la deuxième place avec Dubaï du Cèdre (SF, Baloubet du Rouet x Diamant de Semilly) et la treizième avec Dora du Valon (SF, Kannan x Quidam de Revel), tandis que la troisième place a été briguée par Robin Le Squeren et Dorado de Riverland (SF, Untouchable M x Argentinus). Une génération des “D” qui réussit bien à la jeune Bretonne puisqu’elle avait déjà remporté le championnat de France réservé aux chevaux de cinq ans ces deux dernières années avec Dana de Kerglenn (SF, Mylord Carthago x Diamant de Semilly) puis le championnat des six ans avec Dadja de Moricerie (SF, Arko III x In Chala A). 

Même si Djibouti de Kerizac n’était pas forcément le type de cheval qu’elle affectionnait le plus, Margaux Rocuet a su composer avec ce grand cheval plein de bonne volonté et qui ne demande qu’à bien faire. “Djibouti est un cheval très grand, très fort, qu’il faut monter assez fermé avec beaucoup de galop, ce qui ne correspond pas forcément à mon équitation habituelle”, avoue la cavalière. “Nous avons essayé de faire un compromis tous les deux et cela a visiblement bien marché ! On voit rarement des chevaux qui passent le dos comme lui. Il a une aisance extraordinaire au-dessus des obstacles. C’est un cheval très puissant et souple dans son corps. Il a un respect incroyable de l’obstacle et une tête en or. Au quotidien, c’est un amour de cheval, un cheval de fille comme on dit. Il est très sûr de lui, et c’est à la fois une vraie force tranquille. Je crois vraiment que c’est un vrai cheval d’avenir.”

Djibouti de Kerizac va poursuivre sa formation et espérons pour Margaux qu’elle pourra le conserver dans son piquet de chevaux, même s’il fera à coup sûr l’objet de convoitises. Sa route vers le très haut niveau semble toute tracée, avec pourquoi pas en ligne de mire les Jeux olympiques de Paris en 2024. Il aura alors onze ans, l’âge idéal pour briller dans les plus grands rendez-vous...

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.