Ratina Z, impératrice à la descendance royale

Selon les plus fins connaisseurs en matière d’élevage de chevaux de sport, c’est toujours la lignée maternelle qui prime dans un pedigree d’exception. Compétitrice hors norme sous les selles duNéerlandais Piet Raijmakers puis de l’Allemand Ludger Beerbaum, la charismatique Ratina Z a marqué au fer rouge l’histoire du saut d’obstacles, par ses propres performances puis à travers son extraordinaire descendance. Protégée du regretté Léon Melchior, fondateur du haras Zangersheide, la crack a légué une génétique d’exception, portée au plus haut niveau notamment par son fils Comme Il Faut. Portrait d’une impératrice.



Ratina Z à ses premiers mois.

Ratina Z à ses premiers mois.

© Zangersheide

La saga Zangersheide dans le saut d’obstacles de haut niveau débute au début des années 1960 avec la naissance d’Heureka (Holst, Ganeff et Nobida par Falerner). Née chez Hermann Heins, la jolie baie est l’une des stars de sa discipline de 1969 à 1971. Sous la selle du célèbre cavalier allemand Hermann Schridde, vice-champion olympique aux Jeux de Tokyo en 1964 et médaillé d’or aux championnats d’Europe d’Aix-laChapelle l’année suivante, la généreuse jument s’illustre sur toutes les plus belles pistes d’alors, de Hambourg à Bruxelles en passant par Vienne, Berlin, Nörten-Hardenberg et bien sûr Aix-la-Chapelle. Au stade de la Soers, la brillante championne remporte même le Grand Prix en 1970, avant d’être vendue à Léon Melchior, ami et élève de Hermann Schridde. 

En tandem avec ce riche cavalier amateur, néerlandais d’origine et tout juste naturalisé belge, Heureka remporte le Grand Prix du CSIO5* de Dublin, avant malheureusement de souffrir de problèmes de santé qui convainquent son propriétaire de la consacrer à la reproduction. Elle devient alors l’une des pierres fondatrices du haras Zangersheide que le milliardaire fonde à la frontière belgo-néerlandaise, précisément à Lanaken, tout près de Maastricht. Dans cet écrin de verdure niché au bord de la Meuse, la baie rencontre rapidement autant de succès dans sa nouvelle carrière à l’élevage. Elle donne naissance à six produits, croisée à trois différents étalons: Almé (SF,Ibrahim x Ultimate, Ps), Ramiro (Holst, Raimond x Cottage Son, Ps) et Graf Gotthard (Han, Gotthard x Abglanz, Trak). Avec ce dernier, elle donne en premier lieu Goliath Z (Rhein), étalon très compétitif sous la selle du Néerlandais Willy van der Ham et père notamment de Grosso Z (Han, père par Furioso II), lui-même père du fabuleux étalon Goldfever 3 (Han, mère par Galvano), champion olympiques en 2000 à Sydney et quatre fois médaillé aux championnats d’Europe sous la selle de l’Allemand Ludger Beerbaum et géniteur à son tour de la géniale Gotha FRH (Han, mère par Prestige Pilot), championne d’Europe par équipes en 2011 avec Ludger Beerbaum et médaillée de bronze deux ans plus tard avec le Suédois Henrik von Eckermann.

Via sa fille La Belle van Sombeke (BWP), Goliath est aussi le grandpère maternel de Ta Belle van Sombeke (BWP, Chin Chin), qui a évolué à 1,60m avec le Néerlando-Belge Jos Lansink, avant de devenir l’une des meilleures poulinières de Belgique. Valorisée à l’élevage par le génial Joris de Brabander, Ta Belle engendre notamment Wabelle de Muze (BWP, Nabab de Rêve), qui a concouru jusqu’à 1,50m avec le Belge Damien Haelterman, A Pikachu de Muze (BWP, Kannan), vu en Coupe du monde avec l’Irlandais Billy Twomey, de même que Casimir de la Pomme (BWP, Nabab de Rêve) avec le Grec Alexandros Fourlis, son propre frère Glock’s London (ex-Carembar de Muze), double vice-champion olympique en 2012 à Londres avec le Néerlandais Gerco Schröder, Taran de la Pomme (BWP, Tolano van’t Riethof), gagnant jusqu’à 1,55m avec Kevin Staut et la Belge Karline de Brabander, sans oublier Golden Hawk (ex-Figo de Muze, BWP, Vigo d’Arsouilles), régulièrement classé à 1,60m avec l’Irlandais Shane Breen, et la jeune Dabelle (sBs, Nabab de Rêve), prometteuse à 1,60m avec l’Irlandais Greg Patrick Broderick.

D’EUREKA À REURIKA... 

Reurika Z (Han, Ramiro), sœur d’Heureka, a elle aussi engendré de bons poulains, dont les étalons approuvés Faust Z (KWPN, Furioso II) et Leon (Han, Leuthen I), qui ont concouru à 1,60m respectivement avec le Néerlandais Henk van de Pol et l’Allemand Uwe Volmer. L’alezane est la grand-mère maternelle de Pepper (Z, Pilot Z x Atlantus Z) et l’arrière-grand-mère maternelle de Crepe (Z, Crown Z x Chellano Z), qui ont tous deux atteint le haut niveau avec les Argentins Ezequiel Daponte et Lihuel González. Romanze Z, propre sœur de Reurika, a donné naissance à Cobra (Han, Calypso), qui a produit plusieurs bons chevaux, dont Roble Z (Han), sélectionné pour les Jeux olympiques d’Athènes en 2004 avec la Grecque Danae Tsatsou. Roble est l’une des meilleures illustrations de la politique de Léon Melchior en matière de consanguinité. En effet, sa grand-mère Romanze est issue du croisement entre Ramiro et Heureka, tandis que son père Rex Z est le fruit du mariage entre les propres frères et sœurs Hanovriens Rebel I Z et Ratina Z (Han, Ramiro et Argentina par Almé et Heureka). Dans le pedigree de Roble, on retrouve donc trois fois Ramiro à la troisième génération, et trois fois Heureka à la quatrième génération.

Le plus réputé produit mâle d’Heureka reste le prolifique étalon Ahorn Z (Han, Almé), acquis parmi d’autres foals à Zangersheide par l’éleveur allemand Maas Johannes Hell. S’il n’a jamais concouru, le grand bai a laissé une descendance impressionnante, notamment grâce à ses trois fils approuvés Acord I, II et III (Holst, mère par Calypso I). L’aîné s’est surtout illustré en compétition jusqu’à 1,60m dans les années 1990 avec Los Lansink, puis avec l’Américain Hap Hanson, sous la selle duquel il notamment couru la finale de la Coupe du monde en 1994 à Bois-le-Duc. Il a donné un peu plus de soixante-dix poulains, dont Activ (Bav, mère par Mordsker l, Ps), qui a brillé à haut niveau avec le Suisse Beat Mändli. Le cadet a été le seul à suivre les pas de son père en devenant l’un des étalons phares de l’élevage de Maas Johannes Hell. Il est notamment le père des étalons qualiteux Acorado I (Holst, mère par Corrado I), VDL Atlantic (Holst, mère par Lord), ARS Vivendi (Holst, mère par Aloube Z) et Askari (Holst, Lavall I), lui-même père de l’extraordinaire Alice (DSP, mère par Landrebell), sacrée championne du monde en 2018 à Tryon avec l’Allemande Simone Blum, et d’Asha P (Brand, mère par Heraldik, Ps), couronnée championne du monde des chevaux de sept ans en concours complet au Lion-d’Angers avec l’Allemande Ingrid Klimke la même année. Acord III, lui, a vécu une belle carrière d’étalon au Brésil. En tant que père de mère, Ahorn Z est tout aussi marquant, à en juger par les qualités des Concerto II (Holst, Contender), Lux Z (Han, Lord Calando), Carmen (Old, Contender) et de l’étalon Lordanos (Holst, Landos). Acord II est également un grand-père de mères, que l’on retrouve dans le pedigree de Breitling LS (ex-Quebracho LS, SLS, Quintero), vainqueur de la finale de la Coupe du monde l’an passé à Paris avec l’Américaine Beezie Madden, Sterrehof’s Voltaire (KWPN, Now or Never M), très bon gagnant avec le Néerlandais Marc Houtzager, ainsi que Lizziemary (AES, Cabri d’Elle), lauréate de nombreux Grands Prix CSI5* avec l’Irlandais Billy Twomey puis l’Israélienne Danielle Goldstein, qui a également très bien valorisé Caspar 213 (Westph, Cornet Obolensky).



... PUIS À ARGENTINA ET RATINA.

En 1977 naît Argentina Z (Han), fruit du croisement d’Almé et Heureka, qui sera vouée uniquement à l’élevage et exclusivement saillie par la nouvelle vedette du haras, Ramiro Z. De cette union, en 1982, vient au monde Ratina Z. Débordante d’énergie, atypique et très délicate, la baie d’1,63m ne déchaîne pas les passions. Elle est même surnommée Mickey Mouse par certains observateurs, jugeant ses moyens trop limités pour le plus haut niveau! Pour autant, son naisseur Léon Melchior détecte en elle des aptitudes bien au-dessus de la moyenne. “Yearling, rien ne l’effrayait. Sur les petits obstacles, elle produisait d’énormes sauts avec un geste parfait”, avait-il confié à GP International en février 2011. “Elle était déjà très indépendante et a rapidement pris la tête du troupeau. De deux à quatre ans, elle était largement au-dessus du lot de ses congénères.”

Débutant réellement sa carrière sportive à sept ans dans des épreuves nationales en Belgique, elle croise alors a route de Piet Raijmakers, qui sera le premier à la sublimer au plus haut niveau. En janvier 1991, celui qui fait figure de pilier de l’équipe néerlandaise - depuis les années 1980 - est engagé au haras Zangersheide, où il restera plus de cinq ans. À cette époque, Ratina est déjà âgée de neuf ans. “Je l’ai récupérée après que Hans-Joachim Langemeyer l’a formée”, rappelle Piet, aujourd’hui âgé de soixante-deux ans. “D’ailleurs, j’ai aussi monté sa propre sœur Renommée Z et son propre frère Rebel II Z, qui étaient d’une grande qualité! Comme sa mère, Ratina était reconnaissable à sa technique unique. Elle était très libre dans ses mouvements et produisait d’énormes sauts. Dès la première fois que je l’ai montée, j’ai su qu’elle était excellente. Quand je suis rentré chez moi, j’ai dit à mon épouse et à mon groom que je venais de monter le meilleur cheval du monde! Ils se moquaient de moi parce que j’avais déjà connu pareille situation, mais cette fois, je sentais que ce n’était pas comme d’habitude. Finalement, j’ai eu raison. Au début, elle était très sauvage et tournait très mal à droite. Plutôt que de vouloir lui apprendre à galoper sur le bon pied, je l’ai laissée faire jusqu’à ce qu’elle comprenne. Il ne fallait pas la braquer! Malgré tout, lors de notre première saison, nous avons terminé dans le top dix de tous les Grands Prix que nous avons courus.” 

Rapidement lancée dans le grand bain, Ratina Z participe dès avril 1991 à Göteborg à la finale de la Coupe du monde, dont elle termine trente-sixième, avant de remporter les Coupes des nations de Rotterdam et Aix-la-Chapelle et d’être sélectionnée pour les championnats d’Europe de La Baule. Aux côtés d’Egano D’90 (BWP, Lugano van la Roche x Flügel van la Roche), Top Gun La Silla (Han, Grannus x Winnetou) et N-Aldato (KWPN, Nimmerdor x Ladykiller, Ps), montures de Jos Lansink, Jan Tops et Emile Hendrix, elle décroche la médaille d’or par équipes et termine au pied du podium individuel. L’année suivante, elle poursuit sa moisson, remportant notamment le Grand Prix d’Arnhem puis l’or par équipes et l’argent en individuel aux Jeux olympiques de Barcelone. “J’avais établi un plan pour que Ratina atteigne son pic de forme à Barcelone. Ces Jeux resteront le meilleur moment de ma vie. Ratina est le meilleur cheval que j’aie monté dans ma vie. Aucun autre n’aurait pu accomplir ce que Ratina a réussi.”

Aux bons soins du Kaiser 

Dans la foulée des JO, Ratina Z est rachetée par Madeleine Winter-Schulze, qui la confie alors à son cavalier phare, Ludger Beerbaum. Détail amusant, Classic Touch (ex-Wippe, Holst, Caletto II x Landgraf I), médaillée d’or individuelle à Barcelone avec l’Allemand, achèvera sa carrière avec... Piet Raijmakers après quelques saisons sous la selle de l’Allemand Ralf Schneider. “J’ai gardé contact avec Ludger jusqu’à la fin de la vie de Ratina”, conclut son ancien compagnon. “J’ai beaucoup de respect pour Ludger parce qu’il a tenu à la garder dans ses écuries jusqu’à la fin. Elle n’avait pas l’air très heureuse à Zangersheide, et Ludger en a pris soin jusqu’à son dernier souffle, comme il l’a toujours fait et me l’avait promis. Personne d’autre, à part Ludger et moi, n’aura eu la chance de connaître une jument aussi unique.”

Sous la selle du Kaiser, Ratina connaît tout autant de succès. Pilier de la Mannschaft, le couple accumule les victoires et classements, à commencer par la finale de la Coupe du monde, en 1993 à Göteborg. “Elle avait une personnalité extraordinaire”, confie l’Allemand. “Elle m’a demandé beaucoup de travail, bien plus que tous les autres chevaux, d’autant que mon style d’équitation était complètement différent de ce qu’elle avait connu. Ratina était un phénomène à part qu’on ne pouvait pas intégrer dans un système établi, surtout en Allemagne, où tout est très carré.” Ce tempérament un peu trop encombrant amène même le maître à employer des méthodes peu académiques... “Au début, elle était handicapée par son trop plein d’énergie. Comme je trouvais qu’elle manquait de force dans l’arrière-main, j’ai essayé de l’atteler à une charrue, ce qui a eu pour effet de renforcer sa musculature et de la calmer. Je pense avoir beaucoup appris grâce à elle, je suis devenu bien plus souple dans mon travail. Au-delà de cela, Ratina a joué un grand rôle dans ma carrière. Elle était d’une qualité hors du commun, et sa personnalité la rendait encore plus singulière.” Si singulière qu’une belle statue de fer de la crack trône à l’entrée de ses écuries à Riesenbeck. 

Les deux camarades remportent notamment les Grands Prix de Londres, Stuttgart, Amsterdam, Berlin, Bois-le-Duc, Wiesbaden, Zurich, Göteborg, Valkenswaard et surtout Aix-la-Chapelle. Ils décrochent également quatre médailles en grands championnats: l’or par équipes aux Jeux équestres mondiaux de La Haye en 1994, l’or individuel et par équipes aux championnats d’Europe de Mannheim en 1997 et l’or par équipes aux JO d’Atlanta en 1996, où Ludger est contraint de déclarer forfait avant la finale individuelle en raison d’une blessure de Ratina... En 1999, après une émouvante cérémonie d’adieu au sortir de son dernier Grand Prix disputé au mythique stade de la Soers à Aix-la-Chapelle, dont elle termine à une honorable cinquième place après une faute en première manche, Ratina prend sa retraite sportive pour se consacrer à l’élevage. Comme il était stipulé dans le contrat de vente à Madeleine Winter Schulze, la jument se réinstalle, pour deux ans, au haras Zangersheide, avant de revenir à Riesenbeck. “Ratina avait bien mérité sa retraite et en a bien profité. C’était très spécial pour moi de la voir vieillir au pré, à la maison, aux côtés de Classic Touch”, raconte Ludger.

© Stefano Grasso/LGCT



Une magnifique production

Poulinière, la crack l’avait déjà été. Avant même d’être consacrée au sport, d’où sa tardive entrée en matière, elle a d’abord œuvré à l’élevage, présentant des capacités remarquables au saut en liberté. Jeune, elle a donné plusieurs poulains, dont Calipa Z (Han, mère par Cor de la Bruyère), future mère de Sterrehof’s Cayetano (Z, mère par Caretano), cheval de tête de l’Autrichienne Julia Houtzager-Kayser, Camilo LS La Silla (SLS, mère par Montebello LS), ancienne monture du multi-médaillé néerlandais Jeroen Dubbeldam, et Chicago (Z, mère par Caretano), sélectionné pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro avec l’Argentin Bruno Passaro. 

Ratina engendre aussi Rex Z, issu du croisement audacieux avec son propre frère Rebel I Z. Montrant de belles qualités à l’obstacle, cet étalon est mort prématurément, non sans avoir engendré quelques très bons gagnants à 1,60 m, comme Ramona (Z, mère par Aristokrat), Ravel (Z, mère par Nimmerdor), Rexito (Z, mère par General I), Rimini (Z, mère par Wellington) ou encore Regina (Z, mère par Savoy Hanover, Ps), lauréate d’une vingtaine d’épreuves internationales dont le Grand Prix CSI 5* de Shanghai en 2015 avec l’ancien numéro un mondial néerlandais Harrie Smolders. 

Ratina engendre également les étalons Treasure (Z, Dollar dela Pierre) et Crown (Z, Carthago), dont les productions sont tout à fait prometteuses. Ce dernier, qui a évolué jusqu’en CSI 5* avec Christian Ahlmann et sa compagne Judy-Ann Melchior, a rencontré beaucoup de succès en tant qu’étalon en France, en Allemagne et en Suède, laissant une quinzaine de produits ayant accédé au plus haut niveau. Parmi eux, citons Rocker d’Ysieux (ISO 167, SF, mère par Royal Feu), excellent sous la selle du Tricolore Émeric George, MTM Rêve du Paradis (ISO 165, SF, mère par Adelfos), classé en Coupe du monde avec l’Américaine Tracy Fenney, Terre du Banney (ISO 162, SF, mère par Olisco), très bonne avec le jeune Paul Delforge, Sultan de la Motte (ICC 162, SF, mère par Prince du Logis, AA), classé en CCIO 4*-S avec Arnaud Boiteau et vendu cette année au Chinois Bianba Ciren, ou encore Rana des Hayettes (ISO 161, SF, mère par Aiglon Rouge), ancienne jument du Suisse Niklaus Rutschi. “Crown Z est arrivé dans nos écuries dans le cadre d’une collaboration avec le haras Zangersheide, auquel nous avons confié notre étalon Heartbeat (KWPN, Heartbreaker x Ramiro) en échange“, explique Florian Darcourt, gérant de Lövsta Stuteri, en Suède. “C’était une superbe opportunité pour nous de pouvoir promouvoir ce mâle mêlant les génétiques de Carthago et Ratina: les moyens, le galop et l’équilibre de Carthago couplés à l’énergie et l’âme de battante de Ratina, c’est un bon équilibre! Je suis sûr que Crown conviendra bien aux juments suédoises, qui présentent beaucoup de similitudes avec les françaises.”

Comme il Faut 5, chef de file de la descendance 

Le plus illustre produit de Ratina Z n’est autre que le tout dernier qu’elle a produit, Comme il Faut (Westph, Cornet Obolensky), le prodigieux étalon de l’Allemand Marcus Ehning. “Ratina avait vingt-deux ans quand le propriétaire de Cornet (Valentyn Nychyporenko, ndlr) m’a soumis l’idée de la croiser avec son étalon, qui était à l’époque sous la selle de Marco Kutscher”, explique Ludger Beerbaum, chez qui est né le fameux bai. “Il souhaitait avoir une descendance de la jument, qu’il aimait beaucoup. Après discussions, j’ai donné mon accord et ils ont envoyé un vétérinaire avec de la semence fraîche. Contre toute attente, l’impossible est devenu possible, Ratina a été fécondée dès la première tentative!” C’est ainsi que naît, en 2005, le minuscule Comme il Faut, déjà doté d’un look d’enfer. “Depuis toujours, il ressemble beaucoup à sa mère. Il a hérité de son courage, de son cœur et de son enthousiasme pour la compétition”, achève le champion allemand. 

À deux ans, une fois sevré, Comme il Faut rejoint l’Ukraine. Présentant sans aucun doute le plus petit modèle de tous les candidats, il est approuvé non sans mal au stud-book Westphalien. “Quand il a été approuvé, le public l’a sifflé!”, se souvient encore son copropriétaire Hubert Vornholt, étalonnier à succès. “Onze ans plus tard, on peut dire que la commission ne s’est pas trompée! Son directeur, le Dr Friedrich Marahrens, était convaincu de sa qualité et de la force de son pedigree, tout comme moi. Il a une personnalité incroyable et il est infatigable! Il essaie toujours de faire de son mieux. C’est presque devenu un ami. Quand j’allais aux écuries, il reconnaissait mes pas et hennissait. Il a marqué tous les gens qui ont croisé sa route.” Et pour cause, en 2010, sous la selle de l’Allemand Franz-Josef Dahlmann, le jeune étalon est couronné vice-champion du monde des cinq ans à Lanaken, sur la piste nommée... Ratina Z! 

Quelques années plus tard, Ludger Beerbaum suggère de confier le phénomène au centaure national Marcus Ehning, sûr qu’il parviendra à en tirer la quintessence. “Ce que Comme Il Faut accomplit aujourd’hui est le fait du couple qu’il forme avec Marcus Ehning!”, persiste-t-il. Les deux extraterrestres empilent les succès, gagnant les Grands Prix CSI 5* de Vienne et Madrid en 2016 ainsi que celui du Brussels Stephex Masters en 2018 au terme d’un barrage sensationnel, ou encore deux Grands Prix CSI 3* à Paderborn. “Comme il Faut est un cheval spécial pour moi, et m’a toujours impressionné par son envie de travailler et son courage”, loue son cavalier, qui ne peut s’empêcher de faire le lien avec sa mère. “Ces qualités doivent lui venir de Ratina. Il n’est pas si chaud à monter! Je suis très heureux de l’avoir car je n’en n’ai pas croisé beaucoup d’autres comme lui. Du reste, je pense qu’il aura beaucoup de succès à l’élevage et qu’il ne produira pas trop petit malgré sa propre taille - l’ascendance de Cornet Obolensky et Ramiro devrait garantir des poulains de bonne corpulence.” Hubert Vornholt partage tout à fait ce point de vue. “Parce qu’il était petit, au début, les éleveurs ont commis l’erreur de le croiser avec des juments de grande taille. Du coup, ses premiers produits étaient très grands. Désormais, ils choisissent plutôt des poulinières de taille moyenne.”

À quatorze ans, Comme Il Faut compte déjà plus de 1000 descendants directs à travers le monde, dont les plus connus sont Classic Addiction (OS, mère par Argentinus), monté par le Tricolore Guillaume Batillat, Carma 3 (Westph, mère par Königsstuhl, Ps), Chandor 14 (Westph, mère par Almox Prints J), Come On Jumper (Westph, mère par Christiano), la jeune star de la Rhônalpine Maelle Martin, et Cairon 10 (Westph, mère par Pilot Project), vu un temps sous la selle de Simon Delestre. 

L’inoubliable Ratina Z s’est éteinte le 23 décembre 2010 chez Ludger Beerbaum. Cependant, la jument fétiche de Léon Melchior ne s’est pas tout à fait éteinte, l’éleveur belge l’ayant clonée à trois reprises. Présentant de très grandes similitudes avec le modèle original, Ratina Alfa Z, Ratina Beta Z et Ratina Gamma Z, toutes âgées de dix ans, se dédient à l’élevage au haras Zangersheide, et entendent perpétrer la légende d’une championne inoubliable...

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°111.