Kassandre Erger, la précieuse star de la famille Bourdon

Notre série de portraits baptisée “Trésors de championnes” s’intéresse aujourd’hui à Kassandre Erger. Pour rappel, GRANDPRIX s’est appuyé sur une sélection de juments nées après 1995, ayant obtenu d’excellents résultats sportifs, matérialisés par l’obtention d’un indice de performances supérieur à 160, et ayant engendré au moins deux produits eux-mêmes indicés à 140 et plus. Née dans le Calvados, Kassandre n’est pas issue d’une célèbre lignée, mais son attitude en concours et ses nombreuses performances à 1,50m avec Alain Bourdon et son fils Mathieu, entre 2008 et 2013, ont fait d’elle une star en Bretagne. Parmi ses dix-sept produits figurent notamment Par Trois (ISO 168) mais aussi Atina du Tertre (ISO 146) et Baccarat du Tertre (ISO 152).



Dgin du Pestel*Mili, vice-champion du monde en titre des chevaux de sept ans en concours complet avec l’adjudant-chef Donatien Schauly, est issu de la même souche que Kassandre.

Dgin du Pestel*Mili, vice-champion du monde en titre des chevaux de sept ans en concours complet avec l’adjudant-chef Donatien Schauly, est issu de la même souche que Kassandre.

© Solène Bailly/Mondial du Lion

Si son pedigree n’est pas forcément des plus prestigieux, Kassandre Erger ne vient pas non plus de nulle part. Ainsi, Poucette (SF, Franc Étrier), sa cinquième mère, a engendré un champion de dressage, Champagne (IDR 160, SF, Brid’Oison, Ps), un champion de dressage. Croisée à Bel Avenir, Poucette a aussi donné Tipasa, elle-même mère d’un performeur en concours complet, Boufarik (ICC 137, SF, Kalabaka, Ps). Gaie Landaise, la troisième mère de Kassandre (SF, Ukase) a mis au monde pas moins de dix-huit produits SF, dont onze ont concouru et huit ont été indicés au-dessus de 120. Parmi eux, citons Mimosa de la Cavée (ISO 130, Amour du Bois), Gaieté de la Cavée (ISO 130, Qredo de Paulstra), Tamise de la Cavée (ISO 135, Pot d’Or, Ps) et Belle Landaise (ISO 136, Grand Veneur). Gaie Landaise est aussi la grand-mère de Rochet de la Vaulx (sBs, Heaume des Malais x Grand Veneur), ancien partenaire du Belge Nicola Philippaerts. Enfin, sa deuxième mère, Tamise de la Cavée, a eu treize produits, tous présentés en concours, parmi lesquels Foudre Erge (ISO 133, Digne Espoir) et Lord du Lozon (ISO 137, Verdi). Parmi ses nombreux petits enfants, citons Udgi Girl des Gy (ISO 140, SF, Quidam De Revel x Verdi) ou encore de Dgin du Pestel*Mili (ICC 146, SF, Nartago x Verdi), vice-champion des chevaux de sept ans lors du dernier Mondial du Lion-d’Angers avec l’adjudant-chef Donatien Schauly.

L’histoire de de Kassandre Erger commence en Normandie chez René Genser, modeste éleveur connu pour avoir également fait naître Infante des Chênes (ISO 158, SF, Papillon Rouge x Barigoule), exportée en Suisse. Au début des années 1990, soucieux de se rapprocher du sang, il achète Tamise de la Cavée (ISO 135, Pot d’Or, Ps). En 1994, cette petite jument très compétitive lui donne Graine d’Hirison (SF, Baladin du Manoir). René Genser la voue rapidement à l’élevage et, cassant les codes classiques normands, choisit le Holsteiner C-Indoctro. En 1998, naît donc Kassandre Erger, bondissante pouliche baie qui plaît beaucoup en concours d’élevage. Graine est alors repérée et rachetée par le haras des M, où elle est débourrée et lancée en concours. Malheureusement, un accident l’a emportée quelques années plus tard et son seul autre produit, Octobre de Mars (SF, Nirvana V), n’a jamais été présenté en concours.

Achetée par Romain Bourdoncle et assez préservée à quatre ans, l’explosive Kassandre réalise une saison correcte à cinq ans avec Romain, Grégoire Hercelin et quelques autres cavaliers, mais ne manque pas d’affoler les observateurs. Impressionnante, atypique, caractérielle, elle tape dans l’œil d’Alain Bourdon qui l’achète et la ramène aussitôt dans ses écuries de Fougères, en Ille-et-Vilaine. L’association s’avère concluante puisque la jument se qualifie pour la finale nationale des six ans à Fontainebleau. “Si j’avais connu ses antécédents, je ne sais pas si je l’aurais achetée!”, raconte Alain Bourdon, amusé. “Elle a causé quelques accidents. Elle pouvait se jeter à terre lorsqu’on la contrariait. Impossible de trop employer ses jambes, et impossible même d’enlever son blouson en selle. Elle nous menait la vie dure!”



“Elle était dangereuse avec les autres chevaux!”, Alain Bourdon

On retrouve ici Alain Bourdon et Kassandre dans le championnat Pro 1, à Fontainebleau.

On retrouve ici Alain Bourdon et Kassandre dans le championnat Pro 1, à Fontainebleau.

© Scoopdyga

En pleine préparation pour la saison suivante, Alain se blesse et confie Kassandre à Romain Bourdoncle, avec à la clé quelques classements à 1,35m. La jument revient à Fougères à huit ans et obtient rapidement ses premiers classements en Grands Prix à 1,45m. “Elle était vraiment spéciale!”, raconte Alain. “Nous l’engagions systématiquement sous X pour être les premiers à passer et profiter d’un paddock quasi désert, car elle était dangereuse avec les autres chevaux! Nous avons passé des mois, des années à essayer d’améliorer cela, sans parler des heures de travail sur le plat que son énergie nécessitait… Elle avait une tête en or, mais elle était aussi très stressée, presque précieuse. Nous devions inlassablement répéter nos gammes. En revanche, en piste, son sang et son mental de guerrière prenaient le dessus, si bien qu’elle ne s’arrêtait jamais.”

Kassandre franchit le palier supérieur en 2008, à dix ans, enchaînant les performances en CSI 3 et 4*, terminant troisième du Grand Prix de Dinard, quatrième du Grand Prix à 1,50m de Pontivy, puis deuxième l’année suivante, cinquième du Grand Prix à 1,50m de Villeneuve-Loubet. Elle fait à nouveau parler d’elle en 2010 dans le Grand National, gagnant l’étape d’Auvers, puis se classant deuxième à Cluny, huitième à Fontainebleau et cinquième à Lure. Laurent Élias, alors sélectionneur de l’équipe de France, fait appel au couple pour disputer la Coupe des nations du CSIO 3* de Bratislava (Slovaquie), mais une tendinite empêche Kassandre d’y participer. Cette année de consécration permet à la jument d’atteindre le bel ISO de 162.

La famille Bourdon accorde quelques mois de repos à la jument avant d’entamer une solide rééducation. En 2012, Alain Bourdon, alors régulièrement classé en Grands Prix avec ses autres montures, Nouméa Deux (ISO 154, SF, Baloubet du Rouet x Arpège Pierreville) et Playboy du Tertre (ISO 157, Dollar du Mûrier x Le Tot de Semilly), pur produit de l’élevage maison, choisit de confier Kassandre à son fils Mathieu. Le nouveau duo excelle rapidement en épreuves de vitesse à 1,45m, formant un couple redouté en Bretagne et Normandie. “Quand j’ai commencé à la monter, Kassandre avait quatorze ans et sortait d’une bonne période de repos. Comme je mesure vingt centimètres de moins que mon père et que j’étais également un peu plus léger, cela lui a redonné un coup de fouet!”, s’amuse Mathieu. “Elle pouvait manquer un peu de force, mais son mental lui permettait de sauter 1,50m sans problème. J’ai beaucoup de reconnaissance pour mon père qui m’a permis de monter cette star, beaucoup de respect pour sa gestion de l’élevage et de ses chevaux en concours. Il est sans arrêt en quête de progrès! Kassandre m’a rapidement propulsé dans de belles épreuves, je lui dois beaucoup!”

Kassandre Erger a été indicée à plus de 150 sans discontinuer de 2008 à 2014. Une longévité rare à ce niveau d’épreuve. En 2014, une nouvelle tendinite écarte définitivement la jolie baie des terrains de concours après quelques parcours avec Fiona Versini, alors cavalière maison chez les Bourdon, terminant notamment deuxième d’un Grand Prix à 1,50m à Vilamoura.



Sport et élevage en même temps

Le premier produit de la baie n’est autre que Par Trois, jument valorisée jusqu’au plus haut niveau par l’Irlandais Mark McAuley, ici au Longines Masters de Hong Kong.

Le premier produit de la baie n’est autre que Par Trois, jument valorisée jusqu’au plus haut niveau par l’Irlandais Mark McAuley, ici au Longines Masters de Hong Kong.

© Scoopdyga

Kassandre a pu mener de front ses carrières de compétitrice et de reproductrice via plusieurs transferts d’embryons. Le premier, réalisé en 2003 pour le compte de René Genser avant la vente à la famille Bourdon, a donné Par Trois (ISO 168, SF, Hélios de la Cour II). Labellisée Excellente à l’issue de la finale nationale des chevaux de cinq ans avec Alain, elle a ensuite été vendue à l’Irlandais Mark McAuley. “Nous l’avons eue dans nos écuries une saison, puis l’avons revendue sans penser qu’elle avait autant de moyens! C’était une petite jument compliquée à monter elle aussi, mais pratique en piste. Elle est tombée chez un top cavalier! Nous en avons rediscuté plusieurs fois avec Mark, qui en était plus que ravi. C’est du bonheur pour nous!”

En 2006, Kassandre produit Sandro du Tertre (ISO 130, SF, Korto Maltese). Malheureusement, la famille Bourdon perd ensuite quelques produits en raison d’aléas vétérinaires: intoxication, erreur médicale, colique. La pouliche suivante, Atina du Tertre (ISO 146, SF, Kannan), classée jusqu’en Grands Prix à 1,45m, a elle-même produit elle-même Daisy du Tertre (ISO 137, SF, Nervoso), également formée par Mathieu. En 2011 est venue au monde Baccarat du Tertre (ISO 152, SF, Putch des Isles), labellisée Élite à cinq ans avec Mathieu Bourdon. “Nous avions connu une réussite exceptionnelle au CIR du Lion-d’Angers, avec trois produits de notre élevage sur les trois marches du podium! Une satisfaction énorme pour la famille”, se rappelle le cavalier. Peu après la Grande Semaine, elle a pris la route des écuries de Marie Pellegrin-Etter, qui l’a achetée sur un coup de cœur. Le couple a notamment remporté une épreuve majeure au CSI 2* du Longines Masters de Paris en décembre 2019. “Nous avons de beaux échanges avec Marie, qui est une formidable cavalière, et une femme qui montre toujours une belle joie de vivre. Fin 2020, elle nous a annoncé la vente à contrecœur de Baccarat. Il faut dire que la jument attirait les convoitises. Elle est partie aux États-Unis chez Alison Firestone Robitaille, qui évolue jusqu’en CSI 5*”, confie Alain Bourdon.

Aujourd’hui, Mathieu Bourdon entame la formation de Hasta du Tertre (SF, Nervoso), quatre ans. “Il a un petit côté Kassandre, un peu précieux, sensible et inquiet. Il est très fort, mais pas du tout conscient de ses moyens. Nous allons prendre le temps de le former. C’est ainsi qu’on les aime ici!”  Les six autres produits de Kassandre, issus de Verdi TN, Conte Bellini, Dollar du Rouet et Carinjo*HDC, ne sont pas encore en âge de concourir. “Pour le choix des étalons, je fonctionne d’une part à l’instinct. Par exemple, Mylord Carthago me plaît pour sa production, et Alicante, pour son pedigree (Holst, Casall x Indoctro). Et je pense d’autre part au commerce. Comme je travaille avec le haras des Coudrettes pour la préparation de leurs jeunes chevaux, j’ai utilisé Carinjo. Après la vente de Baccarat à Marie, j’ai utilisé Deuxcatsix d’Églefin (SF, Vigo Cécé x Bamako de Muze), stationné chez elle. Et il y a chez mon ami Olivier Le Vot un très bon mâle de six ans que je compte utiliser (Fancy de Kergane, ISO 134, SF, Casco Bay ex-Berdenn de Kergane x Cor de Hus, troisième du championnat des cinq ans, ndlr). Kassandre a énormément de sang mais j’aime en apporter encore! Nous prenons ensuite le temps de bien préparer les chevaux pour le sport. Plus que les croisements, c’est l’élevage qui me plaît: passer du temps avec les poulains, dans les prés et tout au long de leur formation, et partager cela avec mon fils. C’est une passion qui s’entretient chaque jour. Nos chevaux n’ont pas tous les moyens du monde mais ils sont hors normes mentalement. Le bon sang d’abord! En espérant faire naître un futur crack issu de Kassandre!”, lance Alain.

À bientôt vingt-trois ans, Kassandre Erger, bon pied bon œil, profite d’une belle pré-retraite sur les 35 hectares de prairies de La Ferrandière, aux côtés des autres retraités de l’écurie Bourdon. “Elle se sociabilise avec les années, mais au début, il était impossible de l’approcher sans une pomme à la main! Kassandre est assurément l’une des juments les plus importantes de ma vie: elle m’a permis de sauter mes plus belles épreuves. Une jument infatigable, un vrai dragon. Par exemple, nous avons plusieurs fois participé au Derby de Dinard. Eh bien, une fois les vingt-trois obstacles sautés, elle donnait l’impression de pouvoir repartir immédiatement sur le même parcours. Je n’ai pas eu la chance d’avoir de gros sponsors ou de grands mécènes dans ma carrière. Grâce à Kassandre, j’ai réalisé que je pouvais produire mes propres chevaux. Grâce à notre élevage, nous sommes maintenant autonomes”, conclut le Breton. 

Formée par Mathieu Bourdon, Baccarat du Tertre, ici à Fontainebleau, vient de traverser l’Atlantique pour rejoindre les écuries d’Alison Firestone Robitaille.

Formée par Mathieu Bourdon, Baccarat du Tertre, ici à Fontainebleau, vient de traverser l’Atlantique pour rejoindre les écuries d’Alison Firestone Robitaille.

© Scoopdyga



En 2009 à Villeneuve-Loubet, Alain Bourdon et Kassandre s’étaient notamment classés cinquièmes d’un Grand Prix CSI 3* à 1,50m.

En 2014, Mark McAuley et Par Trois s’étaient classés deuxièmes d’une épreuve à 1,45m lors d’un CSI 3* de Cagnes-sur-Mer.

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