Les amateurs rongent leur frein à l’aube d’une saison incertaine (1/2)

L’année 2020 n’a pas été des plus épanouissantes pour les cavaliers amateurs en termes de compétition équestre. En raison de la pandémie de Covid-19, leur saison a été réduite à peau de chagrin, avec une interruption de mars à juillet, puis à nouveau depuis novembre. Beaucoup d’échéances très attendues ont été annulées, dont les championnats de France. Pour 2021, l’incertitude semble être le maître-mot… Pour le moment, même si des concours sont programmés, seules se déroulent les manifestations à huis clos et réservées aux professionnels. Alors force est de constater que les uns et les autres naviguent à vue. Comment réagissent les amateurs? Entre espoir, résignation, lassitude et réinvention de leur modèle, GRANDPRIX a recueilli leurs témoignages.



Sébastien Pérez, cavalier de saut d’obstacles d’Île-de-France: “Je projetais d’achever la carrière de mon cheval Speed lors de la saison 2020-2021, mais vu la situation, cela n’a pas été possible… Pour autant, je ne me suis pas découragé et j’ai travaillé tout l’hiver pour le maintenir en forme afin qu’il soit prêt en 2021. Hélas, il semblerait que cela n’ait servi à rien… Donc je vais le mettre à la retraite anticipée… Que dire à part exprimer mon extrême déception?”

Elia Thierry, cavalière de saut d’obstacles d’Île-de-France: “L’an dernier, j’étais logée dans les écuries où je travaillais, en plus de mes cours par correspondance. J’ai pu participer à trois concours, ce qui est très peu par rapport à la normale, mais j’ai tout de même continué à travailler sérieusement avec ma jument. Je pense que le contexte m’a incitée à prendre davantage mon temps et à profiter pour effectuer des réglages nécessaires, qui vont me permettre d’obtenir de meilleurs résultats en concours. En tout cas, j’ai voulu garder ma jument au meilleur de sa forme, sans trop la perturber. Cependant, le fait de ne pas avoir d’échéances concrètes et surtout régulières a été très frustrant. En 2021, j’aimerais vraiment pouvoir reprendre les concours. Pour ça cela, le fait d’être employée dans le secteur équestre m’aidera peut-être!”



“L’ambiance des concours et la perspective de retrouver les copains tous les week-ends me manquent trop!”

Marie Bentejac, cavalière de saut d’obstacles de Nouvelle-Aquitaine: “Avant la crise sanitaire, j’avais trois chevaux de concours à moi, plus quelques-uns qu’on m’avait confiés comme je dispose de structures à la maison. Depuis, j’ai sérieusement réduit les effectifs. J’ai vendu mon étalon, et rendu les autres à leurs propriétaires, notamment un jeune que j’avais commencé à engager dans des épreuves préparatoires, fin 2019. D’habitude, j’observe une pause de novembre à février, mais là, on ne sait pas si la compétition va reprendre. En 2019, Leonardo, mon cheval de tête, était qualifié pour le championnat de France Amateur 2. Je n’y ai pas participé parce que c’était trop loin de chez moi. L’an passé, nous étions super bien partis en Amateur 1, mais les championnats, programmés à Barbaste, juste à côté de chez moi, ont malheureusement été annulés. Je suis dégoûtée! Leonardo prend vingt-deux ans, c’est un lion, mais une année de perdue est d’autant plus précieuse à cet âge-là… De même, un autre “vieux” que j’avais relancé en Amateur 2 l’an dernier est au pré. Prendre la route pour aller le faire travailler sans perspective n’a pas de sens… Sans parler du fait que les gains que je perçois en concours me permettent de financer l’entretien de mes chevaux. En ce moment, c’est chaud… Et puis je m’ennuie! L’ambiance des concours et la perspective de retrouver les copains tous les week-ends me manquent trop ! C’est aussi le seul plaisir de mon père (Dominique Bentejac, grand champion de concours complet et de saut d’obstacles, ndlr), qui m’accompagne toujours, et il s’en retrouve privé… Ces concours à huis clos réservés aux professionnels m’énervent. Nous évoluons en extérieur, portons tous un masque et sommes sur nos chevaux, alors le risque est minime par rapport aux gens qui se massent dans les trains ou les métros. Bref, laissez-nous concourir!”



“Il est clair que nous devons revoir nos objectifs”

Mélusine Chagnaud

Mélusine Chagnaud

© Anaïs Levé

Mélusine Chagnaud, cavalière de saut d’obstacles d’Occitanie: “L’an dernier, je projetais de participer à la Grande Semaine de Fontainebleau avec Follow, âgé de cinq ans, et au National Enseignants avec ma jument Athena. Tout est tombé à l’eau… C’est décevant, bien entendu, mais j’essaie de prendre du recul. Il est clair que nous devons revoir nos objectifs. En termes de travail, je me dis qu’il y a un milliard de choses à faire pour travailler et amener mes chevaux plus haut, que le concours ne devrait pas être un objectif mais une formalité pour valider les acquis. Tant de compétiteurs partent en concours sans y être suffisamment préparés! Pendant la pause hivernale, j’avais programmé de participer à des stages, notamment à Aurillac, mais les Haras Nationaux ont été réquisitionnés. Quand ce n’est pas ça, c’est le confinement, ou alors les stages proposés ne sont ouverts qu’aux pros… Je suis professionnelle dans la mesure où je suis enseignante, mais je n’ai pas pris de licence Pro, donc je n’ai pas pu y participer. Il en va de même pour les concours à huis clos. Concernant la reprise, on navigue à vue. J’aime bien planifier ma saison en fonction de mon budget. Là, pour le moment, il n’y a pas grand-chose au programme. Pour concourir, on doit vraiment aller loin, ce qui représente un gros budget transport excessif, d’où une pression de rentabilité et de résultat. J’hésite: comme on ne sait pas de quoi demain sera fait, je me dis qu’il vaudrait mieux se dépêcher de s’engager dans les concours au programme, mais si la belle saison a finalement lieu, je n’aurai plus les moyens de concourir. Je suis vraiment mitigée.”

Claire Laumonier, cavalière de saut d’obstacles d’Occitanie: “J’ai trois juments de concours: ma jument de cœur, que j’ai depuis toujours, une jument de haut niveau qui prenait un peu d’âge et que j’avais achetée en 2019 pour la déclasser en Amateur 1, et une jeune ponette D que je prépare pour le Cycle libre. La saison 2020 a été tronquée, nous nous y sommes tous résignés, en nous disant que mieux valait profiter de ce qui nous était accordé que de râler avec impuissance! Cependant, le second confinement en novembre a été un coup de massue. Depuis, nous sommes dans le flou le plus total. Nous ne savons pas quand le sport va reprendre, ni même s’il va reprendre… J’en ai marre d’entretenir mes juments sans savoir où je vais, marre des lignes de mécanisation dans la carrière. Mêmes les balades perdent de leur charme, et je commence à flipper un peu car si la saison 2021 ne démarre pas, je me vois mal remettre la plus âgée en compétition à dix-sept ans après deux saisons de pause… Et ma jeune sur laquelle je mise beaucoup? Devrais-je la confier à un pro pour qu’elle puisse concourir? Je n’en ai ni les moyens ni l’envie. Parfois, je me dis: ‘À quoi bon?’ Je pense que je vais la faire pouliner. Je suis positive par nature, mais là je suis un peu découragée.



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