Nobby, un géant de l‘endurance s’en est allé

Petit par la taille, immense par ses qualités d’athlète. Nobby a marqué l’endurance équestre, double médaillé d’or aux championnats du monde comme aux Européens, avec sa cavalière de cœur l’Espagnole María Álvarez Pontón. Depuis l’annonce de sa mort, mardi, les hommages pleuvent pour saluer la mémoire du Pur-sang Arabe né en France.



“Rest in peace, champion”; “La leyenda de raid”; “Los mas grande”; “Tu nous auras fait rêver!”; “Un abrazo enorme”; “Pequeno gigante”, “Adieu champion”, “Un chiquito muy grande”, “A legend will never die”… Depuis mardi, de la France au Moyen-Orient en passant par les États-Unis, l’Espagne ou encore l’Italie, le monde de l’endurance équestre rend un hommage appuyé à un petit cheval qui a tout raflé ou presque. Le phénomène Nobby, 1,48m de force et de détermination, a disparu mardi alors qu’il coulait une retraite paisible entouré de poulains, chez sa cavalière attitré, l’Espagnole María Álvarez Pontón, et son compagnon Jaume Puntí Dachs, près de Barcelone.

Pur-sang Arabe né en Dordogne, de lignées russes ayant surtout produit des chevaux dits de show, autrement dits voués aux concours de modèle et allures, le petit bai n’était pas franchement prédestiné à l’endurance. De fait, il n’a découvert ce sport qu’à six ans avec son cavalier d’alors, Bernard Touzard. Après ses courses de qualification en 2004, ce cheval petit, trapu et atypique a abordé le circuit FEI l’année suivante avec des résultats mitigés. De fait, toute l’histoire de ce cheval se révèle peu banale. “C’était un cheval construit”, se souvient le courtier Stéphane Chazel. “Avec un devant imposant, de l’épaisseur, il était particulièrement musculeux. Il compensait sans mal sa taille considérée comme modeste, si l’on considère que les écuries du Golfe jettent leur dévolu sur les montures de plus d’1.55 m et rejettent de façon quasi systématique le fatidique moins d’1,50 m.” 



Un physique atypique

Les débuts de Nobby n’ont donc pas été fracassants. “Je l’avais repéré et signalé à Jaume Puntí en octobre 2005 lors du CEI** de Nègrepelisse”, se remémore Stéphane Chazel qui dit avoir eu un véritable coup de cœur lorsqu’il l’avait croisé une première fois à Catus, dans le Lot, trois mois plus tôt. Le petit bai finit vingtième après avoir mené une bonne partie de la course. “Il était monté par un amateur (Bernard Touzard, ndlr), et ne semblait pas simple à gérer. Après un problème vraisemblablement matériel, il s’est fait distancer…” Le couple perd beaucoup de temps, cale à vingt kilomètres de l’arrivée mais figure au classement. À l’époque Jaume Puntí, qui achète pour les écuries de cheikh Mohamed ben Rachid al-Maktoum, émir de Dubaï et vice-président, Premier ministre et ministre de la Défense des Émirats arabes unis, ne donne pas suite à la proposition du courtier pourtant étayée de photos et vidéos. “Sa taille constituait clairement un frein”, commente Stéphane Chazel.

L’actuel président de l’Association du cheval Arabe revoit ensuite Nobby lors de la CEI 2* de Florac, fin juin 2006. “Je l’aimais toujours autant. Ayant été castré tardivement, il conservait un mental guerrier”. Cette épreuve s’achève toutefois sur un abandon, a priori en raison d’un doute sur ses allures, comme au Vigan deux mois plus tôt. Deux mois plus tard, le destin du mini bai prend une autre tournure. “Nous avons fini par l’acheter à Compiègne, en août 2006, à l’issue de sa dixième place dans la CEI 2*. Juma l’a vu en piste et m’en a parlé, alors qu’il suivait sa compagne, María Álvarez Pontón.



Un couple de légende

C’est le début d’une magnifique aventure sportive, avec dix classements consécutifs en CEI 3*, dont neuf avec María. En 2007, le couple décroche deux médailles de bronze aux championnats de Barroca d’Alva au Portugal. En 2008, à Terengganu, en Malaisie, il gagne sa première médaille d’or aux championnats du monde. Suit un doublé en or championnats d’Europe d’Assise, en 2009 en Italie. María et Nobby empochent leur second titre planétaire dès 2010 aux Jeux équestres mondiaux de Lexington, aux États-Unis. Deux médailles d’argent viennent récompenser leur performance aux inoubliables Européens de Florac, en 2011. “C’était un cheval particulièrement fort. Cependant, sa toute première victoire, à Terengganu, où il a parcouru seul les cent derniers kilomètres, Nobby l’avait dû en grande partie à María”, salue Stéphane Chazel. Alors que la plupart des concurrents européens avaient pris le temps de se détendre à la piscine de leur hôtel en Malaisie, les jours précédents l’épreuve, en novembre 2008, María avait arpenté sans relâche la piste de cette épreuve de 160 km. Cette préparation très poussée lui avait permis d’assimiler chaque détail des boucles, jusqu’au moindre changement de direction. “Elle repérait en VTT, en voiture… Elle avait extrêmement bien anticipé l’épreuve”, confirme Stéphane Chazel. Les conditions apocalyptiques de la course, qui s’était déroulée de nuit, sous une pluie battante, n’avaient en rien affecté la détermination de l’Espagnole. Dès le deuxième vet-gate, avec la récupération cardiaque hors du commun de Nobby, le couple s’était envolé vers la victoire avec près de dix minutes d’avance, au nez des Sud-Américains et des Émiratis.

Le petit bai, “taillé comme un Quarter Horse”, comme se plaît à rappeler Stéphane Chazel, s’est illustré sur tous les terrains, plats ou dénivelés, et quasiment tous les continents, décrochant également des top cinq aux Émirats arabes unis. Relativement préservé, Nobby avait parachevé sa carrière sportive en 2012 avec une quatrième place aux Mondiaux de Euston Park, en Grande-Bretagne, à dix-sept ans, totalisant ainsi onze classements internationaux. Un cheval de légende, qu’on n’oubliera jamais.