“Nous avons besoin de la compétition”, Jacques Couderc
Le monde de la compétition sort d’une année très difficile avec un calendrier 2020 amputé de très nombreux concours, notamment en saut d’obstacles. Au premier rang des acteurs économiques de ce secteur frappés par les conséquences de la pandémie de Covid-19, les organisateurs doivent sans cesse composer avec un cadre et des protocoles sanitaires fluctuants. Jacques Couderc, gérant depuis 2016 du Royan Horse Club, le célèbre centre équestre du Maine-Gaudin, ne fait pas exception à la règle. À un mois du coup d’envoi de la série des CSI 2*, 1* et Jeunes Chevaux et Amateurs de Royan, il livre son regard sur cette situation exceptionnelle.
L’an passé, le Royan Horse Club a été l’un des premiers site à relancer des concours après le premier confinement. Quel bilan tirez-vous de 2020?
L’an dernier, la reprise s’était bien passée. Nous avions rajouté deux concours, d’abord pour que les cavaliers puissent rattraper leur saison mais aussi que nous puissions rattraper la nôtre. La Fédération équestre internationale nous avait autorisé à ajouter deux CSI que nous avions effectivement pu démarrer juste après le confinement. Globalement, concernant les CSI, nous avons eu la chance de pouvoir accueillir notre série hivernale juste avant le confinement et de pouvoir reprendre juste après. En octobre, nous avons pu maintenir les concours que nous avions rajouté pour trois semaines, sinon que le National que nous avons organisé le dernier week-end a dû s’arrêter dès le vendredi en raison du deuxième confinement. Malgré tout, nous avons dû annuler sept concours, ce qui a été compliqué. Cette année, la problématique est que nous ne savons pas où nous allons, comme tout le monde. De ce fait, il est compliqué d’anticiper la présence des cavaliers ou le nombre de chevaux. Pour autant, j’ai choisi de continuer à investir et de faire comme si de rien n’était. J’ai simplement différé certains investissements. Mais nous attendons toujours de voir à quelle sauce nous allons être mangés…
Vous avez effectivement investi dans les infrastructures du Maine-Gaudin. Pouvez-vous nous en dire plus?
Dans la zone dédiée aux écuries, nous venons de créer deux plateformes supplémentaires afin d’améliorer le confort du plus grand nombre, bien que nous soyons contraints de limiter la fréquentation. Nous avons également assaini une plateforme qui prenait un peu l’eau et avons refait les plateformes de quarante boxes. J’ai rajouté une journée de compétition toutes les semaines pour commencer plus tôt les journées de concours et ne pas finir trop tard, car nous n’avons qu’une piste. Nous avons créé des magasins en dur pour nos fidèles selliers, qui n’ont jamais cessé de venir. Nous continuons à entretenir et à investir à Royan. Nous devions faire aménager deux cent vingt boxes en dur, mais nous attendons de voir si la tournée hivernale sera maintenue.
Compte tenu de l’incertitude pesant sur la reprise des concours Amateurs, vous a poussé annulé les CSI Amateurs des deux premières semaines et créé un Petit Tour dans le CSI 1*. Comment percevez-vous cet interdiction prolongée des compétitions Amateurs?
Personnellement, je trouve cela dramatique. Selon moi, c’est injustifiable, du moins en ce qui concerne l’équitation. Toutes ces réglementations sont un peu édictées à la petite semaine même si je comprends bien que ce soit compliqué pour le Gouvernement. Je n’aimerais pas être à la place des ministres. En ce qui nous concerne, autoriser les épreuves professionnelles, c’est déjà bien mais pas suffisant. Les pros vivent aussi de la présence des amateurs qu’ils accompagnent et coachent en concours. Nous avons besoin de tout le monde. Nous avons effectué ce changement de programme en espérant que les amateurs pourront accéder au CSI1* mais nous ne sommes sûr de rien. D’ailleurs, nous avons décidé de rembourser 150 euros aux cavaliers engagés dans ce Petit Tout afin de maintenir un prix d’engagement similaire à celui des CSI amateurs. Nous essayons de trouver des solutions pour permettre à un maximum de sportifs de renouer avec la compétition. Pour nous, l’absence des amateurs représente cent à cent cinquante chevaux de moins, donc un vrai manque à gagner. Nous continuons d’organiser notre calendrier, car nous gardons espoir que les choses avancent, mais ça devient compliqué.
“Les cavaliers français devraient avoir conscience de la nécessité d’aider les organisateurs français”
De plus en plus des concours se créent partout. À ce titre, les cavaliers français devraient avoir conscience de la nécessité d’aider les organisateurs français. Courir à Oliva, Vilamoura ou ailleurs à l’étranger, c’est bien, mais il ne faut pas oublier d’où l’on vient. Beaucoup d’organisateurs ont rajouté des dates pour les professionnels, des CSI comme nous l’avons fait, malgré la grande incertitude dans laquelle on évolue. Nous prenons ce risque pour offrir le plus de concours possibles aux cavaliers. Malgré tout, ce souhait de voir nos cavaliers “consommer français” reste un vœu pieux.
Qu’attendez-vous de l’année 2021 et qu’appréhendez-vous concernant l’évolution de la situation pour le secteur de la compétition?
Pour le monde en général, on entend beaucoup parler de nouveaux variants de virus. C’est dur pour tout le monde, et nous ignorons si les grands rendez-vous de l’année, les Jeux olympiques et les championnats d’Europe pourront avoir lieu. Cela nous met dans une incertitude désagréable, mais personne ne peut y échapper. Contrairement à ce que nous espérions, je crains que l’année 2021, soit aussi dure, voire plus compliquée, que 2020 et que nous serons encore dans l’improvisation. Malgré tout, à Royan, nous avons la chance de disposer d’un site opérationnel. Contrairement aux pôles de concours travaillant avec des tentes événementielles et du matériel prêté ou emmené par des sponsors, nous devons seulement tourner la clé pour démarrer notre saison. Nous faisons en sorte que ce site soit de plus en plus confortable pour les cavaliers. Si nous devons investir, nous le faisons sans nous poser de question.
L’année écoulée vous a-t-elle poussé à changer drastiquement certaines habitudes dans l’organisation ou la gestion des concours?
Oui, nous nous sommes adaptés. Par exemple, pour l’alimentation des cavaliers, nous allons faire de la vente à emporter, nous sommes en train d’organiser tout cela, mais c’est une des aberrations de ce nouveau système. Il nous est interdit d’utiliser notre grand espace de restauration qui peut recevoir sept à huit cents personnes et nous sommes obligés de vendre à emporter…
Compte tenu de tout cela, quel est votre degré de confiance quant à la réussite de vos événements, à moyen terme?
Nous évoluons dans un système véritablement concurrentiel très dur, en raison des tournées espagnoles ou portugaises, sans oublier tous les concours organisés en France… Et nous restons en difficulté avec toutes les réglementations. Quand nous avons lancé notre série hivernale, il n’y avait que des concours étrangers face à nous. Désormais, il y en a de plus en plus en France à cette période. Beaucoup se disent que Royan fonctionne bien, donc posent des dates presque au même moment. Malgré l’harmonisation de notre calendrier, on ne peut pas l’empêcher. C’est la loi de la concurrence, et je suis pour le développement de l’équitation, que j’encourage depuis plus de quarante ans. Cependant, dans un contexte un peu plus dur comme celui d’aujourd’hui, s’il y a trop de nouveaux concours, tout le monde va finir par y laisser des plumes. Cette année, beaucoup de Français sont partis à Oliva malgré l’incertitude quant à la tenue des concours. Le Portugal venant de décréter un re-confinement général, des concours pourront-ils avoir lieu à Vilamoura? C’est la question. Parfois, mieux vaut concourir devant sa porte plutôt que de traverser l’Europe pour trouver porte close au dernier moment.
Nous avons besoin de la compétition. Sans cavaliers, il n’y a pas de concours, et sans concours, il n’y a pas de cavaliers. Nous faisons notre maximum alors il faut que les cavaliers soient respectueux des efforts mis en place par les organisateurs pour que les concours continuent. Pour autant, je fais partie des organisateurs qui s’en sont le mieux sortis l’an passé malgré l’annulation de sept compétitions mineures, alors je n’ai pas vraiment le droit de me plaindre…