Julien Gonin, à coeur vaillant rien d'impossible

Devant son public, le 1er novembre 2015 à Lyon, Julien Gonin a prouvé que la persévérance et le travail étaient toujours récompensés. Décrochant la quatrième place du Grand Prix Coupe du monde cette année-là, le Rhônalpin n’avait finalement pas tant surpris. Bourreau de travail, ce trentenaire reconnu pour son talent et sa bonne humeur s’est construit à la sueur de son front, grâce à son sens du business, mais aussi à quelques rencontres fondatrices. Portrait.



© Collection privée

“Je suis un paysan dans l’âme”, résume Julien Gonin. Benjamin d’une famille de trois enfants, Julien n’est pourtant pas né au milieu des tracteurs. Tandis que son père œuvrait dans la mécanique de précision, sa mère, après avoir élevé la fratrie, a officié en tant qu’agent d’entretien dans l’industrie. David, son frère aîné, travaille dans le chauffage et la climatisation, et Jean-François, le cadet, enseigne la pâtisserie.Isérois, les Gonin se réunissent autour d’une passion commune: le rugby. Rien ne prédestinait donc Julien à devenir cavalier professionnel, si ce n’est sa volonté d’apprendre et sa fascination pour les équidés. Julien met pour la première fois le pied à l’étrier à neuf ans. Avant de franchir le pas, le garçonnet a d’abord observé les chevaux du camp de gens du voyageétabli près de chez lui. Aussi curieux que déterminé, un jour, il ne peut s’empêcher de franchir - sans autorisation - le portail de ses voisins pour aller caresser les quadrupèdes attachés à un chêne. Coup de foudre immédiat. Julien s’inscrit alors au centre équestre Nord Isère à Saint-Savin. “À l’époque, mes parents ne se bousculaient pas pour m’emmener au club! Aujourd’hui, ils sont devenus mes premiers fans”, s’amuse-t-il. Guy et Jean-Claude Maset, les propriétaires du centre, proposent à l’enfant de s’occuper des jeunes chevaux afin de les débourrer. “Dès le début, j’ai pris l’habitude de monter des chevaux difficiles. J’avais peur, bien sûr, mais ils me disaient que si j’étais un homme, je devais remonter. Alors je m’exécutais”, se remémore Julien. 

À travers cette expérience peu commune, le garçon développe sa propre méthode pour aborder les chevaux le plus sereinement possible. “Pour éviter de tomber trop souvent, avec les frères Maset, j’avais pris l’habitude de les désensibiliser dès leur arrivée pour pouvoir ensuite leur monter sur le dos sans trop de difficultés”, se souvient-il. D’abord attiré par le dressageet la haute école, Julien s’exerce avec des poneys qu’il achète et qu’il loge chez lui dans un box fait de palettes. “À neuf ou dix ans, j’aimais le spectacle et les cascades. Sur mes poneys, je m’amusais à faire le cosaque. Je les attelais, aussi”, s’amuse-t-il. Le saut d’obstacles est encore loin de ses occupations. “Il faut le reconnaître, j’étais vraiment nul et je n’aimais pas ça!” Pour autant, Julien le persévérant s’entraîne sans relâche. “J’ai sûrement quelques facilités à communiquer avec le cheval, mais à l’obstacle, j’ai dû m’entraîner des heures et des heures pour réussir à obtenir quelque chose de convenable”, avoue-t-il. 

Michel Robert, une rencontre déterminante 

Vers douze ou treize ans, Julien commence à traîner dans les écuries de son voisin, un certain Michel Robert, qu’il assiste volontiers en s’occupant des barres sur la carrière. “Lorsqu’il est arrivé, il était débutant. Je l’ai gardé malgré son petit niveau, car il avait toutes les qualités qu’on aime retrouver chez un jeune: vraiment sympa et travailleur. C’était un bon gamin! À l’époque, il n’avait pas d’ambition particulière. Il voulait simplement monter à cheval et apprendre. Julien n’était pas plus doué qu’un autre, mais il était très courageux et affichait toujours un état d’esprit très positif”, se souvient le multi médaillé tricolore, qui décide de le prendre sous son aile. Il lui propose même de monter ses chevaux de Grand Prix. “Une histoire de profonde confiance”, selon le maître. “La première fois que j’ai monté l’un de ses chevaux, je suis parti un peu trop vite au galop. Je manquais de finesse”, sourit l’élève. 

Scolarisé dans une section sport-études de rugby, Julien commence à souffrir des genoux, au point de devoir s’arrêter pendant plusieurs mois. Cependant, les médecins ne détectent pas tout de suite le mal. Bientôt bloqué du dos, l’adolescent subit aussi des paralysies au niveau des articulations. “Les docteurs ont mis du temps avant de constater que j’étais en fait atteint d’une sclérose en plaque, maladie que j’ai contractée à cause du vaccin de l’hépatite B”, explique le cavalier, aujourd’hui âgé de trente-huit ans. Arrêter le sport, Julien ne peut s’y résigner. Il continue à monter, même si ses paralysies le privent d’une partie de sa mobilité. “Je ne voulais surtout pas devenir invalide. Michel Robert m’a alors proposé de m’emmener chez un ami vétérinaire, Arthur Wilkinson, qui pratiquait la biorésonance.” Toutes les semaines, Michel et Julien se rendent à Neuchâtel en Suisse, à trois bonnes heures de route. Après six mois de traitement, Julien va mieux et peut à nouveau s’adonner pleinement à sa passion.

Michel Robert lui demande régulièrement de détendre ses chevaux et en profite pour lui donner quelques leçons de dressage. “J’ai beaucoup appris en le regardant. Michel a réellement été mon maître d’école. C’est chez lui que j’ai pris goût à l’obstacle”, explique le Rhônalpin, qui continue aussi à monter chez les frères Maset. Il débute la compétition vers quinze ans dans des concours d’entraînement organisés dans des prés à vaches. “Je montais les poneys et chevaux plantés pour les remettre en route avant qu’ils ne soient reloués”. À seize ans, il échange son dernier poney, Graffiti, contre un Trotteur nommé Géo de Cénoman (Orfeu Negro x Levorino). “Aux concours d’entraînement, nous sautions les grosses épreuves à 1,20m. Pour moi c’était énorme!” Plus tard, Julien troque son Trotteur contre Sissi Garandons (Indian Sin, Ps x François Saubaber, Ps). “Avec elle, je n’ai pas pu beaucoup concourir, car elle était complètement folle. En revanche à la maison, je sautais tout en haut des chandeliers!” Le jeune cavalier prend goût à ces gros obstacles. “À la télévision ou à Lyon, j’observais les grands cavaliers sauter les Grands Prix et je m’entraînais à faire pareil avec ma jument”, se souvient-il.



“Une évolution aussi rapide que rare”, Michel Robert

À dix-sept ans, Julien débute la compétition officielle en Quatrième Catégorie. Dès sa première saison, il remporte une D2 à Bourg-en-Bresse. L’année suivante, en 2000, il se classe dans des épreuves de Troisième Catégorie. “Beaucoup de gens s’imaginaient que j’étais un gosse de riches, propriétaire chez Michel, alors que j’étais juste un gamin qu’il aimait bien et qu’il aidait”, avoue Julien. Très entouré à l’entraînement, le jeune cavalier s’autogère en compétition. “Encore aujourd’hui, quand on me coache en concours, ça ne va pas. J’ai pris l’habitude de monter à l’instinct. Michel l’avait d’ailleurs bien compris. À la maison, il me faisait beaucoup travailler et me donnait ses consignes, mais en compétition, je me débrouillais seul”, explique Julien. 

En 2001, les choses évoluent notamment avec l’arrivée d’Idéfix de Roll (Quidam de Revel x Highest Honor, Ps). “Michel m’en avait offert la moitié. Je l’ai fait débuter sur le Cycle libre et l’ai emmené jusqu’à 1,40m”, détaille le Rhônalpin. “Oui, je lui ai fait cadeau d’une partie d’Idéfix. Je me souviens très bien des gens qui m’ont encouragé quand j’étais gamin, et de ceux qui m’ont découragé aussi d’ailleurs. J’ai juste voulu lui donner un coup de pouce, car il le méritait. Julien est une belle personne à qui l’on a seulement envie de faire plaisir”, s’émeut Michel Robert. 

L’année suivante, muni d’une licence de Deuxième Catégorie, Julien découvre le monde professionnel tout en poursuivant la formation d’Idéfix. En 2003, le couple se classe régulièrement à 1,35m et 1,40m, trustant même les deux premières places d’un Grand Prix à Grenoble. “En quatre ans, Julien est passé de la Quatrième à la Première Catégorie, une évolution aussi rapide que rare! Il a toujours gagné, quel que soit le niveau. C’était un garçon à l’écoute, bien encadré et aidé de bons chevaux de la maison. Différents facteurs lui ont permis d’évoluer si rapidement, mais à la base, il était d’abord courageux et travailleur”, admire encore son mentor. 

La vie de Julien ne se résume pas à l’équitation. Le jeune homme poursuit aussi ses études dans l’agriculture. “Je n’ai pas toujours souhaité devenir cavalier. Au départ, je m’orientais vers le métier d’exploitant agricole. Lors de mes stages, je travaillais chez un marchand de bestiaux. Nous achetions des veaux à huit jours, les engraissions et les revendions à cent vingt jours. J’adorais ce métier”, évoque-t-il avec une pointe de nostalgie. En 2003, l’étudiant s’inscrit dans une école de commerce irlandaise spécialisée dans l’import-export de bétail, mais Michel Robert, refusant de voir partir son élève, lui propose de rester travailler chez lui. Apprenti chez son mentor, Julien s’inscrit à Saint-Priest, près de Lyon, pour passer son monitorat. “Lors des tests d’entrée, j’ai rencontré quelques difficultés à l’obstacle, car je n’étais pas habitué aux chevaux de club. La jument qu’on m’a demandé de faire sauter s’est arrêtée dès le premier abord. Je suis revenu en mettant un peu plus de pression, mais elle a de nouveau pilé devant l’obstacle suivant. Les inspecteurs m’ont alors dit que mon niveau était trop bas et que je devrais passer le monitorat en trois ans au lieu de deux! Au bout de deux ou trois semaines d’école, ils m’ont finalement dit que je le passerais en deux!”, rigole encore Julien. 

L’aventure Kellémoi de Pepita

En 2004, Michel Robert décide de vendre Idéfix, “estimant qu’il dégradait mon équitation”, explique son disciple. Celui-ci poursuit son apprentissage en montant quatre à six chevaux. Pourtant, une fois son monitorat en poche, contre toute attente, Julien Gonin quitte les écuries de son maître pour voler de ses propres ailes. “J’avais besoin de savoir si j’étais capable de m’en sortir sans Michel. Je ne voulais pas attendre qu’il prenne sa retraite pour m’en rendre compte. Je tenais à y arriver par moi-même”, explique-t-il. “J’ai tout de suite pensé que c’était une bonne chose, car à un moment, les enfants doivent quitter le berceau familial pour aller s’aguerrir ailleurs. À un certain âge, il faut prendre son envol”, analyse Michel Robert à propos de celui qu’il considère comme son fils. Dans un premier temps, Julien loue trois boxes au haras d’Écotier, le centre équestre d’Alexa et Olivier Annequin, à Charrette dans l’Isère. Pour compléter son activité, il continue à donner des cours, monte au pied levé pour des éleveurs de la région, et vend quelques chevaux - “à cette époque, les chevaux moyens étaient assez faciles à vendre”. Très rapidement, Julien étoffe sa clientèle et termine l’année avec sept chevaux au travail.

En 2006, le jeune cavalier débute sa saison à Vilamoura, à l’extrême sud du Portugal. “Un peu audacieux, j’étais parti tout seul avec un vieux camion. Sur la route, j’avais dû crever trois fois et payer plusieurs réparations, si bien qu’arrivé sur place, je n’avais plus un sous en poche!” Nullement perturbée par toutes ces péripéties, Lucky in Love HB (Landslide x Porte Bonheur II), jument rencontrée lors de son apprentissage chez Michel Robert, lui offre un Grand Prix CSI2*. “De toute façon, je n’avais pas le choix, je devais gagner!” À la fin de cette journée mémorable, Julien flashe sur une jument baie montée au paddock par Steve Gasnier. Un coup de cœur nommé Kellémoi de Pepita (Voltaire x Jalmé des Mesnuls)! “Par chance, j’avais vendu un cheval pendant la tournée. Du coup, j’ai tout de suite pu réinvestir dans Kellémoi”, se souvient-il. 

De retour en France, le cavalier engage sa recrue dans un concours à Dijon. “Elle manquait tellement de condition qu’elle trottait entre les obstacles”, se remémore-t-il amusé. Toutefois, la jument ne tarde pas à se révéler. Très sollicité, Julien finit par accepter de la vendre... mais pas à n’importe qui. “J’en ai vendu la moitié à Michel, car cela me faisait plaisir qu’il la monte”, explique-t-il. Très rationnel, Julien se rend compte que son système de l’époque ne lui aurait pas permis de garder une telle jument. “Je n’étais pas du tout crédible vis-à-vis de l’entraîneur national. Il m’aurait fallu accomplir toute la carrière de la jument pour me faire connaître. Or, je ne voulais pas qu’elle passe à côté de sa chance”, explique-t-il très sérieusement. “Un jour, Julien est venu travailler avec Kellémoi à la maison. Je lui ai dit de ne pas la vendre tout de suite, mais de continuer à la faire travailler, car je pensais qu’elle était vraiment très bonne. Finalement, quelque temps après, il me l’a vendue beaucoup, beaucoup plus cher qu’il n’aurait pu le faire ce jour-là! C’est le jeu! Il l’avait fait progresser, comme il l’a fait avec beaucoup d’autres chevaux, d’ailleurs”, développe Michel Robert. 

Avant de rejoindre Moras, Kellémoi offre à Julien une quatrième place dans le Grand Prix CSI3* de Cortina d’Ampezzo en Italie. En 2011, la jument apportera à Michel Robert sa dernière médaille internationale, l’argent par équipes aux championnats d’Europe de Madrid, avant d’être vendue au Qatar et de disparaître prématurément de coliques. À cette même période, le sort frappe à nouveau Julien qui se retrouve stoppé dans son élan par une méningite. “Je n’étais pas bien, j’ai dû rester couché pendant deux mois”, se souvient-il amèrement. Là encore, l’Isérois finit par reprendre le dessus. “Je ne suis pas à plaindre. Je dois seulement garder une bonne hygiène de vie et ne jamais faire d’excès”, confie-t-il.

De locataire à propriétaire 

On le sait moins, mais l’homme de cheval s’est aussi essayé à l’élevage, et là aussi, le succès a été au rendez-vous! En effet, c’est Julien Gonin qui a fait naître le talentueux Prime Time des Vagues, compagnon d’ascension d’Alexandre Fontanelle. Lors d’un concours, le cavalier avait repéré Rose des Corbières (Hélios d’Aumont), sa future mère, qu’il avait acquise en l’échange d’une mobylette! “Son cavalier arrêtait l’équitation pour entrer en apprentissage, et il cherchait une mobylette. Il s’est trouvé que j’en avais une et que je voulais vraiment cette jument”, s’amuse Julien. En 2001, l’éleveur en herbe choisit un étalon des Haras nationaux, mais Rose ne prend pas. L’année suivante, Bernard Moissonnier, chez qui Julien effectue un stage de deux semaines, lui propose de le rétribuer avec une saillie de son étalon Diner’s Time. C’est de ce croisement que naît en 2003 Prime Time. “Je l’ai vendu à cinq ans, car j’avais besoin de faire tourner mon écurie. Cependant, même si je savais que ce serait un bon cheval, je n’aurais pas deviné qu’il sauterait des Grands Prix de Coupe du monde”, avoue-t-il. “À cinq ans, il sortait du pré, mais Julien croyait vraiment en lui! Je l’ai alors cédé à un client qui l’a revendu à Alexandre Fontanelle dès son premier concours. Julien et moi travaillons beaucoup ensemble. La vente de Prime Time a été notre plus belle opération”, confie Laurent Guillet, ami de Julien, marchand et cavalier international. Après avoir fait naître d’autres poulains, Julien délaisse l’élevage, préférant acheter ses chevaux vers six ans pour achever leur formation. 

En 2010, le Rhônalpin franchit un nouveau cap en s’installant définitivement chez lui, dans les anciennes écuries du marchand Guy Martin, à Saint-Martin-duMont dans l’Ain. Équipé d’un manège, de plusieurs carrières et de cinquante boxes, le cavalier a désormais tout pour se développer dans les meilleures conditions. Petit à petit, il met en place un système qui le pousse de plus en plus vers le haut niveau. “J’achète beaucoup de chevaux. Quand on arrive à en vendre un, ça permet de relancer la machine. Tout ce que j’ai, je le dois aux chevaux que j’ai vendus tout au long de ma carrière”, explique-t-il. “Julien a eu plein de bons chevaux qu’il a su vendre au bon moment pour pouvoir avancer. Aujourd’hui, parce qu’il ne s’est pas bloqué, il est à la tête d’une belle structure avec de très bons propriétaires. Même si cela lui a imposé quelques sacrifices sportifs, il a compris que vendre un cheval n’était pas la fin du monde, et il a continué à avancer. À chaque fois, il a su repérer de bons jeunes à former. C’est aussi ça, un bon cavalier”, salue avec admiration Laurent Guillet. 

Après Idéfix et Kellémoi, Sandro (KWPN, Larino x Casimir), acheté à Michel Robert, marque la trajectoire de Julien de 2008 à 2010. Régulièrement classé en CSI3* et 4*, le couple participe aussi à quelques CSI5* dont Lyon et Bordeaux. “Il était incroyable, il ne lui manquait que la parole”, se souvient son cavalier. Sandro permet surtout à Julien Gonin de décrocher la médaille de bronze individuelle et la médaille d’or par équipes aux Jeux méditerranéens de Pescara, en Italie en 2009, aux côtés de Simon Delestre, Alexandra Francart et Olivier Guillon. Il le vendra à l’Américaine Katherine Dinan. 

Cette même année, il accueille plusieurs chevaux de la génération 2004 qui l’aideront à poursuivre son ascension. Queen Girl Kervec (Diamant de Semilly x Darco), Quiria d’Orion (Calvaro x Grand Veneur) ou encore Quartz de Preuilly (Baloubet du Rouet x Lord) permettent en effet à Julien Gonin de remporter un grand nombre de victoires internationales, mais aussi de briller dans le Grand National. Associé à Olivier Robert, il remporte même ce circuit en 2014. “En fin de saison, nous participions tous les deux au Morocco Royal Tour. La dernière étape du Grand National, qui devait se tenir à Lyon, ayant été annulée, le circuit devait se terminer au Mans. Si nous voulions le gagner, il fallait y être. Julien a alors tiré un trait sur le CSI3*-W de Rabat, le plus beau de la tournée marocaine, et a tout organisé pour pouvoir courir au Mans. C’est grâce à lui que nous avons gagné. Cela démontre le parfait esprit d’équipe dont Julien sait faire preuve”, admire Olivier Robert.



Lyon, une consécration sportive

Queen Girl consacrée à l’élevage, Quiria vendue à Alice Tréhoust et Quartz à l’Autrichienne Alessandra Reich, en 2015, Soleil de Cornu (CH, Qredo de Paulstra x Le Tot de Semilly) est propulsé sur le devant de la scène. Avant de reprendre de plus belle la compétition, le pilote renoue avec ses premiers amours en apparaissant avec les Horsemen lors du gala des Crinières d’Or à Avignon. Quelques mois auparavant, lors du Morocco Royal Tour, Fabien Galle avait remarqué que Julien aimait faire le show au paddock. Il lui a donc tout naturellement proposé de participer au trentième festival Cheval Passion. Accompagné de Soleil et Arsen Lupin 2 (ex-Andiamo V, KWPN, Lupicor x Epilot), le Rhônalpin s’engage dans une sorte de duel avec les Horsemen. “Je me suis beaucoup amusé, mais je ne recommencerai pas maintenant. J’ai bien trop de travail avec mes chevaux, je n’ai plus le temps. En tout cas, j’ai beaucoup appris concernant l’approche du cheval. Quand on voit ce que les artistes sont capables de faire avec des chevaux en liberté alors que nous, nous utilisons des rênes allemandes, des éperons et des cravaches... Ça donne à réfléchir”, raisonne-t-il.

La saison 2015 de Julien est très positive, Weraton (alias Well Done II, KWPN, Sheraton x Zeus) et Soleil enchaînant les bonnes performances internationales. Dès le mois d’août, Sylvie Robert lui propose une place dans le CSI5*-W d’Equita Lyon, l’un des plus demandés de la planète. “Julien fait partie des meilleurs cavaliers de la région et il avait obtenu de bons résultats. L’un de nos objectifs étant de donner une chance aux plus talentueux Rhônalpins de percer au top niveau, nous avons logiquement invité Laurent Guillet et Julien Gonin à participer à notre CSI5*-W”, explique Sylvie Robert, directrice des événements équestres du groupe GL events, organisateur d’Equita. Très prudent, Julien attend de voir le comportement de Soleil au CSI5* de Bruxelles avant de se décider. Après un très encourageant Grand Prix bouclé avec quatre points, sûr de lui, il valide son ticket pour Lyon. 

Avant ce grand rendez-vous, il se rend au Morocco Royal Tour. À El Jadida, Philippe Guerdat émet quelques réserves sur la participation de Julien Gonin au grand rendez-vous lyonnais. “Sur le papier, il avait beaucoup plus de chances de gagner le 2* que le 5*“, se justifie l'ex-sélectionneur national. “Cependant, Julien s’est très bien préparé et a su parfaitement gérer la pression liée au fait d’évoluer devant son public”. “À Lyon, je ne devais pas avoir de place pour participer au Grand Prix, mais quand une place s’est libérée, Philippe me l’a tout de suite donnée”, se rappelle Julien. Laurent Guillet a également beaucoup soutenu son ami dans cette démarche: “Je lui ai simplement dit de s’en tenir à ce qui était prévu et de foncer! Lyon, c’est notre région. Julien avait bien préparé Soleil au Maroc, il devait essayer. Quand on a une chance comme celle-ci, il ne faut pas la laisser passer. De fait, il a su saisir la perche qu’on lui a tendue. Chapeau!”

Effectivement, Julien Gonin se qualifie pour le Grand Prix de Coupe du monde en bouclant un bon tour à quatre points dans l’épreuve à barrage très disputée du vendredi. Au repos le samedi, Soleil signe un premier tour fabuleux le dimanche après-midi. Ne pouvant pas encore rivaliser avec les meilleurs au barrage, le couple boucle un double sans-faute très maîtrisé qui lui offre une très belle quatrième place derrière Pénélope Leprevost sur Flora de Mariposa, Christian Ahlmann sur Taloubet Z et Romain Duguet sur Quorida de Trého. “Quand on a le bon cheval, j’estime qu’on n’a pas à rougir devant les autres. J’ai préféré jouer la carte de la sécurité, car même si je sais être rapide, il m’aurait été difficile de rivaliser avec Pénélope et Christian qui ont des chevaux bien plus expérimentés que Soleil”, avoue-t-il. 

Ce fait d’armes a réjoui bien des visages dans les travées d’Eurexpo, à commencer par Olivier Robert et Michel Robert. “En arrivant à Lyon, ni lui ni moi ne pouvions normalement tenter de nous qualifier pour le Grand Prix. Quand Philippe nous a appris que les plans avaient changé, nous avons évidemment relevé ce challenge et nous sommes qualifiés. J’ai vécu cette compétition comme une Coupe des nations. Le vendredi soir, j’ai terminé quatrième du Grand Prix qualificatif, ce qui a convaincu Julien que nous ne devions nourrir aucun complexe face aux autres cavaliers. Cette phrase le résume tellement bien! Sa motivation est tellement énorme. Dans le Grand Prix, je suis passé quelques numéros avant lui. Cette fois, c’est Julien qui a réussi le sans-faute, et pas moi, mais j’ai vécu sa quatrième place comme si j’avais moi-même gagné! Ma joie était immense! La veille au soir, il n’arrêtait pas de dire que le lendemain serait notre jour, et que si nous réussissions quelque chose, nous allions nous ouvrir des portes”, salue le cavalier bordelais. “Ayant été invité par Sylvie Robert, il voulait être à la hauteur, et il a dépassé toutes les espérances! C’était fantastique! Cela récompense son travail, et sa quatrième place est d’autant plus géniale qu’il l’a obtenue avec un cheval qu’il a lui-même façonné. Cela m’a fait énormément plaisir, j’étais très heureux pour lui. Au-delà de notre relation, cette performance donne aussi beaucoup d’espoir à d’autres cavaliers courageux et motivés. Cela prouve que l’élite n’est pas réservée à Pénélope Leprevost, Kevin Staut et quelques autres”, assène Michel Robert.

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX International n°92.