Julien Épaillard de N à Z (partie 2)

Communément qualifié de surdoué, Julien Épaillard semble né avec un don naturel pour l’équitation. Récemment, le Normand a franchi un nouveau cap dans sa carrière en devenant numéro un français au classement mondial Longines des cavaliers. Est-ce seulement le fruit d’un piquet de chevaux de meilleure qualité, mené par l’élancée Queeletta, qui pourrait permettre au quadragénaire de vivre ses premiers Jeux olympiques l’été prochain à Tokyo? D’un regain de motivation lié à sa collaboration avec les écuries Chev’el? Ou bien d’une prise de conscience que c’est peut-être maintenant ou jamais qu’il faut tenter de marquer l’histoire? Quoi qu’il en soit, rien ne semble arrêter le redoutable et rapide pilote, que ses proches ont accepté de dépeindre à travers un abécédaire.



© Scoopdyga

N COMME NORMANDIE. Julien Épaillard est né en Normandie autant que la Normandie l’a fait naître. “Nous avons été énormément soutenus par l’ancienne région Basse-Normandie, qui nous a prêté des chevaux lorsque nous avons commencé la compétition”, raconte Reynald Angot. “J’ai connu Julien lorsque nous étions petits puisque nos parents fréquentaient les mêmes concours. Nous nous amusions et passions nos vacances ensemble. Au début, je dois avouer qu’on préférait faire autre chose que monter à cheval! (rires) Ensuite, nous avons concouru ensemble en Cadets, Juniors puis Jeunes Cavaliers, et souvent participé à des regroupements avec d’autres jeunes de la région. Je me rappelle un stage mémorable chez Hubert Bourdy“, l’illustre cavalier et marchand, sacré champion du monde par équipes et médaillé de bronze en individuel en 1990 à Stockholm, décédé le 25 juin 2014. Se partageant désormais entre l’Espagne et le pays d’Auge, Julien n’oubliera jamais d’où il vient. 

O COMME OLIVIER SADRAN. Depuis le début de l’année 2019, Julien Épaillard collabore avec Olivier Sadran. Homme d’affaires français, fondateur et directeur de la société de restauration collective Newrest, entre autres activités, et président du Toulouse Football Club de 2001 à 2020, le fondateur de l’écurie Chev’el a décidé de soutenir le cavalier normand. L’ayant sollicité pour entraîner les trois jeunes cavalières de l’écurie, il lui a également confié la fameuse Queeletta, qui pourrait lui permettre de décrocher une première sélection olympique. “En tant que fan de sport, rien n’a plus de résonance pour moi que de défendre les couleurs de mon pays. Si les chevaux de l’écurie peuvent intégrer l’équipe de France, dans le respect de leur intégrité, de leur sensibilité et de leurs aptitudes, qui ne sont pas forcément les mêmes, et si Julien en a envie, alors oui, priorité sera donnée au drapeau sans aucune ambiguïté”, a d’ailleurs déclaré Olivier Sadran au printemps dernier. 

P COMME PIEDS NUS. Le champion n’en finit plus de susciter la curiosité au sujet des pieds de ses chevaux! Depuis quelque temps, il les monte pieds nus, sans fers, ce qui reste encore extrêmement rare dans le saut d’obstacles de haut niveau, même si Michel Hécart, cofondateur du haras de la Roque, avait ouvert la voie. “Après avoir essayé le fer de longues années, et avoir été souvent déçu par la maréchalerie traditionnelle, il y a trois ans, j’ai cherché à me documenter sur les pieds nus”, a expliqué Michel, autre ami de Julien, en mars dernier. “Après six mois de réflexion, j’ai testé le déferrage et me suis aperçu que mes chevaux allaient mieux. Julien s’est montré intéressé par ma démarche. Il a essayé à son tour de déferrer ses chevaux, ce qui semble très bien lui convenir. Le fait qu’il gagne beaucoup en ce moment met en lumière les pieds nus, mais cela ne doit pas être pris comme un gage de performance! Néanmoins, nous pouvons retenir qu’il est possible de pratiquer le saut d’obstacles de manière intensive tout en conservant des chevaux bien dans leurs pieds.” “Nous échangeons beaucoup à ce sujet avec Julien”, ajoute Brieuc Épaillard. “Je travaille dans le milieu des courses, où les pieds nus sont aussi intéressants. Moi, j’y suis favorable à 100%, d’autant que les résultats sont là. Ceux de mon père le prouvent ! Nous avions d’ailleurs suivi ensemble un stage de podologie équine libre extrêmement intéressant animé par Guillaume Parisot (professionnel dans les soins du sabot, ndlr). Son explication du fonctionnement du pied d’un cheval m’avait particulièrement convaincu.”



“Julien a même reçu des propositions de sponsoring pour devenir semi-professionnel en moto-cross”

© Scoopdyga

Q COMME QUEELETTA. Arrivée en juin 2019 dans les écuries de Julien, Queeletta est son actuel cheval de tête. Cette jument Oldenbourgeoise est née chez Claus Cornelius, en Suède, et a été formée par Nicole Holmén, qui l’a présentée pour la première fois en CSI Jeunes Chevaux. Rapidement repérée, la baie a débarqué en France en 2015, acquise par le haras de Reux, d’Alexandre de Rothschild. Ce dernier l’a rapidement montée en CSI 1*, puis 2* et 3*, terminant notamment septième du Grand Prix de Carmona en février 2019. Quelques semaines plus tard, la fille de Quality a été rachetée par l’écurie Chev’el afin d’être confiée à Julien. Le couple a rapidement signé de bons résultats, gagnant deux épreuves à 1,45m et 1,50m au CSI 5* de Rome, puis une autre à 1,50m à Longines Equita Lyon, où il a également terminé cinquième du Grand Prix Coupe du monde. La paire a ensuite enchaîné avec une septième place dans le Grand Prix du CSI 5*-W de Malines, une deuxième place à Bâle puis deux flamboyantes victoires à Bordeaux, le vendredi et le dimanche. Mi-octobre, elle a aussi permis à Julien de remporter pour la première fois le Grand Prix CSI 3* de Saint-Lô, à domicile. Ces classements ont bien évidemment permis au couple d’intégrer le Groupe 1 de la FFE et de se placer comme de sérieux candidats pour Tokyo 2021. 

R COMME RAPIDITÉ. “La carrière de Julien a rapidement pris un élan incroyable”, raconte son père. “À douze ans, il était champion de France Cadets ! Honnêtement, je l’avais amené sans trop d’espoirs, et il a finalement gagné en surprenant tout le monde! À seulement seize ans, il a remporté le Grand Prix de Rennes, et la machine était lancée. Assez vite, il a reçu des tas d’invitations pour aller participer à des concours nationaux puis internationaux.”

S COMME SPORT. En dehors de l’équitation, le cavalier est un féru de sports, notamment de moto-cross, discipline dans laquelle il a même été sacré champion de France durant sa jeunesse! “À moto, il était impressionnant!”, se souvient son père. “Enfant, il s’amusait à traverser les deux carrières de l’écurie et à accélérer pour survoler le talus. Il a pratiqué ce sport en compétition et a reçu des propositions de sponsoring pour devenir semi-professionnel, mais il a préféré le cheval, ce dont j’étais plutôt satisfait parce que je trouve ça moins dangereux. Pour autant, il lui arrive encore d’enfourcher une moto de temps en temps.”



“Je pense que cette espèce de don a parfois pu lui nuire”

T COMME TALENT. S’il est un mot qu’on entend dès qu’on parle de Julien Épaillard, c’est le talent. Certains athlètes, comme lui, naissent avec des aptitudes innées, quand d’autres doivent travailler dur pour parvenir à s’en approcher. “Julien a un talent naturel à cheval, c’est évident”, réagit Bertrand de Bellabre. “Ce que je préfère dans son équitation, c’est la qualité de sa main. Il a une main incroyable et une sensibilité très étonnante vis-à-vis des chevaux. Toutefois, je pense que cette espèce de don a parfois pu lui nuire. Inconsciemment, il s’est peut-être parfois un peu reposé dessus. Franchement, il avait tout pour être un cavalier d’exception, et il le prouve aujourd’hui.”

U COMME UN. En novembre 2019, Julien Épaillard est devenu pour la première fois de sa carrière numéro un français au classement mondial Longines, place qui a surtout été occupée par Kevin Staut et Simon Delestre ces dernières années. Un résultat mathématiquement logique, qui réjouit forcément son entourage. “Je suis très fier de mon père pour tout un tas de raisons, mais surtout pour la carrière qu’il mène”, avoue Brieuc. “C’est beau d’exceller dans son domaine de compétences, et cette place de numéro un est méritée. Il est là où il devait être. Ceci dit, je pense qu’il est loin d’en être à son apogée... Il y a de grands rendez-vous à venir où il pourrait surprendre beaucoup de gens!” 

V COMME VITESSE. Si Roger-Yves Bost est surnommé “la Fusée”, Julien Épaillard pourrait être “le Missile”! Lauréat d’un nombre incalculable d’épreuves de vitesse, le pilote est un as des barrages, qu’il sait dessiner à la perfection, mêlant grandes galopades et virages au cordeau. “Il est l’un des cavaliers remportant le plus d’épreuves internationales”, rappelle Thierry Pomel. “Sans parler de mon rôle de sélectionneur, je regarde très souvent ses parcours car ils sont très intéressants au niveau des trajectoires et de la gestion des risques.” “Julien a toujours eu un sens inné de l’équilibre et un talent pour dessiner ses abords, qu’il a grandement développés à cheval mais aussi à moto. Et il a toujours adoré la vitesse”, poursuit son père. En la matière, on ne se refait pas. 

W, X, Y, Z COMME ZÉRO. C’est le seul score, certes habituel pour lui, que l’on souhaite voir associé à ses performances dans les plus grands concours de la planète. Zéro et même double zéro, score synonyme d’excellents Grands Prix ou de Coupes des nations parfaites. Rendez-vous en décembre, un peu, et surtout en 2021, où de grands défis attendent ce champion pas comme les autres.

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.