Nangaye de Kergane, petite par la taille, grande par le talent

Rebaptisée Lady Lindenhof lors de son passage sous la selle de Luciana Diniz, Nangaye de Kergane a brillé à haut niveau avec la Portugaise et précédemment déjà avec Kevin Staut et Alexandra Rantet. Pour elle, cette petite pépite dorée reste la jument de sa vie. Plusieurs de ses produits ont déjà évolué à un bon niveau, dont Vegas Flamingo (IPO 143) et Sangali de Kergane (ISO 145), et sa descendance recèle encore quelques éléments très prometteurs.



Une souche sérieuse

Nangaye à nouveau en août 2011.

Nangaye à nouveau en août 2011.

© Collection privée

Notre série de portraits baptisée “Trésors de championnes” s’intéresse aujourd’hui à Nangaye de Kergane. Pour rappel, GRANDPRIX s’est appuyé sur une sélection de juments nées après 1995, ayant obtenu d’excellents résultats sportifs, matérialisés par l’obtention d’un indice de performances supérieur à 160, et ayant engendré au moins deux produits eux-mêmes indicés à 140 et plus. 

Nangaye de Kergane a vu le jour chez Louis Menier, dans le Morbihan, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Rennes. Pour sa jument Je Viens de Kergane (SF, Type d’Elle x Benroy Ps), Louis Menier avait choisi Grand Chef Bleus, un étalon qu’il aimait beaucoup et qu’il a largement utilisé. Ce fils de Quidam de Revel et Queen du Parc par Lord Roussetière, lui-même issu de la propre sœur du chef de race Almé, a concouru jusqu’à dix-huit ans, changeant souvent de cavalier, obtenant un indice de 136 grâce à des classements entre 1,30 et 1,40 m. Sa production est assez confidentielle avec soixante-douze produits enregistrés au SIRE, dont quarante-quatre ont tourné en compétition. Parmi eux, neuf ont été indicés au-dessus de 120 et une seule au-dessus de 140: Nangaye, qui a obtenu le très bon ISO 168 avec six saisons entre 157 et 168.

La souche maternelle de Nangaye de Kergane n’est pas forcément la plus prestigieuse qui soit, puisqu’elle est la seule de sa famille à avoir évolué au plus haut niveau. Néanmoins, en fouillant jusqu’à sa cinquième mère, on trouve plusieurs gagnants indicés entre 120 et 140 à chaque génération, ce qui atteste d’une certaine qualité. Outre Nangaye, d’autres Selle Français de cette famille, tous nés chez Louis Menier, ont également réussi une belle carrière, comme Maëva de Kergane (ISO 148, Gold de Bécourt x Arpège Pierreville), classée à 1,50 m avec la Suissesse Nadine Traber, ou son frère utérin Quasi de Kergane (ISO 159, Élan de la Cour), classé à la même hauteur avec le Polonais Wojciech Wojcianiec. Signalons également le jeune Eothymm de Kergane (Quinoto Bois Margot x Campo Flamingo), issu d’une sœur utérine de Maëva et Quasi, neuvième du championnat de France des cinq ans à Fontainebleau, puis champion du CIR de Saint-Lô et seizième de la finale des six ans avec Arthur Le Vot, ce qui lui a valu le très bon ISO 150 en 2020.

Cette souche a commencé à se révéler dans le sport à partir de Javotte (DS, Ulster x Néroli), la cinquième mère de Nangaye de Kergane, née en 1953. Des croisements successifs avec Obélisque II (Ps, Louqsor) puis Nankin (Diavolo, Ps) et le Benroy (Ps, Double Jump) ont donné Smasch, la grand-mère de Nangaye, qui est arrivée chez les Menier après une petite carrière sportive (ISO 125) et quelques poulains chez sa naisseuse, Odile Le Baron. “C’est mon fils Thibault qui avait acheté Smasch quand elle avait douze ans. Elle nous a donné trois produits, dont Natashquan au Galet (ISO 123, Élan de la Cour) et Je Viens de Kergane (Type d’Elle), la mère de Nangaye. Smasch est morte à dix-neuf ans. Comme nous le faisons souvent, nous avons fait saillir Je Viens avant sa formation. Nous avions choisi Grand Chef Bleus, un étalon que j’aimais beaucoup, ce qui a donné Nangaye. Ensuite, Je Viens a concouru puis nous l’avons vendue, comme nous avions déjà une fille”, raconte Louis Menier. “Nangaye s’est blessée sérieusement à un postérieur et en est restée marquée toute sa vie. Elle avait beaucoup d’énergie. À quatre ans, elle a eu un premier poulain par Élan de la Cour, qui est hélas mort peu après sa naissance. L’année suivante, nous en avons vendu la moitié à Alexandra Rantet puis la seconde moitié un peu plus tard. Elle n’était pas évidente. Au début, elle sautait trop fort et pouvait se faire un peu peur. Ensuite, cela s’est arrangé et elle a réussi une très belle carrière.”

Ici en 2018 à Berlin avec la Polonaise Natalia Czernik, Quasi de Kergane, issu de la même souche que Nangaye, s’est depuis classé à 1,50 m avec le Polonais Wojciech Wojcianiec.

Ici en 2018 à Berlin avec la Polonaise Natalia Czernik, Quasi de Kergane, issu de la même souche que Nangaye, s’est depuis classé à 1,50 m avec le Polonais Wojciech Wojcianiec.

© Sportfot



Trois cavaliers sous son charme

La petite alezane aux crins lavés a permis à Alexandra Rantet, ici en 2011 à Vichy, de vivre ses plus belles émotions de cavalière mais aussi d’éleveuse.

La petite alezane aux crins lavés a permis à Alexandra Rantet, ici en 2011 à Vichy, de vivre ses plus belles émotions de cavalière mais aussi d’éleveuse.

© Sportfot

Alexandra Rantet fait la connaissance de Louis Menier et de Nangaye en 2005, peu après avoir débarqué en Bretagne, où elle a rejoint son compagnon, Yoann Lepage. “Comme son cavalier maison était blessé, Louis Menier cherchait quelqu’un pour monter ses chevaux au pied levé. Je m’y rendais alors deux fois par semaine. Quand je suis arrivée, Nangaye avait juste été débourrée et avait pouliné. Elle était exceptionnelle. La première fois que je l’ai vue sauter en liberté, je suis rentrée et j’ai dit à Yoann que je n’avais jamais vu un cheval sauter comme ça, avec une telle envergure et tant de respect. Montée aussi, elle s’est avérée exceptionnelle, même si elle était toute petite: 1,61m une fois sa croissance achevée. Elle avait une apparence très gentille et facile, mais beaucoup de caractère. Par exemple, elle virait tous les stagiaires, ce que j’avais du mal à croire car elle ne me testait pas et n’essayait pas de me faire tomber.”

Séduite, Alexandra achète donc la moitié de Nangaye et la lance en concours avant de l’acquérir en totalité. “Elle a commencé à cinq ans, directement les qualificatives. Au départ, elle sautait trop haut et se faisait un peu peur. Elle commettait très peu de fautes, mais pouvait parfois s’arrêter avec l’émotion. Malgré tout, elle a été performante dès le départ, puisqu’elle s’est qualifiée pour la finale, où elle a enchaîné un sans-faute et tour à quatre points – une faute que je n’ai même pas sentie et qu’on ne voyait pas sur la vidéo. Elle a réussi une bonne saison à six ans, finissant notamment deuxième du CIR. Lors de la finale, un homme de piste est malheureusement passé devant nous quand nous abordions un bidet. Elle a commis une grosse faute et s’est fait très peur. D’ailleurs, j’ai mis du temps à lui faire repasser sereinement les bidets. À sept ans, nous avons concouru jusqu’à 1,40m et avons commencé à recevoir des offres intéressantes. J’ai dit à Louis Menier qu’il ne fallait pas la vendre tout de suite, mais il voulait la vendre. Du coup, je lui ai racheté sa part. À l’époque, nous n’avions pas d’argent du tout, car nous nous lancions. Toute la famille nous a alors aidés, et notamment les parents de Yoann qui ont acheté un quart de la jument, alors qu’ils n’avaient pas de gros moyens. Nous y croyions vraiment et avons placé toutes nos économies en elle. Nous savions qu’elle était bonne, mais sans pouvoir dire au départ jusqu’où elle irait, car elle faisait tout avec son cœur.”

Le couple ne cesse de progresser, se montrant régulier à 1,40m à neuf ans, avant de se classer à 1,50m l’année suivante et de participer à son premier Grand Prix CSI 4* à Bourg-en-Bresse, avec quatre points à la clé. “À huit ans, je l’ai relancée dans de petites épreuves à 1,25m et 1,30m pour pouvoir la monter plus décontractée. À partir de ce jour-là, j’ai définitivement gagné sa confiance, et elle n’a plus jamais refusé d’obstacle en piste, se montrant d’une régularité incroyable. Cette année-là, nous avons dû concédé huit point une fois lors de notre premier Grand Prix CSI 3*, sinon c’était toujours un sans-faute ou quatre points. Si je ne me trompais pas, elle ne commettait pas d’erreur”, se rappelle Alexandra.

À onze ans, Nangaye signe une magnifique saison, avec dix-neuf fois classements en trente-trois épreuves, gagnant notamment les Grands Prix CSI 2* de Challans et surtout CSI 3* de Dinard. Après cette victoire sur la côte d’Émeraude, Alexandra se résout à vendre sa jument de cœur. “Ce jour-là, je sentais qu’elle pouvait être sans faute sans problèmes et que nous pouvions gagner, ce que nous avons réussi. Avant elle, je n’avais disputé qu’un seul Grand Prix CSI 3*. Elle m’a permis de gagner mon premier et seul Grand Prix de ce niveau, et de tenter ma chance en 4*. Après Dinard, nous l’avons vendue à Xavier Marie qui l’a confiée à Kevin Staut. La décision n’a pas été trop difficile à prendre, puisque nous n’avions pas d’argent à l’époque. De plus, je savais que j’aurais difficilement accès à de plus beaux concours, ayant déjà du mal à obtenir des sélections en CSI 3*”, relate la jeune femme installée à Paimpont, ville d’Ille-et-Vilaine située en plein cœur de la forêt de Brocéliande.

Nangaye demeure six mois sous la selle de Kevin Staut, obtenant notamment une neuvième place dans le Grand Prix secondaire du CSI 5*-W de Bordeaux et une quatrième dans l’épreuve majeure du CSI 3* de Neufchâtel-Hardelot. Leurs routes se séparent en mai 2012, après une très belle prestation lors du Grand Prix CSIO 5* de La Baule, que le couple conclut avec seulement une faute sur le dernier obstacle. “Elle avait été magnifique lors de ce Grand Prix de La Baule”, se rappelle son naisseur. La princesse passe sous la selle portugaise de Luciana Diniz et se voit rebaptisée Lady Lindenhof. “Kevin l’a peu montée parce qu’il a mis un terme à sa collaboration avec le haras de Hus. Au courant de la situation, Édouard de Rothschild a acheté Nangaye pour la confier à Luciana”, se rappelle Alexandra. “Comme nous cherchions un bon deuxième cheval, je suis allée l’essayer et je me suis rapidement sentie très à l’aise avec elle”, se souvient la Portugaise.

Avec Kevin Staut, la championne a fini sur un tour à quatre points dans l’édition 2012 du Grand Prix de La Baule. © Scoopdyga

Dans l’ombre de Lennox, Winningmood et Fit For Fun, Nangaye ne parvient pas à passer le cap des gros Grands Prix CSI 5*, mais accumule des victoires, notamment à Cannes et Valkenswaard, et bon nombre de classements entre 1,50 et 1,60m sur quelques-unes des plus belles pistes du monde, d’Aix-la-Chapelle à Genève en passant par Rotterdam, Paris, Hambourg, Doha ou Miami. “Elle était petite et très charismatique. Elle fascinait les spectateurs par son look et sa façon de sauter. Avec elle, j’ai accompli beaucoup de belles performances. Elle a été très utile dans mon piquet, même si je sentais qu’elle n’exprimait pas tout son potentiel”, analyse le native du Brésil. En avril 2016, alors que Nangaye est âgée de quinze ans, Luciana Diniz prend la décision d’arrêter sa carrière sportive. “Une chuchoteuse m’a dit que Lady avait eu onze poulains par transferts d’embryons, mais n’en avait jamais porté aucun et qu’elle avait envie d’être mère (elle en aurait pourtant mis un au monde à quatre ans…, ndlr). Nous avons donc décidé d’arrêter sa carrière afin qu’elle se consacrer à l’élevage”, explique Luciana. Depuis, la belle coule des jours heureux au haras de Meautry, près de Deauville, où elle a donné naissance à deux produits de Lamm de Fétan en 2018 et 2019.

Avec Luciana Diniz, Nangaye a remporté bon nombre d’épreuves intermédiaires et brillé sur bien des pistes, dont ici celle de Miami Beach.

Avec Luciana Diniz, Nangaye a remporté bon nombre d’épreuves intermédiaires et brillé sur bien des pistes, dont ici celle de Miami Beach.

© Sportfot



Une descendance prometteuse

Ici en 2017 à Lamotte-Beuvron, le petit Vegas Flamingo, fils de Nangaye, a réussi une belle carrière en Poneys avec Sixtine Morvillers.

Ici en 2017 à Lamotte-Beuvron, le petit Vegas Flamingo, fils de Nangaye, a réussi une belle carrière en Poneys avec Sixtine Morvillers.

© Agence Écary

Auparavant, Nangaye avait donné à Louis Menier quatre produits de L’Arc de Triomphe. “Squad (ISO 127) a concouru jusqu’à 1,30m et a été vendu. Il serait au Mexique, mais je n’ai plus de nouvelles de lui. Sangali (ISO 145), le meilleur, a été classé en Grands Prix à 1,50m avec Marc Lucas. Et nous avons gardées comme poulinières Scala et Suhisa. Elles nous ont donné de bons produits, dont Arany de Kergane (ISO 149, SF, Nervoso), qui est parti en Suisse (où il a évolué avec Fiona Meier puis Cameron Hanley, avec lequel il a remporté treize épreuves internationales à sept ans, puis encore Fiona Meyer, concourant jusqu’à 1,35m, ndlr). De cette souche, je n’ai gardé Ambryme de Kergane (Amadehus), une fille de Scala”, relate le Breton.

Sept autres poulains de l’alezane sont nés chez Alexandra Rantet, dont Unladylike, Vegas Flamingo et Airelle Flamingo, issus de l’étalon maison Campo Flamingo (Z, Chellano x Ronald). Très prometteuse et classée à 1,45 m avec Alexandra, Unladylike (ISO 138 à neuf ans) a vu sa carrière sportive stoppée prématurément par des problèmes vétérinaire. Formée par Alexandra, Airelle a été confiée à Pénélope Leprevost, se classant à 1,40 m, avant d’être vendue pour moitié à Luciana Diniz. Classée en Grands Prix à 1,45m avec la Portugaise, elle a ensuite été confiée à différents cavaliers avant de revenir à Paimpont. Tout petit, Vegas Flamingo (IPO 143) a réussi une très belle carrière en Poneys sous la selle de Sixtine Morvillers, gagnant en Grand Prix As Poney Élite.

Nangaye a ensuite été croisée avec Baloubet du Rouet, donnant notamment deux filles, à l’élevage chez Alexandra Rantet, qui croit beaucoup aux poulains issus de la deuxième génération de Nangaye. “Il lui manquait peut-être un tout petit peu de sang et également un peu de force. De fait, elle n’était pas facile à croiser en première génération, car il fallait lui apporter de la taille et de la force sans enlever de sang, voire en ramener un peu. J’ai utilisé Campo Flamingo en sachant qu’il ne ramènerait pas de taille et de force, mais du sang et un peu plus de chic. Ensuite, j’ai choisi Baloubet car je pensais qu’il pourrait amener de la taille et du sang. J’ai toujours pensé que ses produits de deuxième génération seraient meilleurs. Si l’on avait la chance d’obtenir des femelles de Campo Flamingo, ce qui fut le cas, il me semblait plus facile d’apporter de la taille et de la force par la suite. Nous avons rapidement voué les deux filles de Baloubet à l’élevage, car les transferts d’embryons coûtent très cher. Je pense que nous avons des chevaux à venir encore meilleurs que Nangaye, mais il faut leur laisser un peu le temps de mûrir. Parmi les jeunes produits de cette souche, beaucoup me semblent exceptionnels, comme Paillette Flamingo (Z, Popstar Lozonais).” Signalons également Donatella Flamingo (SF, Cardento et Unladylike), classée à 1,35 m avec Rémy Neve et récemment passée sous la selle de Marc Dilasser.

En repensant à Nangaye, Alexandra ne peut cacher son émotion, la décrivant comme la jument la plus importante de sa vie de cavalière, mais aussi d’éleveuse. “C’est la jument d’une vie, avec laquelle nous acons vécu des choses extraordinaires. Elle nous a laissé de super souvenirs. Ses qualités étaient innées. C’est pourquoi elle produit bien. Elle se montait en filet simple, sans martingale, ni protège-boulets à doubles coques. Elle restera unique pour nous, tant elle était attachante, intelligente. J’ai encore beaucoup d’émotions en repensant à son départ. Elle a changé notre vie et nous sommes très attachés à elle. Sans elles, nous n’exercerions peut-être pas ce métier aujourd’hui. Elle nous a aussi permis d’aménager les écuries de nos rêves et de travailler dans de bonnes conditions. Ce n’est pas rien un cheval qui vous change la vie comme ça, sans parler de ses filles et petites-filles. Ce fut une période merveilleuse pour nous”, conclut-elle, entre nostalgie et confiance en l’avenir.

Alexandra et Yoann Lepage posent ici avec Unladylike, Airelle Flamingo, Belinda Flamingo et Boubelina Flamingo, les quatre filles de Nangaye à l’élevage chez eux.

Alexandra et Yoann Lepage posent ici avec Unladylike, Airelle Flamingo, Belinda Flamingo et Boubelina Flamingo, les quatre filles de Nangaye à l’élevage chez eux.

© Collection privée



Revivez le très beau parcours de Nangaye et Kevin Staut dans le Grand Prix Longines de France, en 2012 à La Baule.

En 2011, déjà à La Baule, Nangaye avait signé une très belle victoire dans une épreuve à 1,35m du CSI 2* avec Alexandra Rantet.

On retrouve ici Sangali de Kergane, le produit le mieux indicé de Nangaye, dans une épreuve nationale à 1,35m disputée à Pernay sous la selle de Marc Lucas.

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